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Fatma-Zohra Zamoum, réalisatrice de Azib Zamoum, une histoire de terres « 4 millions d’hectares ont été spolié

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  • Fatma-Zohra Zamoum, réalisatrice de Azib Zamoum, une histoire de terres « 4 millions d’hectares ont été spolié

    Fatma-Zohra Zamoum, réalisatrice de Azib Zamoum, une histoire de terres « 4 millions d’hectares ont été spoliés par les Français »

    Reporters : Vous présentez en avant-première votre film documentaire Azib Zamoum, une histoire de terres, samedi prochain à la Cinémathèque algérienne. Comment toute cette aventure a commencé ?
    Fatma-Zohra Zamoum : Il s’agit d’un documentaire-fiction historique de 72 minutes, il faut le préciser. Il traite d’une période bien particulière, qui est celle de l’expropriation des terres pour des raisons de colonisation de peuplement, pendant la colonisation française en Algérie. Cela concerne en particulier un tronçon historique bien défini, mais qui, par la suite, a permis de généraliser sur toute la politique exercée à ce moment-là. J’ai donc pris la période qui s’est étalée entre 1870 et 1875. Donc, il s’agit du temps où il y a eu une conclusion de diverses recherches et diverses lois mises en place pour identifier les propriétaires en Algérie jusqu’à l’insurrection de 1871 ou encore ce que l’on a surnommé l’année d’El Mokrani. Ces lois permettaient la spoliation des terres algériennes au profit d’une stratégie de peuplement du colonisateur.

    Comment s’est déroulé, à la base, le fil de l’idée, de l’écriture jusqu’à la réalisation de Azib
    Zamoum, une histoire de terres ?


    Ce n’est absolument pas le fait du hasard ! Mais plus par envie personnelle qui s’est exprimée dès le départ de ce projet. A un moment donné, je me suis retrouvée à faire des recherches de titres de propriété pour une maison familiale que l’on possède toujours. Et il y a trois années de cela, je suis tombée, parce qu’il y avait des histoires de cadastre, sur une énorme correspondance échangée entre le grand-père de mon grand-père et l’administration coloniale de l’époque. Je ne pouvais rien en faire pour les histoires du jour, mais il a fallu réfléchir pour savoir quoi en faire. C’est à ce moment précisément que l’idée du documentaire est venue.
    Et vous décidez de partir sur les traces d’Omar Ben Zamoum…
    Je décide de prendre le cas de ce personnage, de redonner vie aux 4 ou 5 années de parcours administratif qu’il a fait. Parce que vraiment, il a eu énormément d’échanges et de correspondances avec tous les représentants de l’administration jusqu’au gouvernement général d’Algérie. Donc, il était question de reconstituer la période de cette existence autour de sa quête particulière qui était celle de ne pas se faire déposséder de ses terres. Il s’agit, dans son cas, d’une expropriation estimée à une centaine d’hectares. Je voulais redonner vie à cette histoire sous forme de fiction et de reconstitution historique. Et en parallèle, interroger huit personnes, dont deux s’inscrivent dans la tradition populaire, à des historiens et experts en archives, comme Fouad Soufi, Omar Hachi, Achour Sellal… pour comprendre finalement ce qui s’est passé à cette époque-là. Et, par ailleurs, un avocat, en l’occurrence maître Affif, qui est originaire de la région de Boumerdès et qui a eu à défendre beaucoup de cas similaires. Des personnes qui se posent aujourd’hui des questions historiques, on va dire ça comme ça ! J’ai eu à rencontrer, en outre, un expert français en foncier, Didier Guignard, lors de son passage en octobre dernier lors du Salon international du livre d’Alger. Nous l’avons également interrogé puisque le tournage du documentaire se déroulait au même moment.

    Autre occasion, en 2013, l’Algérie célébrait son
    cinquantième anniversaire du recouvrement de son
    indépendance. A-t-il été
    facile d’obtenir les
    financements nécessaires à votre entreprise ?


    J’avais ce corpus-là. J’étais absolument touchée par le parcours de cet homme-là. Parce que j’ai eu conscience qu’il s’est bagarré pendant cinq longues années à une époque où l’on ne menait pas ce genre de bataille administrative. J’ai écrit donc le scénario. Je l’ai présenté à la télévision algérienne, qui a décidé de le faire entrer dans le cadre de la manifestation du cinquantenaire. C’est, en effet, la seule démarche que j’ai faite pour le financement. En revanche, nous n’avons que le tiers du budget qui nous était nécessaire, mais nous l’avons comme même tourné rapidement.
    Justement, autant dire un record de tournage, commencé à la mi-octobre et ficelé en novembre…
    Absolument ! En fait, il faut savoir que j’ai un long métrage qui est coincé depuis un an et demi dans des parcours de financements. Mon dernier film, je l’ai tourné en 2010. Donc, aujourd’hui, lorsqu’on est réalisateur, le but est de faire des films à tout prix ! On rabote là où c’est possible. Pour mon documentaire, nous avons eu à tourner dans des conditions difficiles et nous avons quand même réussi à le finir et le projeter très bientôt au public.

    Comment s’est composée
    la partie fiction ?


    Il s’agit de la reconstitution de moments qui sont l’interaction avec le personnage Omar Ben Zamoum avec les représentants de l’administration coloniale. En fait, je m’en tiens au fait qu’ils ont été retranscrits dans la masse des correspondances retrouvées. Du coup, ce sont des reconstitutions qui ont une base archivistique. Ce sont des séquences filmées avec des costumes d’époque dans un contexte d’époque. Tout en restant bien évidemment conforme à notre budget. Nous avons donc consacré une trentaine de minutes à la partie fiction. Et la quarantaine de minutes qui reste aborde les situations, l’intervention des spécialistes et qui débouche au final sur l’histoire générale d’Algérie.

    Quelles ont été les conséquences de l’expropriation de ses terres sur votre bisaïeul ?

    Elles ont été énormes ! Par exemple, mon grand-père a eu suite à cette expropriation une vie de troubadour. Ce que je veux dire, c’est qu’il s’agissait d’une famille de propriétaires terriens depuis au moins le XVIIe siècle. Et donc, il y avait une forme d’attachement à la terre, une forme d’establishment et une forme de savoir lié à cela. Mon grand-père, lui, a dû se convertir après cela à la fonction de docker. Il s’occupait aussi de vendre du liège sur les marchés. Il a dû enchaîner plein de petits boulots qui n’avaient strictement rien à voir avec la terre. Les conséquences sont énormes et très nombreuses, je ne peux pas toutes les énumérer. En revanche, dans le contexte familial, cette histoire se raconte toujours. Au final, mon bisaïeul n’a jamais pu récupérer ses terres. Il a été exproprié en conclusion au décret d’utilité publique. Il y avait énormément de procédures et elles ont toutes été utilisées contre lui. Maintes fois, il avait réussi à les contourner, sauf celle liée à l’utilité publique.

    En 1962, est-ce que vos parents ont réussi à récupérer leurs droits ?

    Ça n’a jamais été quelque chose qui les a travaillés. Les uns et les autres ont racheté des terres, un petit peu par-ci par-là. Mais nous n’avons jamais fait cette démarche de revendiquant nos terres. C’est en découvrant toute cette correspondance et en interrogeant un avocat, pour savoir si des cas similaires existent, si les gens s’occupent de récupérer leurs terres, est-ce qu’ils tentent de revoir ou de revenir sur leurs histoires ? Donc, c’est toujours un sujet d’actualité ! Il y a effectivement des réponses qui sont données dans le documentaire. Et il y a, par ailleurs, des questions épineuses liées aux archives. En fait, ces archives-là ne sont pas disponibles en Algérie. Elles sont toujours en possession des Français. Et même les moyens que l’on pourrait avoir pour y arriver ne sont pas mis à notre disposition.

    Justement, est-ce que la tâche vous a été facilitée lorsque vous vous êtes déplacée aux archives nationales en France ?

    Disons que cela c’est très bien passé. Nous avons eu accès bien évidemment aux archives, sauf qu’il y a un droit de regard qui n’est pas absent et qui s’exerce quand même. Lorsqu’on part à Aix-en-Provence, on est dérangé. On nous demande si c’est pour une enquête, pour ceci ou pour cela… Ce n’est pas simple. Au final, j’ai trouvé ce que l’on a bien voulu me montrer. Je ne jurerai pas qu’il y ait d’autres documents. Parce que, il faut le préciser, à cette époque, les dénominations étaient faites selon les noms des tribus. Le classement aux archives a suivi le même mode. En tout cas, ça reste très passionnant comme période ! Entre 1830 et 1860, les régions étaient dénommées par tribus. Et puis, après, lorsqu’on a voulu affecter une propriété individuelle aux gens, on a fait caduque la question du melk (propriété), donc, la question de la propriété tribale, pour la renvoyer à la propriété individuelle. Du coup, il a été plus facile d’exproprier les individus.

    Est-ce que votre documentaire vous a permis de mettre un chiffre sur le nombre d’expropriations réalisées par les Français ?

    Il y a des chiffres effectivement. Et d’ailleurs, ils sont cités dans le documentaire. De mémoire, je me suis rendu compte qu’au début de la colonisation, les premières choses qui ont été saisies, ce sont les terres qui appartenaient aux beyliks. Le colonisateur français prenait la succession de l’Etat précédent. Après, cela a été le tour des harbouches, puis des individus. L’insurrection qui a eu lieu en 1871 a permis d’exproprier les gens sous divers titres, pour, par exemple, avoir pris part à la révolte, d’avoir conduit tout ou n’importe quoi… il y a plein d’outils qui ont été offerts à la colonisation de peuplement. Il paraît, en effet, que les Français de l’époque ont pris 4 millions d’hectares aux Algériens. Il semblerait que les régions de l’Oranie soient les plus touchées par ces spoliations.n

    Azib Zamoum, une histoire de terres
    de Fatima-Zohra Zamoum
    Le samedi 22 mars 2014 à 17h à
    la Cinémathèque algérienne
    Musée du cinéma, 26,
    rue Larbi-Ben-M’hidi, Alger
    RE¨PORTERS.DZ
    Dernière modification par nacer-eddine06, 17 mars 2014, 11h11.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    C'est intéressant de voir l'entreprise de cette dame.
    Et ça me ramène des souvenirs:
    En 1871 mon grand père avait une dizaine d'années, (mort en 1958 à l'âge de 97 ans).

    Il nous racontait comment la tribu a été dépossédée, comment le village a été réduit en pierres qui jonchent encore aujourd'hui la région.... comment plusieurs membres de la reibu sont morts alors qu'ils résistaient à l'envahisseur.
    Ensuite, c'est la déportation ou l'éxil.....

    Aujoud'hui des descendants de la tribu ... il y en a à travers l'Algérie... et ceux qui sont revenu à la région.... après avoir érré, portent une dizaine de nom de famille différents car les français qui les ont recenssé le leur ont donné selon ou ils se trouvaient.

    J'ajoute qu'aujourd'hui la région ou est mon grand père est habité à 90% de descendant de gens qui sont venus de partout... et aussi loin que FEZ et le RIF au Maroc!!!!

    Les français avait installé dans le coin 400 individus qui ont construite un village... et se sont partagé les terres saisies......

    À mon avis, chacun devrait écrire l'histoire de sa région.
    L'homme parle sans réféchir...Le miroir réfléchit sans parler!

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