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Blaise Pascal, La nuit de l'extase de Xaviet Patier

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  • Blaise Pascal, La nuit de l'extase de Xaviet Patier

    Nuit d'amour
    Yves Marc Ajchenbaum

    Que s'est-il passé ce lundi 23 novembre en l'an de grâce 1654, entre 22h30 et minuit trente ? La question peut nous intriguer, modeste lecteur et piètre historien. Pour Xavier Patier, haut fonctionnaire, romancier et directeur de l'information légale et administrative auprès du secrétariat général du gouvernement ; la réponse est d'une évidente simplicité. Il a fait, de ces deux heures nocturnes et parisiennes, un livre plutôt joyeux, enlevé, disons même jubilatoire et amoureux. Loin du conte de fée, c'est le récit précis, construit à partir d'archives de première main et proposé comme une aventure humaine et spirituelle. Le moment de grâce d'un savant autodidacte, hyper-mnésique, cérébral et plutôt sceptique. Longtemps catalogué « scientifique mondain », il appartenait à cette jeune bourgeoisie urbaine du XVIIè siècle « inventive et laborieuse », tel Colbert, fils de marchand, Boileau, fils de greffier ; sans parler de Racine, fils d'un employé des impôts ou de Molière, fils de tapissier.
    Mais ce livre ne nous trace nullement le portrait sociologique d'une classe sociale émergente et encore moins nous relate l'ascension d'un jeune provincial monté à Paris. Xavier Patier ne s'intéresse qu'à l'âme et au cœur de celui qui tout en étant de ce monde, un jour, coupa les ponts avec l'agitation et l'immédiateté. Ainsi se découvre à notre regard de lecteur, Blaise Pascal, au cours de la « plus folle nuit amoureuse de sa vie » : sa rencontre avec le Christ.

    Quinze jours auparavant, le 8 novembre 1654, l'homme, jeune prodige plutôt péremptoire, échappe à un terrible accident de carrosse sur le Pont de Neuilly. Il s'est vu mort. L'épreuve le transforme. Fini les jours de frivolité et de tiédeur, fini ce mal de l'âme, ce dégoût même pour la prière. Ce « 23 novembre, le feu succède à la sécheresse, le bois mort devient un immense brasier. » Et le brasier emporte aussi Xavier Patier. Son personnage revit. « Le géomètre ce soir-là ne fait pas une découverte ; il fait une rencontre ». Avec quatre siècles d'avance, nous annonce quasi joyeusement l'auteur, Pascal démontre, avec ces quelques heures d'extase durant lesquelles « il se laisse couler dans un bain de tendresse », que Dieu « n'est accessible ni par la raison ni par la science, ni par la philosophie. Il n'est accessible que par la foi ». Descartes est balayé, clame Xavier Patier d'une plume allègre, honte à lui qui prépare la mort de Dieu et l'avènement des Lumières...

    Pascal est ainsi définitivement installé sur le devant de la scène, lui qui « a rendu son espace à la foi ». Et tout est dit du cadre idéologique qui sous-tend ce livre : nous sommes encore dans cette guerre civile franco-française qui pour certains ne finira jamais : la lutte sans fin de la foi libératrice contre les Lumières. Le face à face de deux France qui « poursuivent de génération en génération un dialogue de sourd » Et Xavier Patier, petit-fils d'Edmond Michelet - une figure éminente de la Résistance chrétienne -, d'illustrer son propos de quelques images d'Epinal : Victor Hugo contre le comte de Montalembert, théoricien du catholicisme libéral ;l'anticlérical Emile Combes contre l'un des leaders du catholicisme social, Marc Sangnier ; Sartre contre Mauriac (on aurait préféré Camus contre Mauriac), Mitterrand contre de Gaulle.... C'est peut-être un peu court, mais l'auteur de ces savoureuses pages d'écriture n'a pu s'en empêcher : épicer son travail d'une pointe pamphlétaire. On se serait contenté, avec plaisir, de la redécouverte chaleureuse et émouvante d'un personnage complexe, sorti de l'adolescence à 31ans, lors d'une nuit exceptionnelle, et mort trop jeune pour devenir conservateur, sage ou académicien.



    Blaise Pascal, La nuit de l'extase; Xaviet Patier; Éditions du Cerf; 175 pages ; 17 euros
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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