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Les Galápagos défient les modèles de points chauds

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  • Les Galápagos défient les modèles de points chauds

    La structure du point chaud de l’archipel des Galapagos ne correspond pas à ce que prévoient les modèles. Une analyse sismique profonde suggère un nouveau scénario.


    L’archipel des Galápagos, situé dans le Pacifique à plus de 900 kilomètres de la côte équatorienne, est formé d'îles volcaniques. Elles résultent de la présence d’un point chaud, c'est-à-dire d'un panache de roche chaude qui remonte sous la surface depuis les profondeurs du manteau terrestre. Mais selon Douglas Toomey, de l’Université d’Oregon, et ses collègues, la dynamique de ce panache ne correspond pas aux modèles couramment admis. S’appuyant sur l'imagerie tomographique des ondes sismiques à très grande profondeur et l'analyse isotopique de roches volcaniques, les géologues proposent un scénario plus complexe.
    Les îles de Hawaï, les volcans du parc Yellowstone aux États-Unis et l’archipel des Galápagos sont autant d’exemples de points chauds, des zones d'activité volcanique régulière. Le mécanisme à l'origine des points chauds n'est pas encore totalement compris, mais on pense qu'ils prennent leur source en profondeur dans le manteau terrestre. Des roches plus chaudes, donc moins denses que les roches environnantes, remonteraient vers la surface sous l’action de la poussée d’Archimède. En traversant la lithosphère – l'enveloppe rigide qui comprend la croûte terrestre et le manteau supérieur –, la roche chaude fond à cause de la diminution de la pression et se transforme en magma, entraînant la formation de volcans à la surface. Tandis que les plaques tectoniques de la croûte se déplacent, les points chauds restent – relativement – fixes. Il en résulte des alignements volcaniques, tels que les îles de Hawaï ou l'archipel des Marquises. Seule l'extrémité de la chaîne, située au-dessus du point chaud, est active. Les îles Galápagos, cependant, n'obéissent pas à cette configuration. On y observe une zone de volcanisme étendue : les trois volcans les plus à l’Ouest de l’archipel ont connu une éruption ces dix dernières années (Sierra Negra en 2005, Cerro Azul en 2008 et Fernandina en 2009), et d’autres ont eu une activité récente au XXe siècle.
    Pour comprendre cette anomalie, D. Toomey et ses collègues ont étudié le sous-sol de l’archipel en mesurant la vitesse de propagation des ondes sismiques dans la roche. En effet, les ondes sismiques de surface (de type S) se propagent plus lentement dans les matériaux liquides ou partiellement fondus que dans les solides. Par reconstruction tomographique (qui permet de déduire un volume à partir de coupes), les géologues ont ainsi pu esquisser le profil du point chaud jusqu’à une profondeur de 300 kilomètres.
    Dans les modèles les plus courants, on suppose que le point chaud subit un léger entraînement de la part de la plaque tectonique sous laquelle il se trouve (ici la plaque tectonique Nazca), et que le volcan en activité correspond au point d’émergence du panache. Or les chercheurs n'ont observé aucune déviation du panache vers l'Est, dans le sens du déplacement de la plaque Nazca. En revanche, deux anomalies sont apparues.
    Pour comprendre le point chaud des Galápagos, il faut tenir compte de la présence d’une dorsale à plusieurs centaines de kilomètres au Nord, qui marque la séparation entre la plaque Nazca et la plaque Cocos, qui s’en écarte en se déplaçant vers le Nord-Est. On pensait jusqu'ici que l'interaction mécanique de la plaque Nazca et de la dorsale devait dévier le panache du point chaud vers le Nord – vers la dorsale –, à une profondeur estimée à quelques dizaines de kilomètres, juste sous la lithosphère. Mais D. Toomey et ses collègues ont montré qu'en réalité, le panache est dévié vers le Nord à une profondeur bien plus grande, entre 150 et 50 kilomètres de profondeur.
    En outre, une étude isotopique des roches issues des volcans des Galapagos montre qu'elles présentent un rapport isotopique hélium 3/hélium 4 élevé, compatible avec ce qu'on attend des roches du panache, mais des rapports isotopiques anormaux pour des éléments tels que le strontium, le néodyme, le plomb et le hafnium. Les roches prélevées près des dorsales ont en revanche une composition isotopique proche de celle du panache.
    D. Toomey et ses collègues proposent une explication qui repose sur la fusion partielle de la roche en plusieurs étapes (à différentes profondeurs) et l'extraction de la partie liquide du panache. Le scénario commence avec la fusion de certaines péridotites vers 400 kilomètres de profondeur. Lorsque le panache est dévié vers le Nord à 150 kilomètres de profondeur par l’interaction avec la dorsale, les parties liquides et fondues de la roche sortiraient du panache et poursuivraient une ascension verticale. Ces roches fondues, riches en hélium 3, subiraient une nouvelle transformation : la déshydratation de l’olivine. Cela se traduit, dans les observations, par l'augmentation de la vitesse de propagation des ondes sismiques entre 150 et 80 kilomètres de profondeur. Enfin, les silicates fondraient vers 80 kilomètres de profondeur sous les îles des Galápagos, formant une région étendue où la vitesse de propagation des ondes est plus lente. Par ailleurs, la partie du panache déviée vers le Nord, celle qui se dirigent vers la dorsale, est riche en strontium, néodyme, plomb et hafnium, ce qui explique les résultats obtenus sur les roches du Nord de l’archipel.
    Le mécanisme de fusion partielle et de séparation des parties liquides et fondues de la roche en plusieurs étapes pourrait être à l’œuvre pour d’autres points chauds. Ce scénario apporte des contraintes sur la composition pétrologique et géochimique, la rhéologie des roches, la viscosité du manteau et la valeur des ondes sismiques, et l'écoulement en trois dimensions du panache – despropriétés qui restent mal connues à de telles profondeurs.

    par Sean Bailly
    pour la science
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