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Eric Azan
Dans La Formule de Dieu, le best-seller mondial dans lequel José Rodrigues dos Santos amalgame physique quantique, spiritualité et théologie, Albert Einstein aurait, à la demande de David Ben Gourion, prouvé mathématiquement l'existence de Dieu.
Dans la réalité, Albert Einstein n'a rien prouvé du tout concernant Dieu. Surtout pas dans la fameuse « Lettre sur Dieu », que le prix Nobel de physique a écrite en allemand un an avant sa mort en 1955 et qui comprend des réflexions sur la religion, Dieu et le tribalisme. Einstein a écrit cette lettre sur papier à en-tête de l'Université de Princeton à destination du philosophe Erik Gutkind, après avoir lu son livre Choisir la vie : l'appel biblique à la révolte.
Le texte proposé ici a été traduit en français à partir de la traduction anglaise disponible sur le site du Guardian:
« ... Le mot Dieu n'est pour moi rien de plus que l'expression et le produit des faiblesses humaines, la Bible une collection de légendes certes honorables, mais primitives et qui sont néanmoins assez puériles. Aucune interprétation, aussi subtile soit-elle, ne peut (pour moi) changer cela. Les interprétations subtiles sont très torturées et n'ont presque rien à voir avec le texte original. Pour moi, la religion juive, comme toutes les autres religions, est une incarnation des superstitions les plus puériles. Et le peuple juif, à qui j'appartiens volontiers et pour la mentalité duquel j'ai une profonde affinité, n'a pas pour moi des qualités différentes des autres gens. D'après mon expérience, ils ne sont pas non plus meilleurs que tout autre groupe humain, bien qu'ils soient protégés contre le pire cancer (la guerre) par un manque de puissance. Sinon, je ne vois rien d'« élu » à leur sujet.
De manière générale, je trouve pénible que vous demandiez une position privilégiée et essayiez de la défendre par deux murs de fierté, l'un extérieur en tant qu'homme, l'autre intérieur en tant que juif. En tant qu'homme vous revendiquez, pour ainsi dire, une dispense de la causalité sauf celle acceptée, et en tant que juif le privilège du monothéisme. Mais une causalité limitée n'est plus une causalité du tout, comme l'a bien reconnu notre merveilleux Spinoza avec sa perspicacité, pour la première fois. Et les interprétations animistes des religions de la nature ne sont en principe pas annulées par la domination. Avec de tels murs, nous ne pouvons atteindre qu'une certaine idée fausse, mais nos efforts moraux ne sont pas favorisés par eux. Au contraire.
Maintenant que j'ai dit tout à fait ouvertement nos différences dans les convictions intellectuelles, il me semble clair pour moi que nous sommes très proches l'un l'autre dans l'essentiel des choses, c'est-à-dire dans notre évaluation du comportement humain. Ce qui nous sépare ne sont que des « accessoires » intellectuels et la « rationalisation » dans la langue de Freud. Par conséquent, je pense que nous nous entendrions très bien si nous parlions de choses concrètes. Avec d'aimables remerciements et meilleurs voeux.
Sincèrement, A. Einstein »
De manière générale, je trouve pénible que vous demandiez une position privilégiée et essayiez de la défendre par deux murs de fierté, l'un extérieur en tant qu'homme, l'autre intérieur en tant que juif. En tant qu'homme vous revendiquez, pour ainsi dire, une dispense de la causalité sauf celle acceptée, et en tant que juif le privilège du monothéisme. Mais une causalité limitée n'est plus une causalité du tout, comme l'a bien reconnu notre merveilleux Spinoza avec sa perspicacité, pour la première fois. Et les interprétations animistes des religions de la nature ne sont en principe pas annulées par la domination. Avec de tels murs, nous ne pouvons atteindre qu'une certaine idée fausse, mais nos efforts moraux ne sont pas favorisés par eux. Au contraire.
Maintenant que j'ai dit tout à fait ouvertement nos différences dans les convictions intellectuelles, il me semble clair pour moi que nous sommes très proches l'un l'autre dans l'essentiel des choses, c'est-à-dire dans notre évaluation du comportement humain. Ce qui nous sépare ne sont que des « accessoires » intellectuels et la « rationalisation » dans la langue de Freud. Par conséquent, je pense que nous nous entendrions très bien si nous parlions de choses concrètes. Avec d'aimables remerciements et meilleurs voeux.
Sincèrement, A. Einstein »
Des exégètes contestent que cette lettre affirme l'athéisme d'Albert Einstein. L'agnosticisme, tout au plus.
Les citations sont nombreuses, dans d'autres documents, qui indiquent une certaine cohérence dans la pensée d'Einstein au sujet de Dieu et de la religion :
« Je ne peux pas imaginer un Dieu qui récompense et punit l'objet de sa création. Je ne peux pas me figurer un Dieu qui réglerait sa volonté sur l'expérience de la mienne. Je ne veux pas et je ne peux pas concevoir un être qui survivrait à la mort de son corps. Si de pareilles idées se développent en un esprit, je le juge faible, craintif et stupidement égoïste ». Albert Einstein, The World As I See It
« A propos de Dieu, je ne peux accepter aucun concept fondé sur l'autorité de l'Eglise ». Albert Einstein, cité dans W. I. Hermanns p132. Max Jammer Einstein and religion p.123.
Deux penseurs renommés partagent la philosophie d'Einstein, le néant plutôt qu'un Dieu à l'image des humains:
« Imagine there's no heaven / It's easy if you try / No hell below us / Above us only sky » (John Lennon)
« Abderhamane, Martin, David / Et si le ciel était vide » (Alain Souchon)
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