Victor Hugo dans une satire destinée à Napoléon III...
HISTOIRE OU FABLE ...
Un jour, maigre et sentant un royal appétit,
Un singe d'une peau de tigre se vêtit.
Le tigre avait été méchant, lui, fut atroce.
Il avait endossé le droit d'être féroce.
Il se mit à grincer des dents, criant : « Je suis
Le vainqueur des halliers1, le roi sombre des nuits ! »
Il s'embusqua2, brigand des bois, dans les épines ;
Il entassa l'horreur, le meurtre, les rapines3,
Égorgea les passants, dévasta la forêt,
Fit tout ce qu'avait fait la peau qui le couvrait.
Il vivait dans un antre4, entouré de carnage.
Chacun, voyant la peau, croyait au personnage.
Il s'écriait, poussant d'affreux rugissements :
« Regardez, ma caverne est pleine d'ossements ;
Devant moi tout recule et frémit, tout émigre,
Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre ! »
Les bêtes l'admiraient, et fuyaient à grands pas.
Un belluaire5 vint, le saisit dans ses bras,
Déchira cette peau comme on déchire un linge,
Mit à nu ce vainqueur, et dit : « Tu n'es qu'un singe ! »
Victor Hugo, Les Châtiments, III, 3, 1853.
HISTOIRE OU FABLE ...
Un jour, maigre et sentant un royal appétit,
Un singe d'une peau de tigre se vêtit.
Le tigre avait été méchant, lui, fut atroce.
Il avait endossé le droit d'être féroce.
Il se mit à grincer des dents, criant : « Je suis
Le vainqueur des halliers1, le roi sombre des nuits ! »
Il s'embusqua2, brigand des bois, dans les épines ;
Il entassa l'horreur, le meurtre, les rapines3,
Égorgea les passants, dévasta la forêt,
Fit tout ce qu'avait fait la peau qui le couvrait.
Il vivait dans un antre4, entouré de carnage.
Chacun, voyant la peau, croyait au personnage.
Il s'écriait, poussant d'affreux rugissements :
« Regardez, ma caverne est pleine d'ossements ;
Devant moi tout recule et frémit, tout émigre,
Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre ! »
Les bêtes l'admiraient, et fuyaient à grands pas.
Un belluaire5 vint, le saisit dans ses bras,
Déchira cette peau comme on déchire un linge,
Mit à nu ce vainqueur, et dit : « Tu n'es qu'un singe ! »
Victor Hugo, Les Châtiments, III, 3, 1853.