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Plaidoyer pour la dette

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    L’État doit donc mettre l’ensemble de ses ressources et de ses possibilités au service de la nation. À cet effet, les déficits publics ne doivent rencontrer aucun obstacle ni aucune limite, si ce n’est l’accomplissement de la raison même d’exister d’un État, à savoir le rétablissement du plein emploi.

    Dans le cadre de la mise en place de l’Union européenne, des quotas stricts en matière de dépense publique furent imposés tout en éloignant des États membres toute possibilité et toute tentation d’exploiter les vertus de la création monétaire. Pour ce faire, une Banque centrale européenne (BCE) fut mise en place selon un modèle en déconnexion totale avec les politiques budgétaires et fiscales des pays membres. Les fondateurs de cette Europe ultralibérale considéraient en effet que l’argent est tellement suspect que son usage doit strictement être surveillé par un organisme sur lequel les États n’auraient aucun droit de regard. L’argent était cette boîte d’allumettes que l’on enlève à l’enfant, non sans le réprimander. Dès sa création, la BCE fut donc autiste ! De même, dès la mise en place de l’euro, la souveraineté monétaire de chaque nation membre fut-elle délibérément piétinée…

    Ce contre-exemple européen est particulièrement éloquent car, ce faisant, tous les ingrédients d’une conflagration pire encore que celle de la Grande Dépression furent volontairement mis en place. Alors qu’il est tout à la fois naturel et légitime que l’État use de l’argent comme levier vis-à-vis de l’activité économique, pour subvenir aux besoins de certains groupes sociaux, pour faire payer (ou contribuer) d’autres, ou pour monopoliser des ressources. Cet acte lourd et fondamental de « monétisation » est effectivement omniprésent dans l’expression de l’État. En période de crise, seul l’État peut – et doit ! - nager à contre-courant en affichant plusieurs lignes de défense.

    Sa banque centrale peut tout d’abord accorder des prêts sans limite aux établissements financiers subissant une dévalorisation de leurs investissements et des retraits massifs de leurs dépôts. En outre, la banque centrale agit à un autre niveau qui consiste à racheter les actifs à risques et ceux dont plus personne ne veut, jusque-là détenus par les banques et par les entreprises. Le but étant d’éviter le mal absolu qu’est la « déflation par la dette » décrite par Irving Fisher. L’utilisation par la banque centrale de sa monnaie prévient ainsi la vente généralisée des actifs, des titres et autres valeurs de la part d’opérateurs en mal de liquidités. Ventes qui provoqueraient une spirale baissière affectant toute la classe des investissements. La banque centrale peut enfin mettre à disposition du gouvernement les sommes pour assurer la relance de la demande agrégée, avec un impact bénéfique sur la croissance.

    Seule cette « danse du dollar », pour reprendre l’expression significative de l’économiste Fisher, est à même d’assurer la reprise économique. Pourtant, les États ont été persuadés par les « experts » qu’ils ne pouvaient strictement plus se permettre de dépenser plus. Pendant que les économies dépérissaient et que les gouvernements européens étaient menottés par leurs déficits, les interventions de la BCE se limitaient donc, en dépit du bon sens, à leur plus stricte expression. Car une banque centrale n’est restreinte par aucune limite dans sa faculté de création d’argent, quand un gouvernement peut au même moment se retrouver à court de fonds sans être en mesure de sauver son économie. Un État qui refuse de faire appel à sa banque centrale ne peut donc invoquer aucun prétexte légitime le prévenant de redresser son activité économique et de rétablir l’emploi. C’est pourquoi il est crucial de comprendre comment ce monopole de création d’argent fonctionne et comment il peut – et doit – être mis au service de l’intérêt général. En l’absence de cette détermination, l’action de l’État est inefficace, ou ne l’est que pour une minorité. Ce qui dégénère en « pauvreté au milieu d’abondance », pour reprendre les termes de Keynes, qui illustrait parfaitement son propos en décrivant un contexte « où les maisons viennent à manquer mais où nul ne peut habiter dans celles qui existent par manque de moyens » !

    L’État doit donc mettre l’ensemble de ses ressources et de ses possibilités – y compris monétaires, bien sûr – au service de la nation. À cet effet, les déficits publics ne doivent rencontrer aucun obstacle ni aucune limite, si ce n’est l’accomplissement de la raison même d’exister d’un État, à savoir le rétablissement du plein emploi. Quand les politiques comprendront-ils enfin que les dettes font partie intégrante du fonctionnement et du train de vie d’un État ?

    Marianne
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