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Architecture : les joyaux de l'Islam

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  • Architecture : les joyaux de l'Islam

    Depuis six cents ans, deux empires se déchiraient : les Perses d'un côté et les Romains de l'autre. Sassanides à l'est contre Byzantins à l'ouest. Cette guerre inexpiable épuise les adversaires. La frontière se situe sur le cours du haut Euphrate. Mais au VIe siècle, l'Orient tout entier s'embrase, de l'Arménie à l'Arabie. L'empereur de Byzance, Hérachus, reprend Jérusalem à Chosroês II en 628, pénètre en Mésopotamie et s'empare de Ctésiphon. Pendant ce temps, à La Mecque, le prophète Muhammad entend la Parole divine que lui communique l'archange Gabriel. Il commence à prêcher en 610.
    Pour échapper à l'hostilité de riches marchands, il se réfugie à Médine en 622, où, dans sa propre demeure, il édifie la première mosquée : une simple construction en pisé à toiture de palmes. Elle comporte bientôt une niché (mihrâb) vers laquelle se tournent les fidèles. A droite se dresse le minbar, sur les degrés duquel le prédicateur s'adresse aux croyants.
    Après des hésitations, la première mosquée est enfin orientée vers La Mecque. La victoire des Arabes sur les vieux empires est à la fois foudroyante et totale : cinquante ans après la mort de Muhammad (en 632), leurs forces tiennent un territoire qui va de la Tunisie à l'Ouzbékistan actuel, comprenant l'Egypte, la Syrie, la Mésopotamie et l'Iran. Elles atteignent même la frontière de la Chine. Si les premières mosquées - à Koufa, Fustat (Le Caire) ou Bassora - n'étaient que de frustes enclos en matériaux périssables, le calife omeyyade, Abd al-Malik, pour s'opposer à la révolte d'Ibn al-Zubayr à La Mecque, décide alors de construire dans Jérusalem un édifice qu'il destine à un nouveau pèlerinage, capable de supplanter celui de La Mecque, désormais inaccessible.

    Sur l'esplanade du Temple (détruit par les Romains), il bâtit en 687 le dôme du Rocher. Ce rocher était aussi celui où Abraham avait failli sacrifier son fils Isaak. Bien que victorieux depuis un demi-siècle, les Arabes n'étaient pas encore des bâtisseurs. Il fallut s'adresser à des Byzantins (majoritaires au Proche-Orient), c'est-à-dire à des architectes chrétiens. Ceux-ci conçurent un édifice à plan centré, octogonal, dans l'esprit d'un martyrium : ainsi, le premier monument de l'islam adoptait le langage de l'art antique.

    En Syrie, la décision de Mu'âwîya de faire de Damas la capitale de l'empire arabe, en 660, avait à son époque constitué une rupture avec l'Arabie. Celle-ci ayant fait sécession, la révolte d'Ibn al-Zubayr dut être réprimée par la force. Mais l'option syrienne correspondait aussi, pour les califes Omeyyades, à une volonté d'intégrer le monde antique et chrétien dans le pouvoir arabe : des administrateurs byzantins forment désormais les cadres du gouvernement, et les règles en usage à la cour de Constantinople sont peu à peu adoptées à Damas.

    Aussi, lorsque l'empire musulman voulut posséder un édifice emblématique et fastueux comme symbole de la communauté islamique et de son pouvoir, l'édification du dôme du Rocher à Jérusalem se fit dans le langage antique. Lorsque le calife Al-Walîd décida, en 705-706, de doter Damas, sa capitale, d'une Grande Mosquée sans pareille, il en alla de même.

    La mosquée des Omeyyades occupa le temenos ou esplanade, construit d'abord pour le temple romain de Zeus, remplacé, vers 400, par une basilique byzantine consacrée à Jean-Baptiste.L'édifice islamique reprend l'ancien portique entourant la cour. Sa salle de prière se compose de remplois d'arcs et de colonnes romano-byzantines qui provenaient des bâtiments antiques, soigneusement démontés et remontés dans une disposition nouvelle. Même le décor de mosaïques à fond d'or qui pare la cour et les arcs est traité dans le style byzantin. Ce monument damascène, avec sa salle barlongue (plus large que profonde), influencera toute l'architecture islamique.

    La fin brutale des Omeyyades en 750 résulte d'un coup d'Etat sanglant qui décime la famille au pouvoir. La dynastie des Abbassides qui lui succède s'illustrera à son tour avec des califes comme Al-Mansûr, Al-Ma'mûn, Al-Mutawakkil. Leur option est alors diamétralement différente : au lieu de la Syrie, ils choisissent pour siège de leur autorité la Mésopotamie, qui avait été le centre, avec Ctésiphon, de l'ancien pouvoir perse.

    Au bord du Tigre, où il s'établit en 762, Al-Mansûr construit Bagdad, la «cité ronde» ou «cité du Salut», de 2,6 km de diamètre : la première capitale de l'empire abbasside. Aussitôt, le vocabulaire change : l'architecture n'est plus en pierre, niais en brique (tirée du limon des deux fleuves). Presque rien ne subsiste des vestiges de cette capitale. Et c'est à Samarra, nouveau centre fondé en 836 par Al-Mu'tasim, qu'il faut aller pour se faire une idée de l'art de bâtir des Abbassides. Érigée près de 100 km au nord de Bagdad, la ville s'étend bientôt sur 35 km le long du Tigre. Elle offre, parmi des monceaux de ruines, de colossaux monuments. La Grande Mosquée érigée, avec son minaret hélicoïdal nommé la Malawiya, haut de 50 m, a des proportions gigantesques : son enceinte mesure 240 m sur 156 m et couvre une surface de 4 ha. Elle est construite en brique cuite. Sa salle hypostyle de 25 nefs et de 9 travées, soutenue par 216 piliers, est aussi couverte de cèdre. Par la suite, une mosquée analogue se dressera dans un quartier de la ville, à Abou Doulaf. Elle introduit la formule des arcades supportant la toiture.

    L'éveil de la Perse


    Progressivement, l'attraction de la culture perse donne une prééminence au territoire de l'Iran actuel dans le concert des nations musulmanes. L'architecture - en brique - et le décor de céramique polychrome s'imposent dans des formes nouvelles : autour d'une cour centrale, comme à Damas et à Samarra, la mosquée iranienne se dote de quatre grands iwâns. Ces vastes niches, disposées sur les axes croisés de la cour, polarisent l'espace et se reflètent dans la pièce d'eau centrale.

    Cette évolution débute vers 960 dans les cités de Nayin, d'Ardestan et de Damghan. Elle atteindra son apogée avec la mosquée de l'Imâm à Ispahan, construite par Chah Abbas en 1612.

    C'est à Ispahan que l'art persan s'était affirmé, dès le Xe siècle, avec la mosquée du Vendredi. Vaste construction maintes fois agrandie et dotée dune multitude de colonnes et de petites coupoles de brique nue, l'édifice se pare dans son îwân ouest, construit au XIIe siècle, d’une prodigieuse invention : le système de grandes alvéoles qui se contrebutent en formant une sorte de «nid d'abeille» en arcs brisés. Formule géniale qui donnera naissance aux stalactites, un thème récurrent du décor islamique jusqu'en Inde moghole.
    La Perse - avec le Khorasan et la Transoxiane - est aussi à l'origine du dôme en bulbe, avec son profil outrepassé, qui cache sous la couverture visible une autre coupole, surbaissée, surmontant la salle de prière. Cette solution sera adoptée dès l'Époque des Timourides (vers 1400) et durant la dynastie des Safavides (XVIe-XVIIIe siècles). Elle s'impose de Boukhara jusqu'à Delhi et Agra. Quant à l'architecture militaire qui était apparue à Ukkhaïdir, au sud de Bagdad, elle se développe au nord de l'Iran, pour s'opposer aux incursions des tribus nomades d'Asie centrale.

    La plupart des forteresses ont disparu lors des assauts des Mongols Gengis Khan, puis de Tâmerlan. Un bien bel exemple subsistait jusqu'à une date récente : la cité fortifiée de Bam, dans le sud-est de l'Iran, détruite par un terrible séisme. Les autorités iraniennes ont promis de la relever de ses ruines, avec l'aide de l'Unesco.

    L'effondrement du pouvoir des Sassanides lors de l'irruption des Arabes au nord de la Mésopotamie avait laissé un vide. La Perse soumise mettra deux siècles à retrouver sa position éminente : en 813, le calife Al-Ma'mûn, pour échapper aux intrigues de la cour de Bagdad, transfère momentanément son pouvoir à Merv, au Khorasan, près de l'Afghanistan : il y ouvre une maison de la Sagesse. Or les régions du Khorasan et du Kwarezm sont le berceau de la «renaissance»» de la Perse. Le symbole de ce retour au premier plan de la culture iranienne est le poète Firdousi (v. 932-v. 1020) qui, dans son Livre des rois, écrit en farsi (persan) et comprenant 70 000 distiques, renoue avec le passé antéislamique : il utilise le parler traditionnel, qui s'impose comme concurrent de l'arabe, langue du Coran. Avant le Xe siècle, ce renouveau est perceptible dans les œuvres du mathématicien Al-Kwânzmi. Il s'amplifie avec le philosophe Al-Fârâbi, qui commente Aristote et Platon, et se poursuit avec Ibn Sinâ (Avicenne en Occident), ainsi avec l'astronome Al-Birûni. Enfin, il culmine avec le célèbre mathématicien, astronome et poète Omar Khayyâm. A Ispahan, sous le vizir persan Nizâm al-mulk (1018-1092) qui gouverne au temps de Malikshâh, l'art de bâtir connaît ses plus importants progrès dans l'Iran islamique. Ce vizir érudit est d'ailleurs à l'origine d'une série d’options qui favorisent le développement de l'architecture.

    L'art de bâtir des Seljoukides

    Les Seljoukides sont des Turcs sunnites semi-nomades. Venant des plaines de l'Asie centrale, ils ont envahi la Perse. Ils ne disposent aucune formation architecturale. Pour réaliser les édifices religieux, il leur faut faire appel à des autochtones. Se fondant sur la géométrie et les mathématiques, ces bâtisseurs élaborent une théorie rationaliste qui répond à des concepts numériques et à des formes parfaites : carré, cercle, triangle équilatéral, cylindre, sphère, etc. Ils procèdent à une géométrisation de l'espace construit. Cette formule donne naissance à un art de bâtir rationnel. A partir de ces données s'élabore une architecture dont la logique brille tant chez les Timourides et les Safavides que dans les créations des Ottomans et des Moghols.

    De cette pensée qui repose sur les nombres dérivent les mouvements spirituels des théologiens et des mystiques arabo-persans. Les soufis sunnites et les visionnaires shiites ont nourri leurs écrits de concepts traduits en architecture - Leur influence se reflète, dans la création de bâtiments qu'élaborent, en particulier, les sultans de la Perse safavide, chez qui le shiisme est une religion d'État. Ainsi, ces préoccupations numériques trouvent à s'exprimer dans une sorte de gnose ésotérique, que souvent imposait le statut de minorité persécutée des penseurs et des mystiques du shiisme duodécimain (aux douze imâms), des sages qui passaient pour des «déviationnistes» aux yeux de l'orthodoxie religieuse. Mais l'affirmation de ces formes pouvait aussi servir les desseins de souverains ambitieux.

    De même que la malawiya de Samarra, en Irak, avec son savant déroulé hélicoïdal, faisait appel à une stéréométrie savante, le mausolée de Soltaniyé, qui fut construit en 1304 par l'ilkhan Oljeïtü, de la dynastie des Mongols de Perse, expérimente une technologie de la coupole à double coque qui annonce celle de Brunelleschi pour le dôme de Florence (1418).

    Par la nouvelle république
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