LESOIR
Par Dr Mourad Goumiri
Profitant du deuil(1) qui accable notre pays et pour la première fois depuis le discours de Sétif (juin 2012), le président sortant et ministre de la Défense adresse un communiqué, à géométrie variable, au vice-ministre de la Défense, chef d’état-major(2), diversement apprécié par l’opinion publique, les partis politiques(3) et les personnalités de tous bords(4)… chacun voyant midi à sa montre ! Trois concepts émergent de ce communiqué : l’unité, la stabilité, l’image. L’unité est celle de l’ANP(5), la stabilité se réfère à la situation précaire à nos frontières(6) et enfin l’image stigmatise l’appréciation des pays étrangers sur la gouvernance du pays et notamment la gestion de la quatrième désignation élective(7). Ce triptyque nous confirme qu’il existe un lien organique entre chacun de ces concepts et leur logique interne, ce qui signifie que c’est bien l’unité de l’ANP consolidée qui préside à la stabilité intérieure et extérieure du pays et qui induit l’appréciation de nos partenaires étrangers.
En inversant le raisonnement, on peut conclure que l’appréciation de nos partenaires étrangers, sur le mode de gouvernance politique, économique et social, est l’élément déterminant qui dicte sa logique au pouvoir actuel. Enfin, l’hypothèse académique la plus vraisemblable nous amène à conclure à une combinaison mathématique de «bonne intelligence» entre le pouvoir et les décideurs internationaux hiérarchisés(8). Dans ce communiqué, le président sortant et ministre de la Défense semble vouloir indiquer à la meute des «fous du roi»(9), embusqués dans les arcanes du pouvoir, que «la récréation est finie et les déballages dévastateurs(10) également» ! Peut-il encore se faire écouter et surtout obéir(11) et a-t-il les moyens de maîtriser les reflux nauséabonds provenant de la «boîte à Pandore», après qu’il ait lui-même contribué lourdement à l’ouvrir ? A ce jeu boulitique, intitulé «qui perd, gagne», il faut avoir les nerfs solides et une santé de fer… Sinon, il ne reste qu’à lever le drapeau blanc, pour tenter une reddition honorable(12). Ayant jeté, dans la fosse aux lions, une partie de ceux qui lui ont ouvert les marches de l’imperium, ne se retrouve-t-il pas pris en otage de sa garde prétorienne comme dans la Rome antique ? Dans pareils cas, ce qui est sûr, comme l’histoire nous l’enseigne, c’est que l’épilogue est toujours sanglant ! Le «populus plebus vulgarum» peut s’inviter aux négociations de ripailles, spontanément, soit instrumentalisé (un remake d’octobre 1988) sans qu’il soit dûment convié, et ce, malgré la «démocratisation de la corruption», orchestrée par le pouvoir pour élargir sa base. La répartition de la rente n’étant pas toujours équitable et suscitant des luttes acerbes entre factions opposées, il peut exiger violemment une révision des quotas par région, par tribu, par localité, par corporation... Il faut cependant minimiser cette possibilité car la corruption a permis de distribuer les rentes à de larges franges de la population, notamment celles au sommet de la pyramide, à savoir les oligarques(13), celles des classes intermédiaires(14) et également, par ricochet, celles des classes moyennes qui activent dans le marché florissant de l’informel et même celles des dernières states de la hiérarchie sociétale, ce qui va considérablement grossir les légions des tenants du statu quo(15) et maintenir un consensus précaire mais qui risque, à tout moment, d’être rompu. Il faut noter, à cet endroit, qu’à l’occasion d’une audience programmée depuis plusieurs mois, accordée à L. Hanoune, SG du PT(16), le vice-ministre de la Défense, chef d’état-major, déclare, entre autres, à son interlocutrice, que «l’armée est prête pour sécuriser l’évènement (la présidentielle) et que ses éléments s’acquitteront de leur devoir comme tous les autres citoyens… L’ANP n’intervient pas dans les affaires politiques». Cette déclaration de principe n’explique pas son silence alors qu’un de ses subordonnés les plus influents a fait l’objet d’une attaque en règle(17) par un «civil». Elle lui permet, cependant, de se mettre en phase avec la tradition de neutralité apparente de la grande muette, afin de minimiser les conséquences internes et externes, ainsi que les «dégâts collatéraux» de ces attaques. Profitant des portes ouvertes par le président sortant, ministre de la Défense et le vice-ministre de la Défense, chef d’état-major, le Premier des ministres président s’engouffre dans cet espace médiatique, en enfonçant le clou(18) et en bon topographe redessine «les lignes rouges qu’il ne faut pas dépasser» devant les appareils coquilles vides convoqués à Mila.
Avant la date-butoir et fatidique du 4 mars 2014, à l’occasion de l’une de ses virées électorales à Oran, pour distribuer les rentes(19) et acheter la paix sociale(20), le Premier des ministres président annonce «officiellement» la candidature du président sortant à une quatrième désignation élective, suivi en cela par un communiqué confirmatoire de la présidence de la République. Cette banalité boulitique(21) a fait chavirer tout le microcosme national et international. Quel évènement, sur la scène politique, a provoqué cette riposte fulgurante d’annonce de la candidature du président sortant par la bouche de son Premier des ministres président ? Mais revenons un peu en arrière, pour comprendre que le péché originel du système politique de notre pays tient au fait que le président sortant considère, à juste titre d’ailleurs, qu’il ne détient son pouvoir que par la volonté de l’institution militaire(22) et non pas par celle du peuple, concept qu’il a toujours marginalisé, voire méprisé dans sa propre culture boulitique(23) comme beaucoup de personnalités de la génération de Novembre… Dès lors, il ne se sent pas engagé envers le peuple algérien mais bien auprès de l’institution militaire qui lui a fait appel, en 1999, avec un retard de vingt ans et qui l’a installé à la tête du pouvoir pendant ces trois derniers mandats et, à l’évidence, pour le quatrième… Les formalités électorales deviennent donc un problème d’intendance et de logistique, qui ne relève pas de sa personne, mais en relation avec des considérations liées à l’environnement international. D’où l’idée d’une élection par procuration, qui semble scandalisée les oppositions mais qui, dans sa logique politique, est tout à fait inscrite dans la nature du système. Dès lors, le président sortant comprend mal qu’on lui reproche le manque de légitimité populaire, lui qui a été sevré, depuis les années 1960, à la légitimité révolutionnaire ! Tout le jeu boulitique, se faisant en dehors des institutions de la République, c’est à cet endroit précisément qu’il attend tous ses adversaires boulitiques mais surtout ses alliés temporaires. L’enjeu du partage du pouvoir et de ses rentes subséquentes, devenant le véritable rapport de force entre clans, il devient impératif pour tous de maintenir intact le système au risque d’être tous emportés par un changement de régime qui commencera obligatoirement par demander des comptes sur la gestion passée et mettra fin aux rentes futures escomptées. Ceci étant bien établi, le partage du pouvoir peut, actuellement, débuter à travers le piège de la révision constitutionnelle pour la création d’un poste de vice-président de la République(24) ! En effet, ce procédé machiavélique, qui fait baver tous les derviches tourneurs qui prétendent à la succession par une désignation élective, est entre les mains du président sortant qui en use et en abuse, comprenant le mieux son importance vitale pour lui d’abord et pour le système après. Il entend bien l’utiliser pour demeurer toujours maître du jeu boulitique et en contrôler les orientations finales. Cette carte à jouer ne date pas d’aujourd’hui, d’ailleurs, puisque les clans du pouvoir s’en sont servis, dès les premiers symptômes de la maladie, suivis de son évacuation forcée en France, en 2007. C’est à cette époque que la problématique de sa succession est envisagée par les différents clans du pouvoir et la solution du choix de son propre frère(25) est envisagée de manière ouverte par le président sortant et son clan. Le rejet catégorique et ferme de l’institution militaire, à cette époque, va contrarier le projet présidentiel et ouvrir une période de suspicion et de désamour dont les tenants et les aboutissements sont arrivés à maturité à l’heure actuelle.
Puisque la succession par le frère ne fait pas consensus, il devient exclu que le président sortant ne cède la carte de révision de la Constitution avec à la clé un poste de vice-président, doté des pleins pouvoirs successoraux. Cela équivaudrait à signer sa peine de mort politique de sa propre main ! Il est donc logique que le président sortant fasse usage de ce leurre du poste de ministre de la Défense(26) et de celui de vice-président(27), sauf à y installer son propre frère. Comment sortir de cette impasse, sans remettre en cause les équilibres fragiles de toute la société qui risquent de la faire basculer dans la violence ? Le communiqué récent, de quelques lignes, de M. Hamrouche, après plusieurs années de réserve, est-il responsable de la précipitation des dernières décisions du président et de son clan ? Quelles significations et quelle crédibilité devrions-nous lui accorder ?
M. G.
Par Dr Mourad Goumiri
Profitant du deuil(1) qui accable notre pays et pour la première fois depuis le discours de Sétif (juin 2012), le président sortant et ministre de la Défense adresse un communiqué, à géométrie variable, au vice-ministre de la Défense, chef d’état-major(2), diversement apprécié par l’opinion publique, les partis politiques(3) et les personnalités de tous bords(4)… chacun voyant midi à sa montre ! Trois concepts émergent de ce communiqué : l’unité, la stabilité, l’image. L’unité est celle de l’ANP(5), la stabilité se réfère à la situation précaire à nos frontières(6) et enfin l’image stigmatise l’appréciation des pays étrangers sur la gouvernance du pays et notamment la gestion de la quatrième désignation élective(7). Ce triptyque nous confirme qu’il existe un lien organique entre chacun de ces concepts et leur logique interne, ce qui signifie que c’est bien l’unité de l’ANP consolidée qui préside à la stabilité intérieure et extérieure du pays et qui induit l’appréciation de nos partenaires étrangers.
En inversant le raisonnement, on peut conclure que l’appréciation de nos partenaires étrangers, sur le mode de gouvernance politique, économique et social, est l’élément déterminant qui dicte sa logique au pouvoir actuel. Enfin, l’hypothèse académique la plus vraisemblable nous amène à conclure à une combinaison mathématique de «bonne intelligence» entre le pouvoir et les décideurs internationaux hiérarchisés(8). Dans ce communiqué, le président sortant et ministre de la Défense semble vouloir indiquer à la meute des «fous du roi»(9), embusqués dans les arcanes du pouvoir, que «la récréation est finie et les déballages dévastateurs(10) également» ! Peut-il encore se faire écouter et surtout obéir(11) et a-t-il les moyens de maîtriser les reflux nauséabonds provenant de la «boîte à Pandore», après qu’il ait lui-même contribué lourdement à l’ouvrir ? A ce jeu boulitique, intitulé «qui perd, gagne», il faut avoir les nerfs solides et une santé de fer… Sinon, il ne reste qu’à lever le drapeau blanc, pour tenter une reddition honorable(12). Ayant jeté, dans la fosse aux lions, une partie de ceux qui lui ont ouvert les marches de l’imperium, ne se retrouve-t-il pas pris en otage de sa garde prétorienne comme dans la Rome antique ? Dans pareils cas, ce qui est sûr, comme l’histoire nous l’enseigne, c’est que l’épilogue est toujours sanglant ! Le «populus plebus vulgarum» peut s’inviter aux négociations de ripailles, spontanément, soit instrumentalisé (un remake d’octobre 1988) sans qu’il soit dûment convié, et ce, malgré la «démocratisation de la corruption», orchestrée par le pouvoir pour élargir sa base. La répartition de la rente n’étant pas toujours équitable et suscitant des luttes acerbes entre factions opposées, il peut exiger violemment une révision des quotas par région, par tribu, par localité, par corporation... Il faut cependant minimiser cette possibilité car la corruption a permis de distribuer les rentes à de larges franges de la population, notamment celles au sommet de la pyramide, à savoir les oligarques(13), celles des classes intermédiaires(14) et également, par ricochet, celles des classes moyennes qui activent dans le marché florissant de l’informel et même celles des dernières states de la hiérarchie sociétale, ce qui va considérablement grossir les légions des tenants du statu quo(15) et maintenir un consensus précaire mais qui risque, à tout moment, d’être rompu. Il faut noter, à cet endroit, qu’à l’occasion d’une audience programmée depuis plusieurs mois, accordée à L. Hanoune, SG du PT(16), le vice-ministre de la Défense, chef d’état-major, déclare, entre autres, à son interlocutrice, que «l’armée est prête pour sécuriser l’évènement (la présidentielle) et que ses éléments s’acquitteront de leur devoir comme tous les autres citoyens… L’ANP n’intervient pas dans les affaires politiques». Cette déclaration de principe n’explique pas son silence alors qu’un de ses subordonnés les plus influents a fait l’objet d’une attaque en règle(17) par un «civil». Elle lui permet, cependant, de se mettre en phase avec la tradition de neutralité apparente de la grande muette, afin de minimiser les conséquences internes et externes, ainsi que les «dégâts collatéraux» de ces attaques. Profitant des portes ouvertes par le président sortant, ministre de la Défense et le vice-ministre de la Défense, chef d’état-major, le Premier des ministres président s’engouffre dans cet espace médiatique, en enfonçant le clou(18) et en bon topographe redessine «les lignes rouges qu’il ne faut pas dépasser» devant les appareils coquilles vides convoqués à Mila.
Avant la date-butoir et fatidique du 4 mars 2014, à l’occasion de l’une de ses virées électorales à Oran, pour distribuer les rentes(19) et acheter la paix sociale(20), le Premier des ministres président annonce «officiellement» la candidature du président sortant à une quatrième désignation élective, suivi en cela par un communiqué confirmatoire de la présidence de la République. Cette banalité boulitique(21) a fait chavirer tout le microcosme national et international. Quel évènement, sur la scène politique, a provoqué cette riposte fulgurante d’annonce de la candidature du président sortant par la bouche de son Premier des ministres président ? Mais revenons un peu en arrière, pour comprendre que le péché originel du système politique de notre pays tient au fait que le président sortant considère, à juste titre d’ailleurs, qu’il ne détient son pouvoir que par la volonté de l’institution militaire(22) et non pas par celle du peuple, concept qu’il a toujours marginalisé, voire méprisé dans sa propre culture boulitique(23) comme beaucoup de personnalités de la génération de Novembre… Dès lors, il ne se sent pas engagé envers le peuple algérien mais bien auprès de l’institution militaire qui lui a fait appel, en 1999, avec un retard de vingt ans et qui l’a installé à la tête du pouvoir pendant ces trois derniers mandats et, à l’évidence, pour le quatrième… Les formalités électorales deviennent donc un problème d’intendance et de logistique, qui ne relève pas de sa personne, mais en relation avec des considérations liées à l’environnement international. D’où l’idée d’une élection par procuration, qui semble scandalisée les oppositions mais qui, dans sa logique politique, est tout à fait inscrite dans la nature du système. Dès lors, le président sortant comprend mal qu’on lui reproche le manque de légitimité populaire, lui qui a été sevré, depuis les années 1960, à la légitimité révolutionnaire ! Tout le jeu boulitique, se faisant en dehors des institutions de la République, c’est à cet endroit précisément qu’il attend tous ses adversaires boulitiques mais surtout ses alliés temporaires. L’enjeu du partage du pouvoir et de ses rentes subséquentes, devenant le véritable rapport de force entre clans, il devient impératif pour tous de maintenir intact le système au risque d’être tous emportés par un changement de régime qui commencera obligatoirement par demander des comptes sur la gestion passée et mettra fin aux rentes futures escomptées. Ceci étant bien établi, le partage du pouvoir peut, actuellement, débuter à travers le piège de la révision constitutionnelle pour la création d’un poste de vice-président de la République(24) ! En effet, ce procédé machiavélique, qui fait baver tous les derviches tourneurs qui prétendent à la succession par une désignation élective, est entre les mains du président sortant qui en use et en abuse, comprenant le mieux son importance vitale pour lui d’abord et pour le système après. Il entend bien l’utiliser pour demeurer toujours maître du jeu boulitique et en contrôler les orientations finales. Cette carte à jouer ne date pas d’aujourd’hui, d’ailleurs, puisque les clans du pouvoir s’en sont servis, dès les premiers symptômes de la maladie, suivis de son évacuation forcée en France, en 2007. C’est à cette époque que la problématique de sa succession est envisagée par les différents clans du pouvoir et la solution du choix de son propre frère(25) est envisagée de manière ouverte par le président sortant et son clan. Le rejet catégorique et ferme de l’institution militaire, à cette époque, va contrarier le projet présidentiel et ouvrir une période de suspicion et de désamour dont les tenants et les aboutissements sont arrivés à maturité à l’heure actuelle.
Puisque la succession par le frère ne fait pas consensus, il devient exclu que le président sortant ne cède la carte de révision de la Constitution avec à la clé un poste de vice-président, doté des pleins pouvoirs successoraux. Cela équivaudrait à signer sa peine de mort politique de sa propre main ! Il est donc logique que le président sortant fasse usage de ce leurre du poste de ministre de la Défense(26) et de celui de vice-président(27), sauf à y installer son propre frère. Comment sortir de cette impasse, sans remettre en cause les équilibres fragiles de toute la société qui risquent de la faire basculer dans la violence ? Le communiqué récent, de quelques lignes, de M. Hamrouche, après plusieurs années de réserve, est-il responsable de la précipitation des dernières décisions du président et de son clan ? Quelles significations et quelle crédibilité devrions-nous lui accorder ?
M. G.
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