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Maroc: Presse. l’affaire Rotavirus

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    Presse. l’affaire Rotavirus

    En une semaine, dix journalistes de trois publications ont été entendus par la police. Cinq d’entre eux, inculpés, risquent même jusqu’à cinq ans de prison.


    Tout a commencé par un communiqué du ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie, publié par la MAP le 26 août, informant que “Sa Majesté le roi Mohammed VI présente une infection à rotavirus (…) nécessitant une convalescence de cinq jours. L’état de santé de Sa Majesté le roi ne justifie aucune inquiétude”. L’annonce,

    première du genre sous l’ère Mohammed VI, devient une information incontournable pour les médias. Alors que la plupart se contentent de reprendre le communiqué officiel, le quotidien arabophone Al Jarida Al Oula va plus loin. Et titre en Une le lendemain : “La maladie du roi reporte les causeries religieuses et son déplacement à Casablanca”. Dans cet article, la journaliste Bouchra Edaou affirme, en se basant sur “une source médicale anonyme”, que “l’origine du rotavirus contracté par le roi serait due à l’utilisation de corticoïdes contre l’asthme et qui sont responsables du gonflement du corps et de la diminution de l’immunité”.

    Anouzla ouvre le bal

    Mardi 1er septembre, Ali Anouzla, directeur de publication d’Al Jarida Al Oula, reçoit un coup de téléphone. Un homme se présentant comme membre de la police judiciaire lui apprend qu’il est attendu le jour même à 21 heures à la préfecture de police de Rabat, en compagnie de Bouchra Edaou. Une fois sur place, les deux journalistes se voient confisquer leurs téléphones avant d’être séparés. Informés de l’objet de leur assignation, ils sont interrogés par une quinzaine d’enquêteurs de différents services de sécurité. “Ils nous ont posé un tas de questions sur tout et rien. Ce qui les intéressait, c’était de savoir pourquoi nous ne nous étions pas contentés de publier le communiqué officiel. Ils voulaient aussi connaître l’identité de notre source, que nous avons bien sûr refusé de révéler”, raconte Ali Anouzla, “libéré” avec sa collègue le lendemain à 6 heures du matin. Tous les deux sont priés de revenir à 10 heures pour un complément d’enquête. Entre-temps, un communiqué du procureur du roi parvenu à la MAP annonce l’ouverture “d’une enquête minutieuse” sur le directeur d’Al Jarida Al Oula et la journaliste Bouchra Edaou pour avoir publié un article comportant “des faits mensongers et de fausses informations concernant la santé de Sa Majesté, et qui sont dénués de tout fondement”.
    Le second interrogatoire est plus long que le premier. Beaucoup plus long. Les deux journalistes vont être les hôtes de la PJ durant 40 heures. “C’était pénible, même si les enquêteurs nous ont toujours traités avec respect”. Cette fois-ci, les deux journalistes ne sont pas les seuls à avoir été “invités” par la police. Un médecin soupçonné d’être leur source, dont le nom a été retrouvé sur le téléphone d’Anouzla, est convoqué. Il reconnaît collaborer de temps en temps avec le quotidien arabophone mais nie être celui qui l’a “tuyauté” à propos de la maladie du roi. Il est finalement relâché. Tout comme Anouzla et Edaou, jeudi 3 septembre à 20 heures.

    A qui le tour ?

    Au moment où les deux journalistes d’Al Jarida Al Oula retrouvent leur liberté, les kiosquiers de nuit de la capitale reçoivent les hebdomadaires arabophones de la semaine. Deux d’entre eux, Al Ayam et Al Michaâl, consacrent leurs couvertures à la maladie du roi. Hasard ou coïncidence, les deux journaux ont opté pour le même titre : “La vérité sur la maladie de Mohammed VI”. Al Ayam y évoque les rumeurs sur la santé du roi et s’interroge sur la nature de sa maladie. Al Michaâl donne, pour sa part, la parole à un médecin qui explique la nature et les symptômes du rotavirus, ainsi qu’au journaliste espagnol Pedro Canales qui affirme que ses “sources médicales à Paris lui ont assuré que Mohammed VI était atteint d’une maladie incurable”.
    Samedi 5 septembre, à 18h30, Driss Chahtane, directeur de la publication d’Al Michaâl, est prié par téléphone de se rendre à 21 heures à la préfecture de police de Rabat, accompagné des journalistes Mustapha Hirane et Rachid Mhamid qui ont rédigé l’article incriminé. Quelques minutes plus tard, Maria Moukrim, rédactrice en chef d’Al Ayam, reçoit un appel de même nature. Elle est invitée à être accompagnée de son patron, Nourreddine Miftah, et de deux membres de la rédaction, Youssef Bajaja et Mohamed Saadouni. A l’heure indiquée, tout ce beau monde se retrouve donc au siège rbati de la police. Dépossédés de leurs téléphones portables et séparés les uns des autres, ils ont droit au même traitement que leurs confrères d’Al Jarida Al Oula. Durant 9 heures d’affilée, les sept journalistes sont interrogés pêle-mêle sur leur vie personnelle, leurs parcours professionnels, leurs voyages à l’étranger. Et sur les raisons qui les ont amenés à publier leur dossier sur la maladie du roi.

    Zizanie à tous les étages

    Chahtane raconte : “On nous accusait d’être de mauvaise foi, de vouloir semer la zizanie dans le pays”. Libérés dimanche à 6 heures du matin avec pour consigne de revenir à 11 heures, les sept journalistes apprennent que le parquet a ordonné à leur encontre, comme pour Al Jarida Al Oula, l’ouverture d’une enquête. A 11 heures, le groupe de journalistes auquel s’est joint Mustapha Mansour, d’Al Ayam, convoqué lui aussi, reprend place pour une nouvelle séance d’interrogatoire, légèrement différente de la précédente. “En plus des questions habituelles, ils nous ont demandé avec insistance pourquoi nous avons choisi telle photo, opté pour telle expression, ou tel titre, etc.”, raconte un des journalistes d’Al Ayam, libéré avec ses collègues le jour même à 18 heures. Quant à ses confrères d’Al Michaâl, ils ont dû patienter jusqu’au lendemain, lundi 7 septembre, à 1 heure du matin.
    Plus tard dans la journée, un communiqué du procureur du roi, diffusé par la MAP, donne une idée sur les intentions de l’Etat dans cette affaire : Ali Anouzla et Bouchra Edaou comparaîtront devant la justice le 29 septembre pour “délit de publication avec mauvaise intention, de fausse information, d’allégations et de faits mensongers”. Idem pour les 3 journalistes d’Al Michaâl, dont le procès est attendu le 1er octobre. Les 5 journalistes risquent des condamnations allant d’un à cinq ans de prison.


    Zoom. Des soutiens et… une critique


    L’affaire “Rotavirus” fait réagir. Forcément. L’AMDH a soutenu les journalistes incriminés, considérant que l’affaire est “un nouvel épisode dans la série d’ennuis que subit au quotidien la presse marocaine”. Le Syndicat national de la presse marocaine a envoyé pour sa part une lettre aux ministres de la Justice, de l’Intérieur et de la Communication dans laquelle il pointe du doigt “des conditions d’interrogatoire difficiles comme s’il s’agissait de criminels dangereux”. De l’étranger, en plus du soutien de Reporters Sans Frontières, les journalistes en question ont reçu le soutien du Committee to Protect Journalists qui a demandé aux autorités marocaines de mettre fin à la procédure en cours. Par ailleurs, la Fédération marocaine des médias a publié le 3 septembre un communiqué à contre-courant affirmant que “la sphère privée du souverain devient pour certains titres un véritable fonds de commerce”. En réaction, 4 directeurs de journaux (Abdellah Chankou, Mohamed Hafid, Abderrahim Ariri et Driss Chahtane) ont démissionné de l’instance présidée par Kamal Lahlou, n’ayant pas été consultés avant la publication de ce communiqué.

    TelQuel
    Dernière modification par Iska, 03 avril 2014, 12h32.
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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