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Le Nobel de littérature attribué à Orhan Pamuk

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  • Le Nobel de littérature attribué à Orhan Pamuk

    L'académie a donc décerné à Orhan Pamuk le prix Nobel de Littérature. Cet écrivain turc est connu pour son soutien au peuple kurde qui n'est pas forcèment du gout du gouvernement turc. Orhan Pamuk succède donc au britanique Harold Pinter .

    =====

    Au dehors, Paris rayonne dans la chaleur de cet automne estival. Au-dedans, l'écrivain turc Orhan Pamuk, de passage pour la présentation de son dernier roman traduit en français, Neige, frissonne. Dans son monde intérieur, l'imagination surpasse la réalité. Après les formules de politesse propres aux voyageurs — - Paris, la beauté, la Seine —-, il se transporte au coeur de l'hiver anatolien, là où la neige tombe infiniment, suspendant le temps, les espoirs, les attentes.

    Concentré sur la blancheur, Orhan Pamuk parle. Comme sur la page, il y inscrit l'histoire de Kars, une ville réelle, située aux confins orientaux de la Turquie, voisine de l'Arménie. Cet homme d'Istanbul porte son rôle d'écrivain à succès avec sérieux. Conscient d'appartenir à un autre monde, il a enquêté en détail sur cette région délaissée avant d'écrire. "Pendant trois ans, j'ai fait de nombreux séjours à Kars. J'allais de maison en maison, je parlais avec les gens et j'enregistrais ces rencontres au magnétophone. A la fin, j'étais déprimé par cette tristesse suffocante. Heureusement, il y avait la beauté de la neige."

    Neige, dit-il, est son premier et son dernier roman politique. Ses autres romans sont plutôt de brillantes fresques, situées dans l'histoire ottomane et turque, où le thème de la rencontre entre Orient et Occident revient en leitmotiv. Sous le contexte historique perce volontiers une actualité marquée par les tensions entre la Turquie et l'Europe. Mais Neige plonge directement dans la Turquie d'aujourd'hui : "J'ai voulu sortir ce que j'avais dans les tripes à propos de l'islam politique."

    "Au début des années 1990, la Turquie vivait sous un régime politique militaire violent, et le manque de liberté était flagrant. La situation s'est améliorée peu à peu, mais les partis islamiques ont commencé à se développer. Le pouvoir a utilisé les extrémistes islamistes dans sa lutte contre les Kurdes : pendant un temps, il les a aidés et peut-être même armés. L'opinion laïque, à laquelle j'appartiens, a craint de voir triompher un régime à l'iranienne. Finalement, les islamistes rad icaux ne recueillent même pas 1 % des voix aux élections. L'autre ligne islamiste, qui s'est démarquée des fondamentalistes, a pris le pouvoir et mène les réformes nécessaires pour pouvoir entrer dans l'Union européenne." Pour autant, Orhan Pamuk veut comprendre : "Qu'est-ce que cet islam ? Pourquoi y a-t-il tant de ressentiment et de colère à l'égard de l'Occident ?"

    Alors il part d'un fait divers réel, une série de suicides de jeunes femmes, à Tatvan, petite ville de l'extrême Est, située au bord du lac de Van. Il déplace l'affaire à Kars et invente le personnage de Ka, un poète d'Istanbul exilé en Allemagne, venu enquêter sur ce phénomène. Ka absorbe, comme une éponge, toute la détresse de la ville : pauvreté, désarroi des jeunes, contrôle des citoyens par les services secrets. Il rencontre tous les courants politiques locaux — - laïques, militaires, marxistes, islamistes, nationalistes kurdes et turcs. A travers Ka, double transparent de l'auteur, Orhan Pamuk donne ainsi une voix à chacune de ces composantes de la vie politique turque.

    "J'ai tenu à respecter tous les personnages. Je ne voulais pas faire un roman engagé, à la manière des auteurs des années 1970, qui assénaient leurs certitudes sur le bien et le mal. Mes modèles littéraires étaient du côté de Proust et de Nabokov, plutôt que de Zola et de Sartre." Une certaine ironie filtre malgré tout lorsque Ka relate les interminables discours flamboyants des militants de tout bord ou les intrigues amoureuses qui sous-tendent les engagements politiques. Les personnages féminins sont épargnés, et la compassion est réelle envers les jeunes filles écrasées sous le poids des lois familiales. Un sous-préfet déclare en toute bonhomie : "Il est sûr que la cause de ces suicides réside dans cet extrême malheur de nos filles ; mais si le malheur était une vraie cause de suicide, la moitié des femmes en Turquie se seraient suicidées." Dans le conflit entre islamistes et ultralaïques, qui occupe le devant de la scène politique en Turquie, les femmes, selon Pamuk, sont les premières victimes.

    Paru à Istanbul en 2002, le livre a connu un accueil mitigé. "Les islamistes se sont dit : qui est ce bourgeois pro-américain qui parle de nous ? Mais ils ont apprécié qu'on fasse l'effort de chercher à les comprendre. Il y a eu beaucoup de colère aussi chez les laïques proches de l'armée : le livre dénonce les mauvais traitements que les forces militaires imposent à leur propre peuple." De plus, en Turquie comme ailleurs, note Orhan Pamuk, "les lecteurs sont surtout des lectrices, et elles n'éprouvent aucune compassion envers les islamistes".

    La politique n'est pas un bon sujet, déplore le romancier : "Dans mon pays, parler de politique signifie parler de pauvreté et d'oppression. La politique est un bon sujet seulement s'il y a de la confiance dans l'avenir. Or l'économie est en plein boom, la monnaie est solide, des réformes importantes ont été accomplies pour l'entrée dans l'Union européenne. Mais ma société reste scandaleusement inégalitaire."

    Intellectuel engagé, Orhan Pamuk a souvent défendu le droit à débattre de la cause kurde ou des massacres commis à l'encontre des Arméniens. Il a aussi été l'un des premiers écrivains d'un pays musulman à protester contre la fatwa frappant Salman Rushdie. "Quand on essaie de réprimer les souvenirs, il y a toujours quelque chose qui revient. Je suis ce qui revient", a-t-il déclaré à propos du silence imposé sur la question arménienne.

    Sa liberté de parole lui vaut actuellement un procès pour ses déclarations au journal suisse Tagesanzeiger, en février : "Un million d'Arméniens et 30 000 Kurdes ont été tués sur ces terres, mais presque personne n'ose en parler." Le mot de génocide n'a pas été prononcé, mais la phrase a déclenché la colère des milieux nationalistes. L'auteur sera jugé le 16 décembre pour "insulte délibérée à l'identité turque".

    A Paris, il préfère insister sur les évolutions récentes. Un pas important a été franchi en septembre : pour la première fois, s'est tenue à Istanbul une importante conférence d'historiens indépendants consacrée au génocide arménien (Le Monde du 27 septembre).

    Mais Orhan Pamuk est désormais sous la menace d'un deuxième procès. Une association de juristes nationalistes a porté plainte contre des propos publiés par le journal allemand Die Welt. Il y affirme que l'armée turque "nuit parfois au développement de la démocratie".

    Sur son agenda des prochains mois, l'écrivain a aussi plusieurs publications et traductions. Il termine un roman situé dans sa ville d'Istanbul et dans un milieu qui lui est familier. L'intrigue se passe dans la grande bourgeoisie, de 1975 à aujourd'hui. "On assiste à l'émergence d'une classe dirigeante non occidentale dans des pays comme la Chine, l'Inde, l'Iran. Comment se représente-t-elle ? Quel est son rapport avec le modèle occidental ? Je parlerai de la virginité, des mariages et de la politique sexuelle cachée qui sous-tend ces nouveaux comportements."

    Biographie

    Né en 1952 dans une famille intellectuelle et francophile d'Istanbul, Orhan Pamuk a été élève au Robert College, le lycée américain de la ville. Après des études d'architecture et de journalisme, il se consacre entièrement à l'écriture. Salué dès ses premiers romans parus dans les années 1980, Le Château blanc, Le Livre noir, il s'impose par sa liberté d'écriture. Il puise dans l'histoire de la Turquie et de l'Empire ottoman, dans les mythologies soufies comme dans les classiques persans, et les associe avec des thèmes et des styles contemporains. Mon nom est Rouge, roman situé dans le milieu des peintres de cour au XVIe siècle, revêt l'aspect d'une intrigue policière pour aborder l'histoire du conflit entre la miniature islamique traditionnelle et la peinture vénitienne, avec la découverte de la perspective.

    Les huit romans d'Orhan Pamuk, qui sont des best-sellers en Turquie, ont été traduits dans plus de vingt langues. Neige, son dernier roman paru en français, traduit du turc par Jean-François Pérouse, est publié, comme les précédents, chez Gallimard (488 p., 22,50 €).

    Par le Monde


  • #2
    C'est ce que je viens d'apprendre aussi...
    Un parfait inconnu pour moi que cet auteur...

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    • #3
      dommage on aurait pu l'attribuer a un nos douktours algeriens bien de chez nous

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      • #4
        Un prix politique comme toujours!
        La Turquie laique et moderne en a bien besoin, surtout ces jours-ci!

        Sinon sur la forme: je ne connais absolument pas cet auteur. A découvrir, donc !
        ~Le bonheur vient à ceux qui croient en lui~

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