La télévision unique algérienne est regardée “chaque jour” par 27 millions d’Algériens de plus de seize ans (une tranche d’âge qui ne compte que 19 à 20 millions !). Si l’on ajoutait les moins de seize ans (qui ne figurent pas dans l’échantillon interrogé, mais qui représentent environ 40% de la population), les adeptes de l’ENTV dépasseraient largement le nombre d’habitants (32 millions). Avec 83,2% de fidèles (ceux qui “regardent le plus souvent”), Habib Chawki tient là, grâce à l’invention de l’audimat Abassacom, un score présidentiel.
Dans cette étonnante étude, le second candidat arrive naturellement loin derrière, Al Jazeera, avec seulement 48,6% d’électeurs. La première chaîne non arabophone, TF1, est 4e, avec 24,7% d’amateurs. Il n’y a aucune raison de remettre en cause les chiffres plébiscitaires de l’enquête, mais on ne peut s’empêcher d’en être ahuri. À voir, en effet, les sacrifices et l’ingéniosité que les Algériens investissent dans la quête d’autres stations que l’Unique, on ne peut que s’interroger : pourquoi un peuple qui est à ce point comblé par sa télévision publique dépense-t-il tant d’efforts et tant de frais à essayer de se connecter aux canaux étrangers ?
L’enquête fait fi des limites qu’elle relève elle-même à la popularité de l’ENTV. Tellement regardée à l’heure du JT, des bulletins météo, jeux, feuilletons et films, l’Unique a connu une baisse d’audience pour ce qui concerne les débats et tables rondes, reportages et documentaires, émissions techniques et scientifiques, humour et sketchs, émissions participatives…
La comparaison avec des chaînes souvent payantes et auxquelles l’accès nécessite, pour les ménages, un investissement volontaire et élevé (achat et installation de démodulateur), pour les uns, ou de guetter les possibilités aléatoires de décodage clandestin, pour les autres, manque de sens. Il eut fallu, pour rendre le rapprochement significatif, que la redevance ENTV fût découplée de la quittance d’électricité et que les Algériens soient libérés de cette vente concomitante, pratique au demeurant illicite aux yeux de la loi. Il est facile de faire passer une contrainte pour un choix. Et l’on pourrait multiplier à satiété les motifs de “satisfaction” des Algériens, parce qu’ils prennent, par exemple, plus souvent Air Algérie que d’autres compagnies aériennes.
Il y a quelque chose de vicié, et de vicieux, dans ce genre de sondage. Il suggère insidieusement que nous nous satisfaisons de la situation monopolistique, et forcément médiocre, de l’Unique. C’est à des chaînes algériennes que l’attrait de la télévision du pouvoir pourrait se mesurer de manière instructive, à des télévisions libres, pas aux canaux 1, 2 ou 10 de la même ENTV.
Le discours mystificateur et l’opinion forcée, dont la “boîte magique” a la maîtrise, se sont imposés à son propre sondage. Auréolé de sa légitimité “méthodologique”, il est convoqué pour constater l’audimat du discours unique et nous persuader de notre bonheur dans l’institution rétrograde de la communication unilatérale.
Par Mustapha Hammouche - Liberté
Dans cette étonnante étude, le second candidat arrive naturellement loin derrière, Al Jazeera, avec seulement 48,6% d’électeurs. La première chaîne non arabophone, TF1, est 4e, avec 24,7% d’amateurs. Il n’y a aucune raison de remettre en cause les chiffres plébiscitaires de l’enquête, mais on ne peut s’empêcher d’en être ahuri. À voir, en effet, les sacrifices et l’ingéniosité que les Algériens investissent dans la quête d’autres stations que l’Unique, on ne peut que s’interroger : pourquoi un peuple qui est à ce point comblé par sa télévision publique dépense-t-il tant d’efforts et tant de frais à essayer de se connecter aux canaux étrangers ?
L’enquête fait fi des limites qu’elle relève elle-même à la popularité de l’ENTV. Tellement regardée à l’heure du JT, des bulletins météo, jeux, feuilletons et films, l’Unique a connu une baisse d’audience pour ce qui concerne les débats et tables rondes, reportages et documentaires, émissions techniques et scientifiques, humour et sketchs, émissions participatives…
La comparaison avec des chaînes souvent payantes et auxquelles l’accès nécessite, pour les ménages, un investissement volontaire et élevé (achat et installation de démodulateur), pour les uns, ou de guetter les possibilités aléatoires de décodage clandestin, pour les autres, manque de sens. Il eut fallu, pour rendre le rapprochement significatif, que la redevance ENTV fût découplée de la quittance d’électricité et que les Algériens soient libérés de cette vente concomitante, pratique au demeurant illicite aux yeux de la loi. Il est facile de faire passer une contrainte pour un choix. Et l’on pourrait multiplier à satiété les motifs de “satisfaction” des Algériens, parce qu’ils prennent, par exemple, plus souvent Air Algérie que d’autres compagnies aériennes.
Il y a quelque chose de vicié, et de vicieux, dans ce genre de sondage. Il suggère insidieusement que nous nous satisfaisons de la situation monopolistique, et forcément médiocre, de l’Unique. C’est à des chaînes algériennes que l’attrait de la télévision du pouvoir pourrait se mesurer de manière instructive, à des télévisions libres, pas aux canaux 1, 2 ou 10 de la même ENTV.
Le discours mystificateur et l’opinion forcée, dont la “boîte magique” a la maîtrise, se sont imposés à son propre sondage. Auréolé de sa légitimité “méthodologique”, il est convoqué pour constater l’audimat du discours unique et nous persuader de notre bonheur dans l’institution rétrograde de la communication unilatérale.
Par Mustapha Hammouche - Liberté
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