je ne connais pas ce mot-là, vous nous ne l’avez pas appris». Telle était la réponse de beaucoup de mes élèves lorsque je leur demandais de lire un mot ou plus exactement, un nouveau mot. Alors là, j’ai commencé à «bidouiller» et à me rendre compte que ces enfants avaient un fonctionnement du cerveau qui ne les pousse pas à réfléchir. C’est «je sais» ou «je ne sais pas ». Et là, cela a commencé à me faire peur. Je vois ces enfants qui ne s’autorisent pas à faire aller le cerveau dans tous les sens. Ils ne veulent (peuvent) pas jouer avec les sons et s’apercevoir que quand on met la lettre dans ce sens-là, cela fait ça ! C’est à partir de ma deuxième année de travail que j’ai commencé à faire des corrélations et à me dire qu’il y a quelque chose qui cloche, qu’il y a peut-être de «bonnes» ou «mauvaises» méthodes.
Spontanément, je ne me sentais pas en phase avec une méthode qui utilise uniquement la mémoire et beaucoup la mémoire visuelle, en l’occurrence la méthode mixte ou semi-globale. Pour un certain nombre d’auteurs, la méthode d’enseignement de la lecture utilisée par l’enseignant peut avoir un impact sur la réussite de cet apprentissage. Selon Snowling (1996, in Sprenger-Charolles et Colé, 2003), cet effet se limite aux enfants dits «à risque», c’est-à-dire ceux qui présentent des déficits dans les compétences requises pour l’acquisition du langage écrit. Ehri et coll. (2001, in Sprenger-Charolles et Colé, 2003) ont cependant montré que la méthode de lecture avait un impact sur tous les enfants. Pour Vellutino et Scanlon (1989), la plupart des difficultés de lecture proviennent «d’un déficit lié à l’expérience, l’idéologie, les procédures et les techniques employées par les instituteurs». C’est également l’idée que défendent Cuche et Sommers (2002), ainsi qu’Ouzilou (2001). Les méthodes à départ global seraient responsables des difficultés de langage écrit de nombreux enfants considérés à tort comme dyslexiques. Une remédiation pédagogique qui reprendrait l’apprentissage des correspondances graphèmes-phonèmes et la combinatoire selon la progression des méthodes synthétiques suffirait à résoudre les difficultés de ces enfants. Outre les causes décrites précédemment, on peut évoquer une mauvaise maîtrise de la langue, une scolarisation non assidue, des troubles psychologiques graves, des déficiences sévères de vision ou d’audition (Sprenger-Charolles et Colé, 2003), les dyslexiques (Rutter et coll. 1976 et Lewis et coll. 1994, in Valdois, 2000), les déficiences phonologiques (Lopez et Jimenez-Gonzales 2000, in Sprenger-Charolles et Colé, 2003), l’hyperlexie (Aram et Healy 1988, in Valdois, 2000) ou encore les différences environnementales (Morton et Frith 1995, in Valdois, 2000). Mais on va s’intéresser essentiellement à l’impact de la méthode d’enseignement de la lecture utilisée par l’enseignant sur la réussite de cet apprentissage.
Apprentissage de la lecture
Comme nous l’avons évoqué, la pédagogie mise en œuvre par l’enseignant est parfois mise en cause dans les difficultés de lecture. Nous commencerons d’abord par présenter les différentes méthodes de lecture avant de faire une comparaison entre la méthode utilisée aujourd’hui dans les manuels marocains au primaire et la méthode syllabique.
Méthodes synthétiques
Ces méthodes, également appelées méthodes «alphabétiques», «syllabiques», «phoniques» ou «phonético-syllabiques», commencent par l’apprentissage du code. En premier lieu, elles présentent les lettres auxquelles elles attribuent des sons. Puis rapidement l’enfant apprend à les assembler pour former des syllabes et des mots dès qu’il connaît au moins une voyelle et une consonne.
Dès que cela est possible, il lit des mots et des phrases ayant un sens. Cette méthode est parfois qualifiée de «phonétique», ce qui signifie que l’enfant ne lit que des mots contenant des phonèmes qu’il connaît.
Fondements théoriques
Le principe de l’apprentissage premier du code existe depuis très longtemps mais la progression a été affinée. Auparavant l’apprentissage était très long car on passait beaucoup de temps à l’apprentissage de l’alphabet, puis à la lecture de syllabes sans sens (méthode alphabétique « b. a. ba. »). Actuellement, on propose rapidement des mots signifiants. Ces méthodes vont parfaitement dans le sens des données de la recherche actuelle sur le développement de la lecture qui montre la nécessité d’acquérir le principe alphabétique afin d’accéder à une lecture rapide experte (Mazeau, 2005). Pour beaucoup, elles créent les conditions d’une lecture autonome (Morais, 1999, Cuche et Sommer, 2002) puisque la connaissance du code permet à l’enfant de lire seul des mots nouveaux et d’entraîner lui-même sa lecture.
Méthodes globales
Dans ce type de méthode, l’apprentissage commence directement par les mots qui sont mémorisés globalement, sans analyse des sons qui les composent. Elles sont au nombre de trois: la méthode «Decroly», la méthode «idéovisuelle» et la méthode «naturelle».
Méthode globale
Cette méthode part de la phrase. Dans un premier temps, il n’y a pas de décomposition en sons, pas d’études des sons pour eux-mêmes. Quand les élèves reconnaissent un nombre suffisant de mots, ils commencent à les analyser en se servant des analogies. Le code peut alors être abordé, à la demande et selon les besoins de l’enfant.
Pour Decroly, Foucambert et Freinet, la lecture est avant tout une fonction visuelle (Hamaïde, 1966). Decroly qualifie même le langage écrit de «langage visuel» qui pourrait s’apprendre comme le langage oral. Selon eux, nous pouvons apprendre à lire de la même façon que la maman apprend à parler à ses enfants. Lorsque la mère apprend à parler à son enfant, elle lui parle par phrases, par idées et non par lettres ou monosyllabes. Il faut suivre la progression de l’apprentissage du langage oral par celui du langage écrit. S’il comprend par l’ouïe, il doit pouvoir comprendre par la vue.
Méthodes mixtes
Ces méthodes peuvent porter le nom de méthodes «mixtes», «semi-globales» ou «à départ global». Elles constituent un compromis entre les deux types de méthodes présentées précédemment. Elles débutent par une lecture globale de mots, notamment des mots outils et des mots fréquents. Elles introduisent ensuite progressivement, après une durée plus ou moins longue, l’apprentissage des correspondances graphèmes-phonèmes. Les enfants apprennent à lire des mots et des phrases globalement puis ils vont les analyser pour découvrir les sons qui les composent en étudiant différents phonèmes au fil des textes. Dans certains manuels, les phonèmes sont codés en alphabet phonétique international, de façon à différencier «ce que je vois» (le graphème) et «ce que j’entends» (le phonème). C’est ce qui leur vaut parfois le nom de méthode «phonologique» ou «phonétique».
Les manuels les plus vendus au Maroc recourent tous à une méthode mixte. Les leçons se déroulent généralement de la façon suivante : Les enfants produisent tout d’abord des hypothèses sur le texte à partir des illustrations. Ils reconnaissent ensuite les mots déjà connus et identifient les mots inconnus avec l’aide de l’instituteur. A partir de là, ils vérifient les hypothèses qu’ils avaient produites avant la lecture du texte.
Puis le texte est lu en entier. Par la suite, l’instituteur fait chercher les mots contenant le son sur lequel va porter la leçon et enseigne la correspondance graphème-phonème. Suivent des exercices de conscience phonologique et de lecture de mots contenant le son étudié. Enfin, les enfants apprennent à transcrire celui-ci dans des exercices variés.
Fondements théoriques
Ces méthodes ne se fondent sur aucune théorie, à part pour la progression des phonèmes enseignés qui se basent sur les tables de fréquences des phonèmes du français établis par les linguistes. Il s’agit en fait d’un compromis entre deux méthodes, une «tentative de se garder de tous les excès» (Maisonneuve, 2002). Elles pourraient trouver une justification dans le modèle de Seymour qui propose la coexistence en début d’apprentissage des stratégies logographique et alphabétique, lesquelles participeraient également à la construction du lexique orthographique
Spontanément, je ne me sentais pas en phase avec une méthode qui utilise uniquement la mémoire et beaucoup la mémoire visuelle, en l’occurrence la méthode mixte ou semi-globale. Pour un certain nombre d’auteurs, la méthode d’enseignement de la lecture utilisée par l’enseignant peut avoir un impact sur la réussite de cet apprentissage. Selon Snowling (1996, in Sprenger-Charolles et Colé, 2003), cet effet se limite aux enfants dits «à risque», c’est-à-dire ceux qui présentent des déficits dans les compétences requises pour l’acquisition du langage écrit. Ehri et coll. (2001, in Sprenger-Charolles et Colé, 2003) ont cependant montré que la méthode de lecture avait un impact sur tous les enfants. Pour Vellutino et Scanlon (1989), la plupart des difficultés de lecture proviennent «d’un déficit lié à l’expérience, l’idéologie, les procédures et les techniques employées par les instituteurs». C’est également l’idée que défendent Cuche et Sommers (2002), ainsi qu’Ouzilou (2001). Les méthodes à départ global seraient responsables des difficultés de langage écrit de nombreux enfants considérés à tort comme dyslexiques. Une remédiation pédagogique qui reprendrait l’apprentissage des correspondances graphèmes-phonèmes et la combinatoire selon la progression des méthodes synthétiques suffirait à résoudre les difficultés de ces enfants. Outre les causes décrites précédemment, on peut évoquer une mauvaise maîtrise de la langue, une scolarisation non assidue, des troubles psychologiques graves, des déficiences sévères de vision ou d’audition (Sprenger-Charolles et Colé, 2003), les dyslexiques (Rutter et coll. 1976 et Lewis et coll. 1994, in Valdois, 2000), les déficiences phonologiques (Lopez et Jimenez-Gonzales 2000, in Sprenger-Charolles et Colé, 2003), l’hyperlexie (Aram et Healy 1988, in Valdois, 2000) ou encore les différences environnementales (Morton et Frith 1995, in Valdois, 2000). Mais on va s’intéresser essentiellement à l’impact de la méthode d’enseignement de la lecture utilisée par l’enseignant sur la réussite de cet apprentissage.
Apprentissage de la lecture
Comme nous l’avons évoqué, la pédagogie mise en œuvre par l’enseignant est parfois mise en cause dans les difficultés de lecture. Nous commencerons d’abord par présenter les différentes méthodes de lecture avant de faire une comparaison entre la méthode utilisée aujourd’hui dans les manuels marocains au primaire et la méthode syllabique.
Méthodes synthétiques
Ces méthodes, également appelées méthodes «alphabétiques», «syllabiques», «phoniques» ou «phonético-syllabiques», commencent par l’apprentissage du code. En premier lieu, elles présentent les lettres auxquelles elles attribuent des sons. Puis rapidement l’enfant apprend à les assembler pour former des syllabes et des mots dès qu’il connaît au moins une voyelle et une consonne.
Dès que cela est possible, il lit des mots et des phrases ayant un sens. Cette méthode est parfois qualifiée de «phonétique», ce qui signifie que l’enfant ne lit que des mots contenant des phonèmes qu’il connaît.
Fondements théoriques
Le principe de l’apprentissage premier du code existe depuis très longtemps mais la progression a été affinée. Auparavant l’apprentissage était très long car on passait beaucoup de temps à l’apprentissage de l’alphabet, puis à la lecture de syllabes sans sens (méthode alphabétique « b. a. ba. »). Actuellement, on propose rapidement des mots signifiants. Ces méthodes vont parfaitement dans le sens des données de la recherche actuelle sur le développement de la lecture qui montre la nécessité d’acquérir le principe alphabétique afin d’accéder à une lecture rapide experte (Mazeau, 2005). Pour beaucoup, elles créent les conditions d’une lecture autonome (Morais, 1999, Cuche et Sommer, 2002) puisque la connaissance du code permet à l’enfant de lire seul des mots nouveaux et d’entraîner lui-même sa lecture.
Méthodes globales
Dans ce type de méthode, l’apprentissage commence directement par les mots qui sont mémorisés globalement, sans analyse des sons qui les composent. Elles sont au nombre de trois: la méthode «Decroly», la méthode «idéovisuelle» et la méthode «naturelle».
Méthode globale
Cette méthode part de la phrase. Dans un premier temps, il n’y a pas de décomposition en sons, pas d’études des sons pour eux-mêmes. Quand les élèves reconnaissent un nombre suffisant de mots, ils commencent à les analyser en se servant des analogies. Le code peut alors être abordé, à la demande et selon les besoins de l’enfant.
Pour Decroly, Foucambert et Freinet, la lecture est avant tout une fonction visuelle (Hamaïde, 1966). Decroly qualifie même le langage écrit de «langage visuel» qui pourrait s’apprendre comme le langage oral. Selon eux, nous pouvons apprendre à lire de la même façon que la maman apprend à parler à ses enfants. Lorsque la mère apprend à parler à son enfant, elle lui parle par phrases, par idées et non par lettres ou monosyllabes. Il faut suivre la progression de l’apprentissage du langage oral par celui du langage écrit. S’il comprend par l’ouïe, il doit pouvoir comprendre par la vue.
Méthodes mixtes
Ces méthodes peuvent porter le nom de méthodes «mixtes», «semi-globales» ou «à départ global». Elles constituent un compromis entre les deux types de méthodes présentées précédemment. Elles débutent par une lecture globale de mots, notamment des mots outils et des mots fréquents. Elles introduisent ensuite progressivement, après une durée plus ou moins longue, l’apprentissage des correspondances graphèmes-phonèmes. Les enfants apprennent à lire des mots et des phrases globalement puis ils vont les analyser pour découvrir les sons qui les composent en étudiant différents phonèmes au fil des textes. Dans certains manuels, les phonèmes sont codés en alphabet phonétique international, de façon à différencier «ce que je vois» (le graphème) et «ce que j’entends» (le phonème). C’est ce qui leur vaut parfois le nom de méthode «phonologique» ou «phonétique».
Les manuels les plus vendus au Maroc recourent tous à une méthode mixte. Les leçons se déroulent généralement de la façon suivante : Les enfants produisent tout d’abord des hypothèses sur le texte à partir des illustrations. Ils reconnaissent ensuite les mots déjà connus et identifient les mots inconnus avec l’aide de l’instituteur. A partir de là, ils vérifient les hypothèses qu’ils avaient produites avant la lecture du texte.
Puis le texte est lu en entier. Par la suite, l’instituteur fait chercher les mots contenant le son sur lequel va porter la leçon et enseigne la correspondance graphème-phonème. Suivent des exercices de conscience phonologique et de lecture de mots contenant le son étudié. Enfin, les enfants apprennent à transcrire celui-ci dans des exercices variés.
Fondements théoriques
Ces méthodes ne se fondent sur aucune théorie, à part pour la progression des phonèmes enseignés qui se basent sur les tables de fréquences des phonèmes du français établis par les linguistes. Il s’agit en fait d’un compromis entre deux méthodes, une «tentative de se garder de tous les excès» (Maisonneuve, 2002). Elles pourraient trouver une justification dans le modèle de Seymour qui propose la coexistence en début d’apprentissage des stratégies logographique et alphabétique, lesquelles participeraient également à la construction du lexique orthographique
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