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Les urgences au CHU de Bab El Oued: à revoir d'urgence

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  • Les urgences au CHU de Bab El Oued: à revoir d'urgence

    Le service des urgences est symptomatique de l'état de santé d'un hôpital Et pour celà on peut tirer notre chapeau à tout le personnel hospitalier qui travaille,on le verra dans des conditions difficiles. Et que dire pour les patients qui ne viennent que par obligation et sont deja en état de stress et de fragilité, agressant parfois le personnel débordé qui pourtant fait tout ce qu'il peut avec les moyens dérisoires qui sont à sa portée.

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    On se croirait dans un hôpital de guerre ou dans une unité de soins désenclavée où les conditions de prise en charge des malades sont réduites à leur plus simple, voire archaïque, expression. L’urgence de sauver les vies des malades étant prioritaire sur toute autre considération d’hygiène et de confort des dizaines de blessés qui affluent : il faut bien parer au plus urgent. Deux salles froides, parce que trop dénudées, accueillent les patients qui se font de plus en plus nombreux.

    Deux médecins, visiblement des internes, sont affectés à chacune des salles qui, pour tout mobilier, ne disposent que d’un bureau et d’un lit pour les consultations. C’est le service des urgences de l’un des plus grands hôpitaux de la capitale, le CHU de Bab El Oued. Le jeûne est interrompu depuis une demi-heure et, lorsque nous arrivons au service, les premiers patients qui ont pris place dans la salle d’attente semblent être là depuis les premières minutes du f’tour, peut-être même avant pour certains d’entre eux. Au milieu de la salle à moitié pleine se trouve un lit sur lequel est allongé un homme à un âge avancé. Dormant sur le côté et presque immobile, il semble très mal en point. A-t-il été ausculté par les médecins ou est-il en train d’attendre que son tour vienne, bien que son état soit critique ? Sera-t-il ensuite transféré vers une salle plus calme ? Sera-t-il hospitalisé ? Autant de questions qui nous taraudent.

    Les deux salles de consultation du service se trouvent à quelques mètres de celle d’attente. Pour la plupart des malades, en proie à des douleurs et des malaises divers, cette courte distance est ressentie plus longue. Ils arrivent, généralement, au service le plus sollicité de l’hôpital pour des soucis gastriques dus au changement des habitudes alimentaires qu’impose le jeûne et que, parfois, d’autres maladies rendent plus compliqués. Ceux-là s’ajoutent à ceux qui ont l’habitude de fréquenter le service pour des maladies chroniques, comme c’est le cas pour les diabétiques ou les hypertendus. Ce soir-là, ils sont particulièrement nombreux. Les médecins tentent de faire de leur mieux pour répondre à la forte demande. Peine ardue.

    Le seul tensiomètre du service circule inlassablement entre les deux salles. Dès qu’un médecin a fini de s’en servir, il le «refile» à son collègue de l’autre salle. Dans l’une d’elles, alors que l’un des praticiens est affairé à ausculter une malade qui plie sous d’atroces douleurs abdominales et en proie à d’affreux maux de tête, un jeune fait irruption avec, dans ses bras, sa mère au teint livide, inconsciente et le front en sueur. «S’il vous plaît, laissez-moi votre place, c’est plus urgent elle est diabétique ! » lancera-t-il à l’adresse de la malade allongée. D’instinct, cette dernière lui cède sa place, oubliant presque son cas devant la gravité de la nouvelle arrivée. Lorsque les malades sont auscultés par les médecins, ils sont orientés, pour la plupart, vers l’infirmerie où on leur administre les injections prescrites par le médecin, le comprimé ou d’autres soins nécessaires. En guise d’infirmerie, une petite salle qui ne peut pas contenir plus de 8 chaises alors que le nombre des malades est bien disproportionné.

    Quand s’asseoir devient un luxe…

    Ceux qui sont «de trop» doivent prendre leur mal en patience… debout. Aucune chaise n’est mise à la disposition des patients le long du couloir où ils sont nombreux à s’agglutiner devant les salles de consultation ou d’infirmerie. Inutile de dire que, pour ceux qui accompagnent les malades, se procurer une chaise relève du luxe. Le seul infirmier en service se démène comme un fou pour s’occuper de tous les malades que lui affectent les médecins. Jusqu’à un certain seuil, il s’est attelé à cette tâche sans rechigner mais ne tarde pas à manifester son impatience lorsque l’une des patientes lui demande s’il est temps de lui retirer l’injection qu’il lui a administrée une demi-heure plus tôt. «Je ne peux pas tout faire tout seul !», tempête-t-il.

    Tel un automate, il défait les seringues l’une après l’autre sans précaution d’hygiène apparente. Et c’est avec les mêmes mains dénudées que le jeune infirmier retire d’une plaquette de médicaments un comprimé pour le donner à une malade. Un tour d’horizon de la salle nous provoquera presque des haut-le-cœur : les murs et le lavabo sont crasseux, l’air irrespirable. Sur le semblant de lavabo, des seringues utilisées s’entassent dans un grand bocal. Serviront-elles encore à quelque chose ? Aucune présence de détergents, d’alcool, voire d’eau. Lorsque l’infirmier a présenté le comprimé à la dame, il est allé s’occuper d’une autre malade. Il n’avait même pas jugé nécessaire de lui demander de se débrouiller de l’eau avec laquelle l’avaler. Lorsqu’elle osera la question, il lui répondra en ces termes : «Il ne manquerait plus que de vous apporter du jus d’orange !» Par chance pour la malade, la parente qui l’accompagnait avait eu le réflexe d’apporter une bouteille d’eau minérale au cas où elles auraient soif pendant le trajet. Lorsque la malade en a bu, une autre patiente qui attendait à ses côtés que soit épuisé le contenu du sérum qu’on lui administrait, l’a suppliée de lui donner à boire : «Je suis diabétique, j’ai très soif !» se justifie-t-elle.

    Une autre malade, la soixantaine entamée et un pied dans le plâtre, est soutenue par ses deux filles. Après être passée devant le médecin, elle attend d’être remise de son mal dans l’infirmerie où une injection lui est administrée. Au bout d’un moment, elle présente un malaise et demande à ses filles de la faire sortir de la minuscule salle où l’air irrespirable ne semble pas vouloir céder la place à l’air frais bien qu’on ait pris soin de laisser ouverte la fenêtre.

    A peine arrivée dans le couloir où une précieuse chaise lui a été trouvée, elle fait entendre de bruyants rots avant de commencer à vomir à même le sol. Les personnes debout devant elle tentent de trouver un récipient ou une poubelle pour «limiter les dégâts». En vain. L’une de ses filles se rabat alors sur un sachet plastique noir. Peu de temps après, c’est au tour d’une jeune fille d’être prise par la même urgence. Elle trouvera, néanmoins, la force de vider son estomac loin du regard d’autrui en s’éloignant du couloir. Lorsque nous quittons, enfin, le service des urgences de Bab El Oued, nous laissons derrière nous le malade aperçu à notre arrivée dans la même position que nous l’avions trouvé. Nous ne pouvons alors nous empêcher de souhaiter que son attente ne se fasse pas plus longue. Passé l’état de stupeur dans lequel nous avons été plongés tout au long de notre présence dans le service, d’autres interrogations se bousculent dans notre tête. Les scènes qui se sont déroulées sous nos yeux, bien que dignes d’un autre âge, sont donc loin d’être révolues. Elles ont visiblement la peau plus dure que les slogans des responsables en charge du lourd secteur de la santé.

    Les réformes ou «réformettes» -comme diraient les plus désillusionnés- qui se sont succédé pour tenter d’améliorer la qualité de prise en charge des malades et, du coup, l’image altérée de la santé en Algérie, n’ont pas l’air de se «coller» à la réalité du terrain. Celle qui transforme en une corvée insurmontable le simple geste de se diriger vers un hôpital. Au point que l’on entend souvent les Algériens faire cette réflexion : «Malheur à celui qui se trouve entre les mains de la santé publique !»…

    Par la tribune
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