Chef de bureau de vote à deux reprises à Alger, Maya, une jeune algérienne, témoigne sur Algérie-Focus sur des cas de fraudes. Elle dit avoir été témoin de “bourrage d’urnes”.
Maya n’avait que 20 ans lorsqu’elle a été propulsée pour la première fois chef de bureau à Alger. C’était à l’occasion de l’élection présidentielle de 2004, qui a vu la réélection du Président sortant Abdelaziz Bouteflika. “Les équipes de bureaux de vote sont choisi par les fonctionnaires de l’APC. Ils font entrer leurs connaissances, les membres de leur famille. C’est la maarifa. Moi je suis entrée grâce à mon oncle”, explique d’emblée Maya.
“Ils font voter les morts et les mineurs”
Postée au bureau de vote installé dans le lycée Saint Elizabeth, dans le quartier de Télemly, Maya a supervisé le déroulement du scrutin présidentiel toute la journée du 8 avril, “de 8 H à 19 H”. “Le matin je suis arrivée dans le bureau de vote avec mon équipe, pratiquement tous membres de ma famille, j’ai installé les bulletins de vote, j’ai placé le registre des électeurs, j’ai vérifié que l’urne était vide, je l’ai fermé et gardé avec moi toute la journée la clef”, se souvient Maya. Les électeurs se sont présentés au fur et à mesure à son bureau de vote, “principalement des personnes âgées”. Mais “ça ne se bousculait pas au portillon“, souligne la chef de bureau de vote au moment le jour de l’élection présidentielle de 2004, “j’étais même stupéfaite quand ils ont annoncé plus tard le taux de participation”. Toutefois, Maya n’a assisté cette fois-là à aucune irrégularité. “Le vote s’est passé normalement dans mon bureau”, indique la jeune femme. Si elle n’a pas été personnellement témoin de scènes de fraudes, Maya dit avoir été informée par ses collègues, responsables d’autres bureaux de votes, de cas de triches. “Vous savez entre chef de bureau de vote on discute. Certains m’ont dit que le registre d’état civil avait été truqué à l’ancienne, c’est-à-dire qu’on avait fait voter des électeurs qui ne s’étaient pas déplacés soit parce qu’ils sont à l’hôpital soit parce qu’ils sont morts. On a même fait voter les mineurs à leur insu, un collègue m’a raconté”, confie à Algérie-Focus Maya. “Comme le registre d’état civil n’est pas informatisé, le pouvoir peut facilement manipuler les votes”, considère-t-elle.
Une majorité de “non”, au final la victoire du “oui”
Si en 2004, Maya n’a été le témoin direct d’activités illégales au sein de son bureau de vote, elle était en première ligne durant le référendum sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui s’est déroulé le 29 septembre 2005. “Le vote s’est déroulé normalement jusqu’au décomptage. J’ai même été interviewé par la chaîne de télévision américaine CNN où j’avais expliqué de tout se passait bien”, se rappelle Maya. Une fois le bureau de vote, l’équipe supervisée par Maya a assisté au dépouillement de l’urne, en présence d’observateurs de chaque partis. “D’abord on nettoie la salle et on range dans les cartons les bulletins non utilisés. Et je ferme le registre de vote. Ensuite j’ouvre l’urne, je la renverse et je commence à compter. Je sépare bien les bulletins de “oui” des “non” et je note au fur et à mesure les résultats. Dans salle, mon équipe et les observateurs notent en même temps que moi. Il y a donc plus d’une personne qui compte le nombre de suffrages”, décrit Maya. Une fois le dépouillement terminé, Maya remplit la fiche certifiant les résultats de vote pour son bureau, où elle inscrit “combien de personnes ont voté, combien ont voté “oui”, combien ont voté “non”" et signe ce document en un seul exemplaire. “Je le montre à toutes les personnes présentes dans la salle. Puis, je remets les bulletins dans l’urne et dessus le document. Je ferme l’urne et garde la clef”, précise la jeune femme. Résultat du vote à cet instant-là : le “non” l’emporte d’une courte marge, affirme Maya.
“Des hommes intimidants sont entrés dans le bureau de vote …”
C’est à ce moment là que les choses se gâtent. “Mon équipe et les observateur sortent. Je reste seule en compagnie du responsable de l’établissement. Et des hommes, habillés en civil, imposants et intimidants font leur entrée. Ils ne me regardent même pas, ils s’adressent seulement au responsable de l’établissement. “Ils prennent une centaine de bulletins de “oui” rangés dans les cartons et les glissent dans l’urne. Ensuite, ils cochent au hasard dans le registre de l’état civil”, témoigne Maya. C’est ainsi que le bureau de vote du lycée Saint Elizabeth à Alger a voté en faveur du “oui” au référendum sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.
Dégoûtée
Pour Maya, ces pratiques frauduleuses ne sont pas généralisés à tous les bureaux de vote. “Ils visent seulement un ou deux bureaux de vote par centre de vote”, estime la jeune femme, persuadée que “ce n’est pas anodin si j’ai été choisie comme chef de bureau. A l’époque j’étais jeune et naïve. Je voulais gagner quelques sous c’est tout (ndlr environ 5.000 dinars la journée)”, soupçonne-t-elle.
Dégoûtée par ces méthodes, Maya s’est jurée depuis de ne plus jamais voter. “Je ne veux pas participer à cette mascarade, je ne crois plus en la transparence du vote en Algérie. Mon expérience en tant que chef de bureau m’a écœurée”, lâche-t-elle. Presque dix ans après son expérience, Maya reste convaincue que le système frauduleux est toujours en vigueur. “Les choses n’évolueront sûrement pas tant que ce pouvoir restera en place“, conclu-t-elle défaitiste.
Algerie Focus
Maya n’avait que 20 ans lorsqu’elle a été propulsée pour la première fois chef de bureau à Alger. C’était à l’occasion de l’élection présidentielle de 2004, qui a vu la réélection du Président sortant Abdelaziz Bouteflika. “Les équipes de bureaux de vote sont choisi par les fonctionnaires de l’APC. Ils font entrer leurs connaissances, les membres de leur famille. C’est la maarifa. Moi je suis entrée grâce à mon oncle”, explique d’emblée Maya.
“Ils font voter les morts et les mineurs”
Postée au bureau de vote installé dans le lycée Saint Elizabeth, dans le quartier de Télemly, Maya a supervisé le déroulement du scrutin présidentiel toute la journée du 8 avril, “de 8 H à 19 H”. “Le matin je suis arrivée dans le bureau de vote avec mon équipe, pratiquement tous membres de ma famille, j’ai installé les bulletins de vote, j’ai placé le registre des électeurs, j’ai vérifié que l’urne était vide, je l’ai fermé et gardé avec moi toute la journée la clef”, se souvient Maya. Les électeurs se sont présentés au fur et à mesure à son bureau de vote, “principalement des personnes âgées”. Mais “ça ne se bousculait pas au portillon“, souligne la chef de bureau de vote au moment le jour de l’élection présidentielle de 2004, “j’étais même stupéfaite quand ils ont annoncé plus tard le taux de participation”. Toutefois, Maya n’a assisté cette fois-là à aucune irrégularité. “Le vote s’est passé normalement dans mon bureau”, indique la jeune femme. Si elle n’a pas été personnellement témoin de scènes de fraudes, Maya dit avoir été informée par ses collègues, responsables d’autres bureaux de votes, de cas de triches. “Vous savez entre chef de bureau de vote on discute. Certains m’ont dit que le registre d’état civil avait été truqué à l’ancienne, c’est-à-dire qu’on avait fait voter des électeurs qui ne s’étaient pas déplacés soit parce qu’ils sont à l’hôpital soit parce qu’ils sont morts. On a même fait voter les mineurs à leur insu, un collègue m’a raconté”, confie à Algérie-Focus Maya. “Comme le registre d’état civil n’est pas informatisé, le pouvoir peut facilement manipuler les votes”, considère-t-elle.
Une majorité de “non”, au final la victoire du “oui”
Si en 2004, Maya n’a été le témoin direct d’activités illégales au sein de son bureau de vote, elle était en première ligne durant le référendum sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui s’est déroulé le 29 septembre 2005. “Le vote s’est déroulé normalement jusqu’au décomptage. J’ai même été interviewé par la chaîne de télévision américaine CNN où j’avais expliqué de tout se passait bien”, se rappelle Maya. Une fois le bureau de vote, l’équipe supervisée par Maya a assisté au dépouillement de l’urne, en présence d’observateurs de chaque partis. “D’abord on nettoie la salle et on range dans les cartons les bulletins non utilisés. Et je ferme le registre de vote. Ensuite j’ouvre l’urne, je la renverse et je commence à compter. Je sépare bien les bulletins de “oui” des “non” et je note au fur et à mesure les résultats. Dans salle, mon équipe et les observateurs notent en même temps que moi. Il y a donc plus d’une personne qui compte le nombre de suffrages”, décrit Maya. Une fois le dépouillement terminé, Maya remplit la fiche certifiant les résultats de vote pour son bureau, où elle inscrit “combien de personnes ont voté, combien ont voté “oui”, combien ont voté “non”" et signe ce document en un seul exemplaire. “Je le montre à toutes les personnes présentes dans la salle. Puis, je remets les bulletins dans l’urne et dessus le document. Je ferme l’urne et garde la clef”, précise la jeune femme. Résultat du vote à cet instant-là : le “non” l’emporte d’une courte marge, affirme Maya.
“Des hommes intimidants sont entrés dans le bureau de vote …”
C’est à ce moment là que les choses se gâtent. “Mon équipe et les observateur sortent. Je reste seule en compagnie du responsable de l’établissement. Et des hommes, habillés en civil, imposants et intimidants font leur entrée. Ils ne me regardent même pas, ils s’adressent seulement au responsable de l’établissement. “Ils prennent une centaine de bulletins de “oui” rangés dans les cartons et les glissent dans l’urne. Ensuite, ils cochent au hasard dans le registre de l’état civil”, témoigne Maya. C’est ainsi que le bureau de vote du lycée Saint Elizabeth à Alger a voté en faveur du “oui” au référendum sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.
Dégoûtée
Pour Maya, ces pratiques frauduleuses ne sont pas généralisés à tous les bureaux de vote. “Ils visent seulement un ou deux bureaux de vote par centre de vote”, estime la jeune femme, persuadée que “ce n’est pas anodin si j’ai été choisie comme chef de bureau. A l’époque j’étais jeune et naïve. Je voulais gagner quelques sous c’est tout (ndlr environ 5.000 dinars la journée)”, soupçonne-t-elle.
Dégoûtée par ces méthodes, Maya s’est jurée depuis de ne plus jamais voter. “Je ne veux pas participer à cette mascarade, je ne crois plus en la transparence du vote en Algérie. Mon expérience en tant que chef de bureau m’a écœurée”, lâche-t-elle. Presque dix ans après son expérience, Maya reste convaincue que le système frauduleux est toujours en vigueur. “Les choses n’évolueront sûrement pas tant que ce pouvoir restera en place“, conclu-t-elle défaitiste.
Algerie Focus
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