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Le paradoxe finlandais, symbole de l'impasse européenne

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  • Le paradoxe finlandais, symbole de l'impasse européenne

    La Finlande vient de subir deux années de récession et trois de déficit commercial consécutives. Dans les années 1990, elle avait su se sortir d'une crise violente grâce à des réformes et des exportations soutenues par un affaiblissement de sa monnaie. Désormais, le seul levier restant est celui de la dépense publique, que la ministre des Finances Jutta Urpilainen n'exclut pas d'actionner.

    Rien ne sert d'être compétitif si l'on n'a rien à vendre et que les clients font défaut. C'est un enseignement que l'on peut retirer des déboires de la Finlande. Le pays, cité en exemple pour sa bonne gestion des finances publiques et toujours noté AAA par les grandes agences de notation, traverse en effet une période difficile avec deux années de récession d'affilée au compteur.

    Réformes à succès dans les années 1990
    Tout devrait pourtant aller pour le mieux dans ce pays nordique membre de la zone euro, qui respecte à la lettre toutes les recommandations de Bruxelles. Après avoir traversé une crise financière sans précédent dans les années 1990, la Finlande s'était en effet mise au régime sec en réduisant drastiquement son déficit public.

    Le gouvernement conservateur d'alors a par ailleurs mis les bouchées doubles sur les exportations, son point fort naturel. En sont ressortis deux fleurons : le secteur forestier et le champion de l'électronique Nokia.

    "Dans les années 1990, la Finlande a mis en place un certain nombre de réformes structurelles dont des déréglementations et des dérégulations du marché du travail," raconte Christophe André, économiste et auteur du dernier rapport de l'OCDE sur l'économie du pays.

    Innovation et dépréciation de la monnaie
    Mais à l'époque, l'objectif de réduction des dépenses n'avait pas fait perdre de vue au gouvernement la nécessité d'investir dans l'innovation.

    "Le principe de la compétitivité c'est d'avoir des salaires qui ne varient pas plus vite que la productivité. Pour les faire augmenter il faut augmenter la productivité, notamment grâce à l'innovation," résume Christophe André.

    Par ailleurs, les difficultés de l'économie finlandaise avaient provoqué une dépréciation salutaire de la markka, la monnaie d'alors, de l'ordre de 40% qui avait permis aux produits finlandais d'être compétitifs. En clair, l'économie finlandaise a bénéficié d'un avantage sur les prix dans un premier temps, avant de réussir son pari de l'innovation. Le symbole de cette réussite est Nokia, premier fabricant au monde de téléphones mobiles à partir de 1998.

    Dans un contexte de croissance mondiale favorable aux exportations, s'en sont suivies dix années de croissance ininterrompue. Assurant à l'État des rentrées fiscales régulières permettant de ne pas trop mettre à mal le système social. Résultat : une dette durablement fixée en dessous des 60% du PIB et un déficit public parfaitement maîtrisé.

    Effondrement de deux piliers de l'économie
    Sauf que ces deux dernières années, tout a déraillé. Nokia, tout d'abord, s'est effondré en raison de mauvais choix stratégiques au moment du virage vers le smartphone. Mauvais choix qui lui ont fait perdre sa place de numéro un mondial en 2011.

    "Cela a provoqué un effondrement du secteur de l'électronique qui représentait pas loin de 6% du PIB. Désormais, on tourne autour de 2%," note Christophe André.

    Les ventes de bois, pénalisées par l'euro fort, sont par ailleurs à la peine face à la concurrence accrue des pays émergents plus compétitifs en termes de prix. "Mais la Finlande ne pourra jamais s'aligner sur les émergents. La seule solution est d'innover", explique l'économiste de l'OCDE. Sauf que la filière bois a raté le coche des biocarburants, qui auraient pu lui assurer de nouveaux débouchés. Quant au papier, autre dérivé de la forêt, il a souffert de l'arrivée du numérique.

    Spirale dépressive
    En fait, après tous ces efforts pour entrer dans les clous européens, le pays nordique est actuellement emporté dans une spirale dépressive. Malgré une économie conçue pour les exportations, la Finlande a aligné en 2013 son troisième déficit commercial annuel consécutif. Un déséquilibre pointé par la Commission européenne elle-même lors de la publication début mars de ses bilans approfondis des économies de l'Union européenne. Hormis un déficit commercial enregistré en 1990, le pays n'avait pas connu telle situation depuis... 1984.

    Faute de débouchés, les entreprises n'investissent plus et embauchent moins. Le chômage se situe actuellement à 8,4% de la population active, à mi chemin entre l'Allemagne et la France.

    "Les salaires avaient bénéficié d'une augmentation généralisée juste avant le début de la crise en 2007, ce qui a permis jusque là de soutenir la consommation. Désormais, ils stagnent", déplore Christophe André. Si bien que la consommation, moteur d'appoint de la croissance, s'est elle aussi contractée en 2013.

    L'euro empêche d'actionner le levier monétaire
    En fait, la Finlande souffre de la faiblesse de ses clients à l'export. La Russie, ancien partenaire commercial principal du pays, marque le pas. La Suède, désormais moteur des exportations finlandaises ne suffit pas à tirer l'économie du pays vers le haut.

    Et ce n'est pas l'Allemagne, autre gros client de la Finlande, qui risque de tirer la demande extérieure finlandaise. Elle pourrait pourtant assurer de nouveaux débouchés à la production de métal, dernier point fort de l'économie du pays. Pressée sur le sujet en Europe, la première puissance exportatrice au monde se refuse en effet à favoriser sa demande intérieure. Ce qui pourrait pourtant tirer vers le haut des partenaires européens à la traîne suite aux consolidations budgétaires et à la faiblesse du crédit depuis le début de la crise en zone euro.

    "La zone euro est toujours très fragile, cela va un peu mieux mais c'est encore loin d'être gagné", souligne l'auteur du rapport de l'OCDE.

    Quant aux clients hors zone euro, la Finlande dispose de peu de marge de manœuvre sur des marchés qu'elle connaît bien comme les États-Unis ou la Chine, où elle se heurte à la concurrence de l'Allemagne, plus compétitive tant sur le hors coût que sur les prix. L'innovation et la baisse des coûts, comme dans la plupart des pays de la zone euro, sont donc les nouveaux nerfs de la guerre pour la Finlande... sans possibilité d'actionner le levier monétaire.

    Innovation rime avec dépense publique
    En ligne avec Bruxelles, le gouvernement a donc prévu d'optimiser les dépenses publiques, en rationalisant notamment un système de municipalités très coûteux. Une réforme des retraites a par ailleurs été annoncée pour faire face à l'inversion de la pyramide des âges. Et de nouvelles dérégulations sont aussi prévues sur le marché du travail. L'objectif de tout cela étant de redonner des marges de manœuvre aux entreprises en réduisant la pression fiscale. Mais le véritable espoir réside dans la révolution numérique. La Finlande compte dans ce secteur deux poulains prometteurs : Rovio et Supercell, tous deux spécialisés dans les jeux vidéos.

    Or en Finlande, innovation rime avec dépense publique. Le secteur privé, lui, est pour l'heure peu enclin à prendre des risques. Le choix est donc cornélien. Réduire encore les dépenses sociales pour allouer des ressources à la recherche risquerait de sabrer un peu plus la consommation. Quant à augmenter les impôts, cela risque de peser sur le secteur privé, dans un pays où le niveau des prélèvements est déjà l'un des plus élevés de l'OCDE. Reste la solution du déficit public : ennemi historique d'Helsinki et de la Commission européenne.

    Ne pas se mettre dans une "camisole de force"
    "Vous n'êtes pas obligés de vous mettre dans une camisole de force," a déclaré à ce sujet Angel Gurria, le secrétaire général de l'OCDE en visite à Helsinki mi février. Pour lui, il faut pouvoir enfreindre (avec mesure) les règles d'endettement et de déficit maximums imposées par Bruxelles.

    Une position que Jutta Urpilainen, la ministre finlandaise des Finances , a trouvé "très intéressant". "Nous verrons de combien et quand nous rééquilibrerons le budget de l'État dans les années à venir", s'est-elle même laissée allée, faisant voler en éclat les recommandations habituelles de la Commission européenne autant que les diverses prises de position d'Helsinki pour une réduction drastique des dépenses publiques à l'adresse des pays du sud de la zone euro durant la crise

    la tribune
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