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La valeur du paysage

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  • La valeur du paysage

    « Le paysage est un espace de la superficie terrestre. Intuitivement, nous savons que c’est un espace avec un certain degré de permanence, qui a son propre caractère distinctif, topographiquement et/ou culturellement et, surtout, que c’est un espace partagé par un groupe de personnes. »

    John Brinckerhoff Jackson

    Cette brève définition du paysage contient des concepts qui constituent autant de clés pour comprendre son essence, quelque chose qui sera pour nous, si l’on parvient à le découvrir et à l’interpréter, d’une grande utilité au moment d’aborder quelque action que ce soit le concernant.
    Le concept de permanence introduit une nouvelle échelle pour comprendre les paysages : l’échelle temporelle. En effet, le paysage, probablement du fait de la vitesse avec laquelle il a été transformé au cours du siècle dernier, a cessé d’offrir pour l’essentiel une vision esthétique pour présenter une autre perspective beaucoup plus organique.
    Les facteurs physiques et culturels que mentionne la définition ne peuvent pas être compris si on ne les prend pas en compte dans une vision temporelle, c'est-à-dire pour connaître la dynamique des processus naturels qui ont eu lieu dans un paysage déterminé, ainsi que les différentes sociétés qui y ont vécu, qui l’ont travaillé et qui l’ont utilisé. L’histoire nous aide à comprendre un paysage dans son moment actuel, et elle nous instruit sur son futur. En d’autres termes, ceux de Rosa Barba, « le paysage est histoire vivante, il est espace dans le temps. » La lecture biophysique ne peut pas être dissociée de la lecture culturelle. La topographie est à l’origine de bassins hydrographiques qui contiennent des vallées creusées par des rivières, ces rivières à leur tour sont sources de vie et, par conséquent, d’attraction pour les implantations humaines. Entre, deux vallées proches les différences culturelles sont appréciables : elles sont le fruit des diverses relations qu’ont développées leurs sociétés par rapport aux paysages. La structure du sol, sa fertilité, la vitesse et la température du vent, le régime hydrique, le climat, les risques naturels, l’orographie, etc. sont autant de facteurs naturels qui ont une influence sur la culture des personnes habitant ces paysages, et celles-ci se voient obligées à s’établir et à agir d’une manière ou d’une autre avec eux. Réciproquement,
    la manière d’agir des personnes finit par conformer le paysage —mais rien n’est jamais définitif—. Ainsi, on peut tirer une double conclusion, d’un côté, que les sociétés et leurs rapports avec le paysage sont conditionnés par leurs variables physiques et, de l’autre,
    que les paysages sont le reflet vivant des sociétés qui les habitent. Cette vision offre aussi la possibilité de s’appuyer sur la lecture géographique du territoire quand on a l’intention de délimiter les paysages culturels. Ce n’est pas par hasard si l’on parle, dans les différents caseríos de chaque vallée du Pays Basque, un dialecte


    différent de l’euskera ; la topographie conditionne la vitesse et l’accessibilité des relations entre les sociétés et, par conséquent, les flux culturels. L’homogénéité des diverses unités paysagères doit se trouver dans l’interrelation des facteurs biophysiques et culturels. La transcendance de la lecture biophysique est supérieure à celle que nous lui donnons dans la civilisation occidentale qui s’est petit à petit séparée de la nature, tout au long du XX
    e siècle, en dotant l’être humain d’un pouvoir maximum. Cependant, nous sommes entourés de l’ordre naturel et nous en faisons partie ; plus encore, nous devons oublier que nous sommes nature. Il y a quelque chose de certain en ce qui concerne le déterminisme environnemental ou naturel qui conditionne l’humanité et les ,êtres vivants en général —théorisé par Alexander Von Humboldt et Carl Ritter, les pères de la géographie moderne—, qui a été paradigmatique dans les sciences qui étudiaient le paysage au cours du XIXe siècle, et qui a été ignoré par la suite du fait des besoins économiques du capitalisme.
    dz(0000/1111)dz

  • #2
    Lorsque l’on intervient sur le paysage, on doit comprendre l’ordre naturel et s’allier à lui ; si on ne le fait pas, si on l’ignore, on court alors le risque que les différents éléments du paysage nous le rappellent un jour ou l’autre, comme cela se produit malheureusement souvent.
    Pour comprendre le paysage —pour connaître il faut comprendre—, la lecture biophysique est essentielle. Elle nous rapproche en effet des clés permettant l’accès à la compréhension des interventions du passé et de la manière dont doivent être celles du présent, quel que soit leur propos (exploitation, protection, construction, réhabilitation, restauration, etc.). Toutefois, comme nous l’avons dit auparavant, on ne doit pas analyser les éléments naturels sans trouver leur interrelation avec l’élément humain. L’analyse complète et appropriée du paysage doit être abordée sous un éclairage multidisciplinaire. Barragán considère que douze disciplines interviennent au moment d’entreprendre l’étude du paysage, il s’agit des spécialités suivantes : l’ingénierie, la physique, la chimie, la géologie, l’économie, l’écologie, la géographie, la sociologie, la biologie, le droit, l’histoire et l’urbanisme. Et cela ne veut pas dire que d’autres types de lecture et d’interprétation ne soient pas aussi valables ou qu’ils ne puissent pas apporter une vision différente, comme le cinéma, la peinture ou la littérature, entre autres. Pour avoir une lecture intégrale du paysage, il faut connaître :
    Les éléments naturels constitués par les caractéristiques géologiques et géomorphologiques qui conforment le relief (formes, hauteurs ou altitudes, pentes, versants, orientations, etc.) et le sol, ainsi que ses dynamiques.
    Les caractéristiques hydrologiques, qu’elles soient souterraines ou superficielles, au travers des rivières, des sources, des affluents et des torrents, ainsi que leurs régimes hydriques, leurs débits, les sédimentations et les bassins d’inondation. Les dynamiques météorologiques, les éléments atmosphériques et les conditions climatiques au travers des températures, et les précipitations ; ainsi que leurs effets. L’existence de possibles microclimats.
    Les types, communautés et densités de végétation ; la flore, la faune et ses formes, aussi bien son habitat que ses formes de relations ; les mosaïques d’habitats. La connectivité biologique.
    Les éléments culturels et leur dimension historique au travers des usages et des activités qui ont eu lieu sur le paysage ; les types d’implantation humaine, qu’elle soit résidentielle, industrielle, agricole, religieuse ou de tout autre type d’activité ; et les constructions humaines, depuis les formes de l’architecture au travers du temps jusqu’aux constructions en rapport avec le facteur naturel (irrigation, canaux, murs, étages de culture, etc.) ; le patrimoine historique et archéologique.
    Les limites territoriales externes (géographiques et administratives) et internes (structure parcellaire, etc.).
    La mobilité au travers des réseaux de communications, depuis les autoroutes actuelles jusqu’aux réseaux de chemins vernaculaires ; l’accessibilité et la connectivité des différents lieux ; la fracturation occasionnée sur le paysage.
    Les facteurs économiques locaux et régionaux très en rapport avec la mobilité et la localisation des noyaux aussi bien de population que de production.
    Les éléments sociaux au travers de la structure démographique ; la cohésion et la problématique sociales ; le profil socioéconomique de ses habitants. Les relations sociales et les barrières créées.
    L’élément sensoriel au travers de l’influence du paysage dans la perception et la psychologie de ses habitants.
    En plus des éléments mentionnés, il est d’une grande utilité de trouver de bonnes sources bibliographiques et statistiques, ainsi que d’user de la méthode directe, c'est-à-dire l’observation in situ ou l’enquête directe —il est sûr que plus d’un aura envisagé la même problématique paysagère
    —. Grâce à cette méthode, on peut trouver des aspects que l’on ignorait —mythologiques, identitaires, etc
    .— seulement connus de ceux qui habitent le paysage en question, ou d’autres qui ont été importants, qui ont cessé de l’être et qui pourraient le redevenir. Le travail de terrain permettra en outre de déterminer la visibilité du paysage, ainsi que
    d’étudier les facteurs visuels qui le caractérisent : couleurs, lignes, formes, trames, textures, etc. Il faudra aussi tenir compte du fait que, davantage que la quantité d’information dont on pourra disposer, l’important est la manière de se mouvoir avec cetteinformation.
    Tous ces éléments devront être interprétés comme autant d’outils d’analyse du paysage, en les étudiant séparément et de manière synthétique étant donné qu’ils sont tous en rapport les uns avec les autres. Ce n’est qu’au travers de cette lecture synthétique que l’on pourra connaitre le degré de cohésion et d’harmonie, ainsi
    que l’équilibre interne du paysage. Lorsque nous analysons le paysage dans le but d’agir sur lui, l’analyse doit être effectuée de manière intentionnelle, c'est-à-dire
    en traitant l’information qui est réellement utile par rapport au ,projet postérieur. Par exemple, lorsque l’intention est la réhabilitation, l’analyse doit faire apparaître clairement les motifs qui expliquent les typologies de construction existant dans un paysage donné, et ces raisons doivent être trouvées par exemple dans l’étude détaillée de la géologie du lieu. D’autre part, l’analyse n’est pas utile si elle ne nous offre pas un diagnostic du paysage en question, des points forts à renforcer ou à maintenir et d’autres points, faibles ceux-là, problématiques ou dangereux, à éliminer, réduire ou simplement à ne pas provoquer avec l’intervention.
    L’analyse, finalement, doit nous donner les lignes ou les directives d’action pour développer le projet.

    dz(0000/1111)dz

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    • #3
      En revenant à la définition initiale du paysage donnée par Jackson, un dernier concept se situe au-dessus du reste : « […] et, surtout, […] c’est un espace partagé par un groupe de personnes. » Ces personnes se sont adaptées lentement, au long des siècles, à leurs lieux, à leur topographie, à leur climat, à leur sol, ainsi qu’aux autres personnes qui partagent ces mêmes lieux. Et tout cela se reflète dans les différents accents, dans les manières de s’habiller, dans la manière de célébrer les fêtes, dans l’odeur des saisons, dans la saveur du vin local, dans le son des cloches ou de leur propre musique traditionnelle. Toutes ces caractéristiques font partie de l’essence même du paysage et le dotent de singularité.
      En résumé, la lecture biophysique du paysage non seulement nous donnera l’information nécessaire quant au substrat de vie, au milieu qui l’enveloppe et aux conditions auxquelles il est exposé, mais elle nous rapprochera, en outre, de ses habitants et de la connaissance de ceux-ci, de leur comportement, de leurs sentiments et de leur manière d’être et d’agir sur le paysage. Tous ces aspects cognitifs seront d’une importance vitale pour mener à bien quelque action que ce soit sur un paysage déterminé, étant donné que, finalement, ce sont ses habitants et l’âme propre du paysage qui vont la vivre.
      par Emilio RAMIRO
      Géographe et Paysagiste, Espagne
      dz(0000/1111)dz

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