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Afrique : 6 conditions pour réussir au même titre que l'Asie du Sud-Est

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  • Afrique : 6 conditions pour réussir au même titre que l'Asie du Sud-Est

    Bien que tenu à une obligation de réserve, Carlos Lopes n’est pas du genre à enrober son propos. Cet austère économiste et stratégiste bissau-guinéen – secrétaire exécutif de la commission économique des Nations unies pour l’Afrique – est en colère et il tient à le faire savoir lors de l’ouverture de l’Africa CEO Forum.

    L’objet de son courroux ? L’Ukraine.

    Pour lui, il est tout simplement "inacceptable" que les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, BERD), aient décidé d’octroyer 3 milliards de dollars d’aide urgente à Kiev après le renversement du président Ianoukovitch. "C’est précisément le montant de réduction de la dette africaine que nous essayons de négocier depuis une décennie", affirme-t-il.

    Si les propos de Lopes trouvent un écho bienveillant dans la salle, générant même quelques applaudissements, certains participants et analystes ne partagent pas totalement son point de vue. Pour beaucoup d’entre eux, dont moi-même, le temps est venu pour l’Afrique de cesser de demander des aides afin de se focaliser sur son développement, en s’inspirant notamment de la dynamique exceptionnelle poursuivie par l’Asie du Sud-Est au cours des 50 dernières années.

    Aux origines de la dislocation Afrique-Asie

    Rappelons nous ainsi que l’Afrique était, au début des années 60, au même niveau de développement que nombre de pays du sud-est asiatique, En 1960, la moyenne des habitants du sud-est asiatique était plus pauvre que la moyenne des habitants d’Afrique. En 2005, les Asiatiques sont deux fois et demi plus riches que les Africains.

    Qu’est ce qui explique cette dislocation exponentielle des trajectoires asiatiques et africaines ?

    L’on ne peut porter au crédit du succès asiatique un mode de leadership qui se serait basé exclusivement sur l’avènement de la démocratie ou du consensus de Washington. Il y a, encore à ce jour, du "management autoritaire" en Asie, et la plupart des dragons ont été dirigés d’une main de fer, notamment lors de leurs phases de décollage.

    L’on ne peut non plus parler d’avantage compétitif absolu au point de départ. Nous devons donc bien parler de compétitivité, qui a effectué un bond spectaculaire dans le cas de l’Asie, et qui a connu une quasi-stagnation lors du demi siècle écoulé en ce qui concerne l’Afrique.

    Le consensus auquel ont abouti de nombreux économistes est que ce formidable développement a nécessité la conjonction de 3 préalables indispensables

    1. La stabilité macro-économique sur des temps longs ;

    2. L’amélioration des conditions de vie en zone rurale, l’accroissement de la productivité agricole, et l’avènement de la sécurité alimentaire ;

    3. La libéralisation de l’économie et la mise en place de conditions favorables pour la liberté économique, particulièrement pour les petits acteurs, pour laquelle l’intervention de l’État est un fait majeur.

    Au cours des décennies écoulées, certaines de ces conditions ont effectivement été remplies par plusieurs pays d’Afrique, mais jamais elles n’ont été mises en place toutes ensemble, ce qui est pourtant indispensable pour accroître la productivité.

    Ceci est du au fait que les leaders africains – souvent en proie à l’instabilité de leurs régimes – ont eu du mal à implémenter des politiques publiques dans des logiques de blocs.

    Le défi principal que l’Afrique doit donc relever est donc celui de l’action intégrée, qui nécessite que l’on agisse sur tous les curseurs à la fois. De l’avis de nombreux experts, ceci est beaucoup plus difficile, mais certainement beaucoup plus rémunérateur.

    En Afrique, on se concurrence avant de travailler ensemble


    Au delà des trois conditions indispensables que j’ai cité auparavant, trois autres doivent également être réunies.

    1. En premier lieu, à l’instar de l’Asie, mais également des grands "surperformers économiques", l’Afrique doit réussir le pari de l’industrialisation massive en s’appuyant sur l’Investissement direct étranger (IDE). En Asie, les IDE ont permis l’émergence d’un écosystème industriel compétitif, qui a fait passer les pays de la zone de la fabrication de produits low-cost aux produits à très forte ajoutée.

    2. Autre enjeu fondamental : dépasser les frontières. Pour reprendre une formule lumineuse du milliardaire et philanthrope Mo Ibrahim à Genève : "L’Afrique est de même taille que le marché chinois et a le même potentiel, sauf qu’elle a 46 frontières et autant d’États." L’intégration régionale est donc le second défi à relever. Le Sud-Est asiatique est constitué d’économies qui travaillent d’abord entre elles avant de se projeter dans leur profondeur stratégique. Elles ont donc "co-émergé" avant de se concurrencer. En Afrique, on se concurrence avant de travailler ensemble.

    3. Enfin, l’Afrique doit œuvrer à l’enracinement de la culture de la discipline à travers un système éducatif tourné vers l’excellence. Ce n’est pas un hasard si l’un des meilleurs MBA de la planète est à Singapour. L’éducation est à la base de toute démarche compétitive.

    Riche en matière premières, mais incapable jusqu’à aujourd’hui de mener de front les réformes pourtant indispensables à son décollage, l’Afrique a reçu depuis les années 60 l’équivalent de plusieurs plans "Marshall" en aide internationale.

    En soi, la prise de conscience qui est en train d‘intervenir au niveau des leaders économiques réunis à Genève que le destin du continent doit être pris en main pas ses fils constitue peut être le message d’espoir le plus significatif. Il indique qu’un palier de maturité a été atteint. Reste à espérer que son souffle ne s’éteigne pas

    le nouvel obs
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