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Annie Steiner, ou le rêve de justice Par : Mustapha Hammouche

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  • Annie Steiner, ou le rêve de justice Par : Mustapha Hammouche

    Ces mots prononcés par la moudjahida Annie Steiner résument à eux seuls l’abyssal écart entre l’Algérie du projet révolutionnaire et l’Algérie du système postindépendance. “Nous avons rêvé autre chose pour vous”, a-t-elle dit, hier, à l’occasion d’un hommage qui lui était rendu par l’association Mechaâl Echahid.
    Le propos illustre la distance entre le rêve à l’origine d’un immense mouvement populaire et la réalité affligeante qui s’étale sous les yeux d’une “juste” qui pourrait se demander pour quel résultat désastreux elle s’était engagée.
    De fait, c’est un navrant spectacle qui s’offre à elle — et à nous — que celui de cohortes de prébendiers s’agrippant aux décombres d’un pays qu’ils ont mille fois saccagé ! Affligeant spectacle, aussi, que celui de laudateurs retenant un président usé, de peur que son départ ne dérange le dispositif de siphonage de la rente ! Écœurant
    spectacle, enfin, que celui de parasites entretenus vilipendant des Algériens parce qu’ils appellent à la fin du pillage.
    L’on comprend pourquoi les hommages à de telles mémoires du combat libérateur se déroulent dans une quasi-clandestinité, avec la présence de l’association organisatrice et celle de quelques compagnons. À trop subir l’omniprésence d’“historiques” recyclés dans la maintenance du système oppresseur et prédateur, l’on est tenté d’oublier ceux qui, malgré leurs immenses sacrifices, n’ont pas perçu l’Algérie comme le butin personnel de leur combat. Le pouvoir préfère “enterrer” ceux dont il n’obtient pas qu’ils se coulent dans son moule. Quitte à inventer des héros de substitution pour entretenir une légende adaptée aux besoins politiques du maître du moment.
    Il est significatif que la cérémonie qui a réuni Annie Steiner et ses compagnons se déroule à un moment où le régime de l’Algérie indépendante se distingue par une multiplication de rafles et perquisitions contre des citoyens qui revendiquent la fin d’un système oppressant.
    C’est pourquoi l’on comprend qu’il y ait, dans les paroles d’Annie Steiner, qui, pour défendre son rêve d’Algérienne, a subi, six années durant, la prison Barberousse et perdu la garde légale de ses enfants, comme une expression de déception. “Nous avons rêvé très haut et très grand pour vous”, a-t-elle confié, s’adressant, du haut de ses dignes quatre-vingt-cinq années, aux plus jeunes. Le constat est tacite, mais sans, toutefois, désespérer la femme d’idéal : “Notre génération a fait ce qu’elle pouvait pour une Indépendance chèrement acquise. Aujourd’hui, l’Algérie se relèvera grâce à la jeunesse.”
    Pour l’heure, il y a trop d’obédiences du côté de l’arbitraire. Voici un poème en prose qu’Annie Steiner a écrit au lendemain de son procès, en mars 1957, en pensant probablement au tribunal qui lui enlevait la garde légale de ses enfants en même temps qu’il la condamnait à six ans de prison. “Cette femme n’est pas une mère, a dit Monsieur le procureur. Cette femme n’est pas une mère, ont répété les cervelles dociles. Vous avez le jugement prompt. Soyez loué par les cervelles dociles. Vous avez le goût de la justice prompte. Soyez béni par les cervelles dociles…”
    L’histoire de l’héroïne invite à l’espoir : l’arbitraire, même bien soutenu, a une fin. Le rêve de justice est toujours le plus fort.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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