Bonjour, petit revendeur de postes de radio Philips à Tiaret avant l'indépendance, Isidore Partouche a fait de son groupe le leader français des jeux d’argent. Y aura-t-il un jour un casino à Alger comme à Beyrouth ? Réservé aux touristes étrangers, le tourisme s'en portera mieux.
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Isidore Partouche
La photo est presque trop parfaite. « A mi-chemin entre La vérité si je mens et Le Parrain » , vous diront les collaborateurs, clients ou partenaires de la famille. Avant de préciser : « Je vous dis ça entre nous… » Le tableau, en effet, parle de lui-même. Ce 27 avril 2006, le clan Partouche est réuni au grand complet – amis compris, de Michel Boujenah à Enrico Macias – pour célébrer le lancement de Partouche Interactive. Une fête de famille pour la toute nouvelle filiale multimédia du numéro un français du secteur, avec quelque 106 casinos, 5 500 collaborateurs et 456 millions d’euros de chiffre d’affaires. A touche-*touche avec Accor-Barrière, qui se proclame aussi leader.
Extravertis secrets
Ce soir, les mères et les grands-*mères du clan ont l’œil aux aguets, et rabrouent leurs descendants trop turbulents, petites filles en robe à volants ou garçonnets endimanchés. Un peu plus loin, les adolescents gominés pianotent sur leur portable. En jetant de discrets coups d’œil aux bimbos blondes qui vont et viennent dans la salle. Tout ce monde se serre dans le Studio Gabriel, à quelques mètres de l’Elysée. Un pied de nez au monopole de l’Etat, que le site Internet des casinos Partouche entend défier. Voilà pour la photo de famille.
« Qu’on ne nous juge pas sur ce qu’on est ! » La phrase vient du cœur. Et Patrick Partouche d’ajouter : « Une famille de pieds-noirs, juifs, des voyous du casino : c’est assez parlant, cette image d’Epinal… Qu’on nous juge plutôt sur ce que nous faisons ! »
Si le Groupe Partouche fascine, c’est bien qu’il cumule tous les clichés. Et surtout le côté clan, smala, pour ne pas dire mafia. Extravertis et pourtant secrets, les Partouche. « La famille est grande, mais elle ne parle pas beaucoup » , avertit Dany Partouche, la nièce d’Isidore, chargée de la communication. *Méfiance face au reste du monde. Patrick Partouche, président du *directoire, le dit lui-même : « Trente ans dans les casinos, vous savez, ça pousse à la paranoïa. » Le rapport annuel de la société va jusqu’à préciser que « les membres du conseil de surveillance sont tenus de ne pas communiquer à l’extérieur, ès qualités, notamment à l’égard de la presse. En cas de manquement avéré au devoir de confidentialité […], le président fait rapport au conseil sur les suites éventuellement judiciaires qu’il entend donner ».
Parentèle à tous les étages
Ici tout est cadenassé. Aux postes à responsabilité, du directeur de *casino au président du conseil de surveillance, les places sont trustées par les membres de la tribu. Avec l’avantage qu’il est moins facile pour un groupe concurrent d’acheter un cadre du Groupe Partouche quand c’est quelqu’un de la famille…
Pour autant, Partouche n’est pas une histoire de famille. C’est l’histoire d’un seul homme. Pour Pascal Pessiot, un proche du fondateur, « le groupe repose sur un socle : *Isidore ». Isidore Partouche, pour qui la famille est tout. Les neveux et nièces présents au Studio Gabriel ne s’y trompent pas. Tous se lèvent d’un seul mouvement pour applaudir la discrète arrivée sur scène du patriarche, qui a officiellement passé la main et préside le conseil de surveillance du groupe.
Socle d’un empire de hasard
Quarante-quatre ans plus tôt, le *revendeur de postes de radio Philips à Tiaret doit quitter son Algérie *natale. Le rapatrié n’arrive pas seul en France. Ses sept frères et sœurs l’ont chargé de veiller sur leurs quinze enfants. Lui dispose de leurs *maigres économies et d’un esprit *d’entreprise à toute épreuve. D’un karting au Touquet acheté rapidement au premier casino, celui de Saint-Amand-les-Eaux, dans le Nord, il n’y a qu’un pas franchi totalement par hasard. Aujourd’hui, son empire, aime-t-il répéter, compte « autant de casinos que de neveux » . Et inversement. Tant il est vrai que l’esprit de famille a toujours été son seul moteur. Et le succès, le sien propre. Son fils, Patrick, le souligne à sa façon quand on émet l’idée d’interroger ses cousins sur la réussite du Groupe Partouche. « Les au*tres ? A part être membres de la *famille et salariés du groupe… »
Sûr, Isidore Partouche aurait pu aussi bien faire fortune en créant des hypermarchés. La grande distribution, finalement, n’est pas si éloignée du monde des casinotiers. Un exemple parmi cent, raconté par David Rousset, le responsable national du syndicat FO-Casinos. « Nous étions en pleine grève au casino Pharaon, à Lyon, quand Isidore Partouche me dit : “Cessez de défen*dre les grévistes, moi, j’aime les leaders comme vous, *venez travailler chez moi !’’ J’ai bien cru que l’inspectrice du travail, présente lors de cette négociation, *allait tomber de sa chaise ! » Le syndicaliste en rit encore.
Mais il reconnaît aussi un savoir-faire particulier à Isidore Partouche dans la gestion de ses premiers clients. En l’occurrence les mairies. « Il faut le voir, un soir d’élections municipales, décrocher son téléphone pour féliciter absolument tous les élus des villes de ses casinos, les nouveaux et les sortants, peu importe la couleur politique. » Un souci du service apprécié par les édiles. Au Havre, le maire UMP *Antoine Rufenacht note les efforts financiers consentis pour aménager l’accès du palais de la Bourse où se trouve le casino, inauguré le 1er juin 2006. Et Alain Bocquet, député, maire communiste de Saint-Amand-les-Eaux, se réjouit encore des emplois créés par le casino dont le site Internet de la ville fait la publicité.
Un côté « France d’en bas »
La clé de la réussite d’Isidore, c’est d’avoir ouvert ses portes à tous les Français. Un marché de masse négligé par son concurrent Barrière. Ces vacanciers des Club Med de son alter ego Gilbert Trigano. Ces fans d’Enrico Macias, grand ami de l’entrepreneur et membre du conseil de surveillance depuis 1998. Ces supporters du Losc, le club de football de Lille, dont le groupe est actionnaire à 40 %. Toute cette « France d’en bas » qui fait aujourd’hui vivre les casinos, Barrière ou Partouche, avec une mise moyenne de 37 euros. On est bien loin donc de l’ambiance sophistiquée des hippodromes et des terrains de golf. Tout cela, Isidore Partouche l’a senti dès le début. Avant même l’arrivée des machines à sous.
Il y a, en effet, un avant et un après-5 mai 1987 dans les casinos. Avant cette date, le Groupe Partouche se débat pour survivre. Il cède les activités non prioritaires, les sources d’eau, et même quelques casinos déficitaires. Mais voilà que la loi du 5 mai 1987, œuvre du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, donne le feu vert aux machines à sous. Isidore Partouche se démène à grands coups de gueule pour obtenir des autorisations. « L’essentiel de la profession pourtant n’y croyait pas beaucoup » , se souvient Georges Tranchant, ex-député UMP et autre roi des bandits manchots. Les deux hommes s’engouffrent dans la brèche. Les hangars à machines sont des jackpots. Le vénérable Groupe Lucien Barrière devra s’y mettre.
La suite...
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Isidore Partouche
La photo est presque trop parfaite. « A mi-chemin entre La vérité si je mens et Le Parrain » , vous diront les collaborateurs, clients ou partenaires de la famille. Avant de préciser : « Je vous dis ça entre nous… » Le tableau, en effet, parle de lui-même. Ce 27 avril 2006, le clan Partouche est réuni au grand complet – amis compris, de Michel Boujenah à Enrico Macias – pour célébrer le lancement de Partouche Interactive. Une fête de famille pour la toute nouvelle filiale multimédia du numéro un français du secteur, avec quelque 106 casinos, 5 500 collaborateurs et 456 millions d’euros de chiffre d’affaires. A touche-*touche avec Accor-Barrière, qui se proclame aussi leader.
Extravertis secrets
Ce soir, les mères et les grands-*mères du clan ont l’œil aux aguets, et rabrouent leurs descendants trop turbulents, petites filles en robe à volants ou garçonnets endimanchés. Un peu plus loin, les adolescents gominés pianotent sur leur portable. En jetant de discrets coups d’œil aux bimbos blondes qui vont et viennent dans la salle. Tout ce monde se serre dans le Studio Gabriel, à quelques mètres de l’Elysée. Un pied de nez au monopole de l’Etat, que le site Internet des casinos Partouche entend défier. Voilà pour la photo de famille.
« Qu’on ne nous juge pas sur ce qu’on est ! » La phrase vient du cœur. Et Patrick Partouche d’ajouter : « Une famille de pieds-noirs, juifs, des voyous du casino : c’est assez parlant, cette image d’Epinal… Qu’on nous juge plutôt sur ce que nous faisons ! »
Si le Groupe Partouche fascine, c’est bien qu’il cumule tous les clichés. Et surtout le côté clan, smala, pour ne pas dire mafia. Extravertis et pourtant secrets, les Partouche. « La famille est grande, mais elle ne parle pas beaucoup » , avertit Dany Partouche, la nièce d’Isidore, chargée de la communication. *Méfiance face au reste du monde. Patrick Partouche, président du *directoire, le dit lui-même : « Trente ans dans les casinos, vous savez, ça pousse à la paranoïa. » Le rapport annuel de la société va jusqu’à préciser que « les membres du conseil de surveillance sont tenus de ne pas communiquer à l’extérieur, ès qualités, notamment à l’égard de la presse. En cas de manquement avéré au devoir de confidentialité […], le président fait rapport au conseil sur les suites éventuellement judiciaires qu’il entend donner ».
Parentèle à tous les étages
Ici tout est cadenassé. Aux postes à responsabilité, du directeur de *casino au président du conseil de surveillance, les places sont trustées par les membres de la tribu. Avec l’avantage qu’il est moins facile pour un groupe concurrent d’acheter un cadre du Groupe Partouche quand c’est quelqu’un de la famille…
Pour autant, Partouche n’est pas une histoire de famille. C’est l’histoire d’un seul homme. Pour Pascal Pessiot, un proche du fondateur, « le groupe repose sur un socle : *Isidore ». Isidore Partouche, pour qui la famille est tout. Les neveux et nièces présents au Studio Gabriel ne s’y trompent pas. Tous se lèvent d’un seul mouvement pour applaudir la discrète arrivée sur scène du patriarche, qui a officiellement passé la main et préside le conseil de surveillance du groupe.
Socle d’un empire de hasard
Quarante-quatre ans plus tôt, le *revendeur de postes de radio Philips à Tiaret doit quitter son Algérie *natale. Le rapatrié n’arrive pas seul en France. Ses sept frères et sœurs l’ont chargé de veiller sur leurs quinze enfants. Lui dispose de leurs *maigres économies et d’un esprit *d’entreprise à toute épreuve. D’un karting au Touquet acheté rapidement au premier casino, celui de Saint-Amand-les-Eaux, dans le Nord, il n’y a qu’un pas franchi totalement par hasard. Aujourd’hui, son empire, aime-t-il répéter, compte « autant de casinos que de neveux » . Et inversement. Tant il est vrai que l’esprit de famille a toujours été son seul moteur. Et le succès, le sien propre. Son fils, Patrick, le souligne à sa façon quand on émet l’idée d’interroger ses cousins sur la réussite du Groupe Partouche. « Les au*tres ? A part être membres de la *famille et salariés du groupe… »
Sûr, Isidore Partouche aurait pu aussi bien faire fortune en créant des hypermarchés. La grande distribution, finalement, n’est pas si éloignée du monde des casinotiers. Un exemple parmi cent, raconté par David Rousset, le responsable national du syndicat FO-Casinos. « Nous étions en pleine grève au casino Pharaon, à Lyon, quand Isidore Partouche me dit : “Cessez de défen*dre les grévistes, moi, j’aime les leaders comme vous, *venez travailler chez moi !’’ J’ai bien cru que l’inspectrice du travail, présente lors de cette négociation, *allait tomber de sa chaise ! » Le syndicaliste en rit encore.
Mais il reconnaît aussi un savoir-faire particulier à Isidore Partouche dans la gestion de ses premiers clients. En l’occurrence les mairies. « Il faut le voir, un soir d’élections municipales, décrocher son téléphone pour féliciter absolument tous les élus des villes de ses casinos, les nouveaux et les sortants, peu importe la couleur politique. » Un souci du service apprécié par les édiles. Au Havre, le maire UMP *Antoine Rufenacht note les efforts financiers consentis pour aménager l’accès du palais de la Bourse où se trouve le casino, inauguré le 1er juin 2006. Et Alain Bocquet, député, maire communiste de Saint-Amand-les-Eaux, se réjouit encore des emplois créés par le casino dont le site Internet de la ville fait la publicité.
Un côté « France d’en bas »
La clé de la réussite d’Isidore, c’est d’avoir ouvert ses portes à tous les Français. Un marché de masse négligé par son concurrent Barrière. Ces vacanciers des Club Med de son alter ego Gilbert Trigano. Ces fans d’Enrico Macias, grand ami de l’entrepreneur et membre du conseil de surveillance depuis 1998. Ces supporters du Losc, le club de football de Lille, dont le groupe est actionnaire à 40 %. Toute cette « France d’en bas » qui fait aujourd’hui vivre les casinos, Barrière ou Partouche, avec une mise moyenne de 37 euros. On est bien loin donc de l’ambiance sophistiquée des hippodromes et des terrains de golf. Tout cela, Isidore Partouche l’a senti dès le début. Avant même l’arrivée des machines à sous.
Il y a, en effet, un avant et un après-5 mai 1987 dans les casinos. Avant cette date, le Groupe Partouche se débat pour survivre. Il cède les activités non prioritaires, les sources d’eau, et même quelques casinos déficitaires. Mais voilà que la loi du 5 mai 1987, œuvre du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, donne le feu vert aux machines à sous. Isidore Partouche se démène à grands coups de gueule pour obtenir des autorisations. « L’essentiel de la profession pourtant n’y croyait pas beaucoup » , se souvient Georges Tranchant, ex-député UMP et autre roi des bandits manchots. Les deux hommes s’engouffrent dans la brèche. Les hangars à machines sont des jackpots. Le vénérable Groupe Lucien Barrière devra s’y mettre.
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