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Depuis des années, le prince Moulay Hicham est le client attitré d’un cabinet d’avocats d’affaires suisse qui a fait du conseil aux évadés fiscaux fortunés une de ses plus lucratives spécialités.
Sa plaquette promotionnelle le présente sous les meilleurs atours : Clarence Peter, avocat d’affaires genevois spécialiste du private equity a conseillé aussi bien des investisseurs que des entrepreneurs de start-up. Son expertise fine lui permet de tailler un costume juridique adapté aux sociétés en phase de démarrage.
Des affaires dans les paradis fiscaux
Depuis de longues années, ce lauréat de la Georgetown University de Washington au milieu des années 80 a pris soin de tailler un costume à la mesure des ambitions d’un client de renom : le prince Moulay Hicham. De son étude familiale (Python et Peter Associés) située dans une batisse de pierre de taille au n°6 de la rue François-Bellot au cœur d’un des quartiers les plus cossus de Genève, Clarence Peter gère et fructifie avec un succès relatif la colossale fortune du prince. Il est de tous ses projets, de la création de sa fondation éponyme qu’il domicilie à Vaduz au Liechenstein, à l’investissement hasardeux dans la pisciculture dans les Emirats Arabes Unis ou dans des aventures sans lendemain dans la production d’énergie verte en Thaïlande. Rien n’est trop beau pour satisfaire aux caprices du prince qui en piètre businessman recherche avant tout des moyens de faire des affaires logées dans des paradis fiscaux. Un crédo qu’il affectionne, celui de ne payer que peu d’impôts même lorsqu’il s’agit de transactions au Maroc. En litige familial sur un terrain de 93 hectares dans la région de Rabat, Moulay Hicham souhaitait en effet déclarer, au moment de la séparation du bien, une valeur approchant les prix du marché afin de minimiser la plus-value qu'il réalisera lors d'une éventuelle cession, soumise à un impôt de 20 à 30%...
Fuite du pays et fuite des capitaux
Le cabinet Python & Peter est connu pour gérer dans la plus grande discrétion les affaires d’arbitrage sensibles entre Etats voyous (Iran et Israël par exemple) et entre multinationales aux dents longues. Mais lorsqu’il est sollicité par des grosses fortunes étrangères, c’est dans un but bien précis. Celui d’échapper au régime fiscal de leurs pays de résidence. On le sait, Moulay Hicham a quitté le Maroc en 2002 pour s’établir aux Etats-Unis. Pour fuir la critique, il a du inventer des histoires grotesques pour ne pas investir un clou dans le royaume et poussé des cris d’orfraie dans les colonnes de la presse qui le soutenait à l’époque, notamment Le Journal Hebdomadaire d’Aboubakr Jamaï qui a, ironie de l’histoire, été contraint des années après à mettre la clé sous la porte pour défaut de paiement d’arriérés d’impôts et de côtisations à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
Des ficelles pour échapper au fisc
Dans son article « La domiciliation des personnes fortunées étrangères : un seul lit pour plusieurs rêves » publiée dans la revue de la Fédération des avocats suisses en 2006, Philippe Kenel, autre membre du même cabinet, livre toutes les ficelles pour aider les évadés fiscaux à contourner l'obligation légale de résider au minimum 6 mois et un jour dans un canton suisse pour pouvoir bénéficier du forfait fiscal helvétique extrêmement avantageux. En 2012, il publie un ouvrage de 389 pages, une sorte de guide pour milliardaires qui passe en revue toutes les règles qui s’appliquent aux étrangers désireux de s’installer en Suisse. On y apprend notamment comment acheter un bien immobilier, obtenir la nationalité suisse ou encore faire reconnaître son permis de conduire grâce à des passe-passes juridiques où la morale n’a pas droit de cité. Kenel anime un blog dans le magazine suisse L’Hebdo. Dans une de ses tribunes, il fait l’apologie de l’évasion fiscale à la française en citant assez cyniquement le cas du chanteur Johnny Halliday : « Merci Johnny Hallyday, car vous avez démontré, par les actes, que le système suisse fonctionne ! ».
10 millions d’euros en cash
Moulay Hicham n’a pas besoin de papiers suisses, mais recourt systématiquement aux bons conseils de Clarence Peter pour des affaires souvent interlopes. L’une d’elles concerne encore une fois Le Journal Hebdomadaire. En 2006, alors criblés de dettes, la société MediaTrust (transformée illégalement en Trimédia) est en faillite. Les créanciers se bousculent à sa porte et les huissiers l’assignent à tour de bras. Le prince qui y trouve toujours tribune ouverte pour y raconter ses récits imaginaires tente de voler à son secours. Rendez-vous est pris à Genève dans les locaux du fameux cabinet Python & Peter. Là, l’avocat Clarence Peter reçoit le trio Aboubakr Jamaï, Ali Amar et l’assureur Fadel Iraki. Il leur propose une entrée au capital du prince pour les sortir de l’ornière. Le montage qu’il imagine est destiné à camoufler une participation de Moulay Hicham. 10 millions d’euros sont posés sur la table. Il s’agit alors de trouver un moyen de les faire transiter par l’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) dans un paradis fiscal au profit du Journal Hebdomadaire. Les actionnaires de la publication sont séduits par l’offre, mais les négociations achoppent sur la manière d’enfouir la transaction à travers des coquilles vides disséminées dans les places financières off-shore, sur le montant de l’investissement, et la part dans le capital à céder au prince.
Opération « Jus d’orange »
Quelques jours plus tard, Moulay Hicham reçoit les patrons du Journal Hebdomadaire dans les salons du Plaza Athénée à Paris pour clôturer le deal. La rencontre est tendue. Dépités, Jamaï et Iraki quittent l’hôtel et laissent le prince et Ali Amar en tête-à-tête. Selon des sources concordantes, Moulay Hicham a alors proposé à Ali Amar de revoir l’avocat Clarence Peter pour l’ouverture d’un compte off-shore au Crédit Agricole des Savoie à Annemasse sur la frontière franco-suisse pour le dépôt de l’argent en liquide. Nom de code de l’opération : « Jus d’orange ». Officiellement, ce compte devait recevoir les subsides reçus par Ali Amar de la part de Reporters Sans Frontières (RSF) en tant que correspondant de l’organisation au Maroc. Robert Ménard, maire assimilé FN de Béziers, est à l’époque secrétaire général de RSF. Il est mis dans la confidence. Il acquiesce, lui qui espérait aussi une aide financière du prince pour renflouer sa revue Medias qu’il venait de fonder avec sa compagne Emmanuelle Duverger. Une revue qui, comme Le Journal Hebdomadaire, allait faire faillite. La publication très droitiste avait souffert de sa réputation sulfureuse après la parution d'interviews de Jean-Marie Le Pen, de Marine Le Pen ou d'Alain Soral. L’opération « Jus d’orange » finira par tomber à l’eau, le prince ayant fait marche arrière à la dernière minute ayant bien compris qu’il ne pourrait pas davantage profiter d’un journal déjà moribond.
Benoit Alphand
Source: médiapart
Sa plaquette promotionnelle le présente sous les meilleurs atours : Clarence Peter, avocat d’affaires genevois spécialiste du private equity a conseillé aussi bien des investisseurs que des entrepreneurs de start-up. Son expertise fine lui permet de tailler un costume juridique adapté aux sociétés en phase de démarrage.
Des affaires dans les paradis fiscaux
Depuis de longues années, ce lauréat de la Georgetown University de Washington au milieu des années 80 a pris soin de tailler un costume à la mesure des ambitions d’un client de renom : le prince Moulay Hicham. De son étude familiale (Python et Peter Associés) située dans une batisse de pierre de taille au n°6 de la rue François-Bellot au cœur d’un des quartiers les plus cossus de Genève, Clarence Peter gère et fructifie avec un succès relatif la colossale fortune du prince. Il est de tous ses projets, de la création de sa fondation éponyme qu’il domicilie à Vaduz au Liechenstein, à l’investissement hasardeux dans la pisciculture dans les Emirats Arabes Unis ou dans des aventures sans lendemain dans la production d’énergie verte en Thaïlande. Rien n’est trop beau pour satisfaire aux caprices du prince qui en piètre businessman recherche avant tout des moyens de faire des affaires logées dans des paradis fiscaux. Un crédo qu’il affectionne, celui de ne payer que peu d’impôts même lorsqu’il s’agit de transactions au Maroc. En litige familial sur un terrain de 93 hectares dans la région de Rabat, Moulay Hicham souhaitait en effet déclarer, au moment de la séparation du bien, une valeur approchant les prix du marché afin de minimiser la plus-value qu'il réalisera lors d'une éventuelle cession, soumise à un impôt de 20 à 30%...
Fuite du pays et fuite des capitaux
Le cabinet Python & Peter est connu pour gérer dans la plus grande discrétion les affaires d’arbitrage sensibles entre Etats voyous (Iran et Israël par exemple) et entre multinationales aux dents longues. Mais lorsqu’il est sollicité par des grosses fortunes étrangères, c’est dans un but bien précis. Celui d’échapper au régime fiscal de leurs pays de résidence. On le sait, Moulay Hicham a quitté le Maroc en 2002 pour s’établir aux Etats-Unis. Pour fuir la critique, il a du inventer des histoires grotesques pour ne pas investir un clou dans le royaume et poussé des cris d’orfraie dans les colonnes de la presse qui le soutenait à l’époque, notamment Le Journal Hebdomadaire d’Aboubakr Jamaï qui a, ironie de l’histoire, été contraint des années après à mettre la clé sous la porte pour défaut de paiement d’arriérés d’impôts et de côtisations à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
Des ficelles pour échapper au fisc
Dans son article « La domiciliation des personnes fortunées étrangères : un seul lit pour plusieurs rêves » publiée dans la revue de la Fédération des avocats suisses en 2006, Philippe Kenel, autre membre du même cabinet, livre toutes les ficelles pour aider les évadés fiscaux à contourner l'obligation légale de résider au minimum 6 mois et un jour dans un canton suisse pour pouvoir bénéficier du forfait fiscal helvétique extrêmement avantageux. En 2012, il publie un ouvrage de 389 pages, une sorte de guide pour milliardaires qui passe en revue toutes les règles qui s’appliquent aux étrangers désireux de s’installer en Suisse. On y apprend notamment comment acheter un bien immobilier, obtenir la nationalité suisse ou encore faire reconnaître son permis de conduire grâce à des passe-passes juridiques où la morale n’a pas droit de cité. Kenel anime un blog dans le magazine suisse L’Hebdo. Dans une de ses tribunes, il fait l’apologie de l’évasion fiscale à la française en citant assez cyniquement le cas du chanteur Johnny Halliday : « Merci Johnny Hallyday, car vous avez démontré, par les actes, que le système suisse fonctionne ! ».
10 millions d’euros en cash
Moulay Hicham n’a pas besoin de papiers suisses, mais recourt systématiquement aux bons conseils de Clarence Peter pour des affaires souvent interlopes. L’une d’elles concerne encore une fois Le Journal Hebdomadaire. En 2006, alors criblés de dettes, la société MediaTrust (transformée illégalement en Trimédia) est en faillite. Les créanciers se bousculent à sa porte et les huissiers l’assignent à tour de bras. Le prince qui y trouve toujours tribune ouverte pour y raconter ses récits imaginaires tente de voler à son secours. Rendez-vous est pris à Genève dans les locaux du fameux cabinet Python & Peter. Là, l’avocat Clarence Peter reçoit le trio Aboubakr Jamaï, Ali Amar et l’assureur Fadel Iraki. Il leur propose une entrée au capital du prince pour les sortir de l’ornière. Le montage qu’il imagine est destiné à camoufler une participation de Moulay Hicham. 10 millions d’euros sont posés sur la table. Il s’agit alors de trouver un moyen de les faire transiter par l’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) dans un paradis fiscal au profit du Journal Hebdomadaire. Les actionnaires de la publication sont séduits par l’offre, mais les négociations achoppent sur la manière d’enfouir la transaction à travers des coquilles vides disséminées dans les places financières off-shore, sur le montant de l’investissement, et la part dans le capital à céder au prince.
Opération « Jus d’orange »
Quelques jours plus tard, Moulay Hicham reçoit les patrons du Journal Hebdomadaire dans les salons du Plaza Athénée à Paris pour clôturer le deal. La rencontre est tendue. Dépités, Jamaï et Iraki quittent l’hôtel et laissent le prince et Ali Amar en tête-à-tête. Selon des sources concordantes, Moulay Hicham a alors proposé à Ali Amar de revoir l’avocat Clarence Peter pour l’ouverture d’un compte off-shore au Crédit Agricole des Savoie à Annemasse sur la frontière franco-suisse pour le dépôt de l’argent en liquide. Nom de code de l’opération : « Jus d’orange ». Officiellement, ce compte devait recevoir les subsides reçus par Ali Amar de la part de Reporters Sans Frontières (RSF) en tant que correspondant de l’organisation au Maroc. Robert Ménard, maire assimilé FN de Béziers, est à l’époque secrétaire général de RSF. Il est mis dans la confidence. Il acquiesce, lui qui espérait aussi une aide financière du prince pour renflouer sa revue Medias qu’il venait de fonder avec sa compagne Emmanuelle Duverger. Une revue qui, comme Le Journal Hebdomadaire, allait faire faillite. La publication très droitiste avait souffert de sa réputation sulfureuse après la parution d'interviews de Jean-Marie Le Pen, de Marine Le Pen ou d'Alain Soral. L’opération « Jus d’orange » finira par tomber à l’eau, le prince ayant fait marche arrière à la dernière minute ayant bien compris qu’il ne pourrait pas davantage profiter d’un journal déjà moribond.
Benoit Alphand
Source: médiapart
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