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Vers un accord de libre-échange entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest

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  • Vers un accord de libre-échange entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest

    Après dix ans de négociations, l’accord de partenariat économique (APE) entre l’UE et la Cédéao serait tout prêt d’être conclu. Les chefs d’Etat africains doivent se réunir à la fin du mois pour avaliser officiellement la libéralisation de 75% de leur marché
    Une "étape importante pour le partenariat entre l'Afrique de l'Ouest et l'Union européenne". C'est ainsi que l'UE désigne lundi l'accord de partenariat économique qu'elle est en passe de conclure avec la Cédéao. Une étape historique, aussi, après une dizaine de longues années de négociations sur un accord qui libéraliserait 75% du marché d'Afrique de l'Ouest.

    Le 24 janvier dernier, les deux parties sont en effet parvenues à s'entendre sur ce qu'Isabelle Ramdoo, membre du programme de coopération économique et commerciale au Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM) appelle les "négociations techniques" :

    Il y avait un contentieux sur la question de savoir quelle partie allait être favorisée par l'accord. Mais à la fin du mois de janvier, des compromis ont été trouvés sur les sujets qui restaient en suspens.

    L'écueil de la taille du marché dépassé
    Les négociations sont en effet longuement restées bloquées sur la taille du marché à libéraliser: l'Union européenne plaidait pour la libéralisation de 80%, la Cédéao pour 70%. Cet écueil dépassé, la concrétisation de l'accord risque de s'accélérer. Selon Isabelle Ramdoo, les chefs d'Etats de la Cédéao se réuniront à la fin du mois pour adopter l'accord issu des négociations.

    Il prévoit, dans les faits, une exonération totale de droites de douanes des produits importés de la Cédéao vers l'Union européenne, et une exonération partielle (à 75%) de ceux pesant sur les importations de la Cédéao depuis l'UE.

    La mise en oeuvre de cette libéralisation des échanges doit se faire sur une période de 25 ans, avec différents paliers qui dépendront du caractère "sensible" des denrées, détaille Isabelle Ramdoo.

    Les 25% des produits les plus sensibles éliminés
    Pour déterminer quelles parts du marché d'Afrique de l'Ouest - la Cédéao comprend quinze pays, le Bénin, le Burkina Faso, Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, la Sierra Leone, le Togo + la Mauritanie qui l'a quitté en 2000 mais est concernée par l'ACP - seront libéralisées, "on a regardé la liste des produits existants", détaille Isabelle Ramdoo :

    Les 25% des produits jugés les plus sensibles ont été éliminés. Ca va concerner les secteurs où les PME régionales sont bien présentes, le ciment, ainsi que sur les produits subventionnés agricoles, par exemple. Le prix des autres produits sera aligné sur le tarif extérieur commun.

    A l'exception du Nigéria, du Ghana et de la Côte d'Ivoire, tous les pays de la Cédéao font partie des Pays les moins avancés (PMA), dont le budget national pourrait pâtir de la perte fiscale qu'entraînera cette zone de libre-échange.

    En compensation, l'Union européenne a prévu de débloquer un budget de 6,5 milliards d'euros. "Les modalités du package de développement n'ont pas encore été finalisées, mais elles devraient représenter une partie des pertes fiscales, et une aide à des projets facilitant l'intégration régionale", explique Isabelle Ramdoo

    "Particulièrement inquiet"

    Laurent Levard, responsable du suivi des APE au sein de la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale, Coordination Sud, se dit "particulièrement inquiet". "L'Afrique avait besoin d'accords de coopération économique avec l'Europe, mais en aucun cas d'accord de libre échange comme l'APE", estime-t-il.

    S'il concède que l'accord présente des aspects rassurants - "l'essentiel des produits agricoles produits en Afrique de l'Ouest y sont considérés comme sensibles" -, il juge inquiétant la volonté de permettre aux industries africains de "pouvoir s'approvisionner bon marché". "En jouant ce jeu d'un approvisionnement à bas prix, vous créez une concurrence avec des produits locaux", explique-t-il, ajoutant :

    Fondamentalement, la Commission négocie en répondant aux intérêts des secteurs exportateurs de l'Europe, notamment des multinationales. Cela donnera un surplus de compétitivité aux entreprises européennes par rapport à d'autres pays émergents, mais pas un surplus de compétitivité des pays africains.

    Motivations "politiques"

    D'autant que les pays qui ont le statut de PMA disposent de conditions favorables d'accès au marché européen - c'est le programme "Tous sauf les armes". Dans ces conditions, pourquoi les pays africains ont-ils accepté la signature de l'accord ? "Cette signature répond avant tout à des motivations politiques", estime Laurent Levard. "Un certain nombre de chefs d'Etat d'Afrique de l'Ouest ont besoin du soutien politique de l'Union européenne ou de ses Etats membres parce qu'ils sont dans des situations difficiles."

    Dans un communiqué commun, publié le 24 février, les ministres des Finances de la Cédéao ont souligné "la nécessité d'améliorer la compétitivité de la région par des investissements ciblés dans les infrastructures et l'adoption de normes communes afin de promouvoir le développement de l'Afrique de l'Ouest et son intégration dans l'économie mondiale"

    Ne pas être marginalisé

    "L'idée de base de l'accord, c'est de ne pas se retrouver marginalisé", détaille Hélène Quenot-Suarez, chercheur au sein du programme Afrique sub-saharienne de l'Ifri. "Il y avait vraiment la nécessité de signer rapidement parce qu'il y a un risque de fragmentation de la zone", poursuit-elle.

    "L'équilibre de la zone a changé. Quatre pays, le Nigéria, le Ghana, la Côte d'Ivoire et le Sénégal n'ont plus du tout les mêmes intérêts que les autres." Les quatre moteurs de l'économie régionale qui, n'étant pas classés dans la catégorie des PMA, ne jouissent pas des mêmes avantages que leurs voisins. Et auraient pu décider de faire cavalier seul pour accéder au marché européen.



    Débouchés économiques

    Pour l'Europe, cet accord de long-terme, qui est aussi une mise en conformité aux normes internationales de l'OMC, permet de "ne pas perdre le lien avec ces Etats qui sont, on l'oublie trop souvent, nécessaires à l'Union européenne en tant que débouchés économiques", explique encore Hélène Quenot-Suarez :

    Le Ghana, croissance à deux chiffres, Côte d'Ivoire, Sénégal, pas seulement des partenaires éco qui vont exporter, mais aussi des marchés extrêmement importants dans des secteurs comme les télécoms, la banque... La croissance des classes moyennes fait émerger de nouveaux marchés.



    Le chemin est encore long

    Toutefois, Isabelle Ramdoo, du Centre européen de gestion des politiques de développement, temporise. Si les chefs d'Etat africains s'accordent à la fin du mois, le texte devra ensuite être adopté par l'Union européenne, avant que sa validité légale ne soit vérifiée. Il sera traduit en 15 ou 16 langues officielles, avant de pouvoir être officiellement adopté lors d'une cérémonie de signature, définitive celle-là.

    "Ca, ca prend du temps", fait-elle observer. Et de citer l'exemple d'un APE concernant l'Ile Maurice, sur lequel les négociations ont cessé en 2007. Il avait fallu patienter jusqu'en 2009 pour qu'il soit définitivement signé. Et il ne s'agissait alors de libéraliser l'économie que d'un pays… Pas seize.

    la tribune fr
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