Il ne passe pas un jour sans que la presse, au Maroc comme en Algérie, évoque, d’une façon ou d’une autre, la question des frontières terrestres maroco-algériennes, fermées depuis 20 ans.
On exagérera à peine en affirmant que leur ouverture, réclamée plus d’une fois par le roi Mohamed VI, est devenue une préoccupation majeure, sinon une obsession des autorités marocaines. En suscitant des pressions internationales directes et indirectes sur les autorités algériennes, elles espèrent leur faire accepter le principe d’une normalisation frontalière totale, qui n’a jamais pu s’accomplir depuis l’indépendance de l’Algérie, et, dans la foulée, les priver d’une de leurs cartes majeures dans le différend opposant les deux Etats sur l’avenir du Sahara occidental.
Depuis 1994, ces frontières n’ont été ouvertes qu’une seule fois, le 20 février 2009, pour laisser passer un convoi humanitaire britannique en route pour la bande de Ghaza. Après avoir été ravivé par l’annulation de l’obligation de visa pour circuler entre les deux pays (par le Maroc en 2004 et l’Algérie en 2005), l’espoir de leur réouverture s’est de nouveau éteint. Pour les autorités algériennes, «cette question n’est pas à l’ordre du jour», comme l’a réaffirmé le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, le 8 octobre dernier, dans une déclaration à la Radio d’Alger. La réouverture des frontières terrestres algéro-marocaines est devenue un leitmotiv du discours euro-américain sur la situation en Afrique du Nord. Et pour cause : si elle venait à se concrétiser, elle dessinerait pour les firmes européennes et américaines opérant au royaume chérifien l’horizon d’une conquête peu coûteuse du marché algérien.
Le constructeur automobile français Renault, qui possède à Tanger une grande usine entrée en production en février 2012 (170 000 véhicules / an en 2013 et 400 000 à moyen terme, dont 90% destinés à l’exportation), est une de ces firmes qui pourraient tirer profit de la normalisation frontalière algéro-marocaine. Il n’est pas peu probable que la libéralisation des échanges transfrontaliers permette à ce major de l’industrie française de satisfaire, depuis le territoire marocain — et non plus depuis la France ou la Roumanie comme c’est actuellement le cas — une demande automobile algérienne sans cesse croissante (ses ventes en Algérie ont atteint 113 378 véhicules en 2013). Il n’est pas non plus exclu que ce fut la perspective d’ouverture de ces frontières qui, entre autres raisons, l’a convaincu de se contenter, sur le territoire algérien, d’une minuscule usine qui produira 25 000 véhicules/an une fois achevée en 2014 et pas plus de 75 000 véhicules/an plus tard (soit 1/7e de la production de sa rivale marocaine à court terme et 1/5e à moyen terme).
L’économie marocaine : Des «contraintes géostratégiques»
Les autorités marocaines reconnaissent que les motivations de leur campagne pour la réouverture des frontières avec l’Algérie sont essentiellement économiques. En octobre dernier, le ministre marocain du Tourisme, Lahcen Haddad, a souligné ce que la non-intégration maghrébine coûte aux Etats du Maghreb, soit, selon lui, près de 2% de leur PIB annuellement. Les responsables marocains espèrent que la libération des mouvements des personnes entre les deux pays (dont bénéficierait principalement le secteur des services) puisse être rapidement suivie de la libération des mouvements des marchandises et des capitaux, qui ouvrirait aux entreprises marocaines des perspectives plus prometteuses que celles du marché intérieur.
L’économiste marocain, Fouad Abdelmoumni, a résumé ces espoirs dans une interview au magazine Tel Quel (2 juillet 2013) : «Grâce à la manne pétrolière et gazière cumulée ces dernières années, le Maghreb n’est pas une urgence pour l’Algérie. Ce n’est pas le cas du Maroc. S’il ne sort pas de ses contraintes géostratégiques, s’il ne fructifie pas la coopération économique régionale en cette période de crise mondiale, je ne vois pas comment il pourrait s’en sortir.» Ces «contraintes géostratégiques» sont l’exiguïté du marché domestique (34 millions d’habitants) et la forte dépendance des exportations marocaines des fluctuations de la situation financière dans l’Union européenne. Elles expliquent le désir de certains secteurs capitalistes marocains d’élargir leur champ d’action à un marché tout proche, de plus de 38 millions d’habitants, le marché algérien.
Ce désir est d’autant plus vif que le revenu moyen algérien est plus élevé que celui marocain (d’après la Banque mondiale, la part mensuelle de l’Algérien dans le PIB est de 283 dollars, contre 185 pour le Marocain) et que l’Algérie vit actuellement une véritable explosion de la consommation intérieure (triplement des dépenses des ménages entre 2000 et 2011). Il est difficile de parler des retombées positives sur l’économie marocaine de la normalisation frontalière avec l’Algérie sans parler du rêve des sociétés touristiques marocaines (et étrangères opérant au Maroc) d’attirer une partie des Algériens qui passent leurs vacances en Tunisie (955 000 en 2013).
On exagérera à peine en affirmant que leur ouverture, réclamée plus d’une fois par le roi Mohamed VI, est devenue une préoccupation majeure, sinon une obsession des autorités marocaines. En suscitant des pressions internationales directes et indirectes sur les autorités algériennes, elles espèrent leur faire accepter le principe d’une normalisation frontalière totale, qui n’a jamais pu s’accomplir depuis l’indépendance de l’Algérie, et, dans la foulée, les priver d’une de leurs cartes majeures dans le différend opposant les deux Etats sur l’avenir du Sahara occidental.
Depuis 1994, ces frontières n’ont été ouvertes qu’une seule fois, le 20 février 2009, pour laisser passer un convoi humanitaire britannique en route pour la bande de Ghaza. Après avoir été ravivé par l’annulation de l’obligation de visa pour circuler entre les deux pays (par le Maroc en 2004 et l’Algérie en 2005), l’espoir de leur réouverture s’est de nouveau éteint. Pour les autorités algériennes, «cette question n’est pas à l’ordre du jour», comme l’a réaffirmé le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, le 8 octobre dernier, dans une déclaration à la Radio d’Alger. La réouverture des frontières terrestres algéro-marocaines est devenue un leitmotiv du discours euro-américain sur la situation en Afrique du Nord. Et pour cause : si elle venait à se concrétiser, elle dessinerait pour les firmes européennes et américaines opérant au royaume chérifien l’horizon d’une conquête peu coûteuse du marché algérien.
Le constructeur automobile français Renault, qui possède à Tanger une grande usine entrée en production en février 2012 (170 000 véhicules / an en 2013 et 400 000 à moyen terme, dont 90% destinés à l’exportation), est une de ces firmes qui pourraient tirer profit de la normalisation frontalière algéro-marocaine. Il n’est pas peu probable que la libéralisation des échanges transfrontaliers permette à ce major de l’industrie française de satisfaire, depuis le territoire marocain — et non plus depuis la France ou la Roumanie comme c’est actuellement le cas — une demande automobile algérienne sans cesse croissante (ses ventes en Algérie ont atteint 113 378 véhicules en 2013). Il n’est pas non plus exclu que ce fut la perspective d’ouverture de ces frontières qui, entre autres raisons, l’a convaincu de se contenter, sur le territoire algérien, d’une minuscule usine qui produira 25 000 véhicules/an une fois achevée en 2014 et pas plus de 75 000 véhicules/an plus tard (soit 1/7e de la production de sa rivale marocaine à court terme et 1/5e à moyen terme).
L’économie marocaine : Des «contraintes géostratégiques»
Les autorités marocaines reconnaissent que les motivations de leur campagne pour la réouverture des frontières avec l’Algérie sont essentiellement économiques. En octobre dernier, le ministre marocain du Tourisme, Lahcen Haddad, a souligné ce que la non-intégration maghrébine coûte aux Etats du Maghreb, soit, selon lui, près de 2% de leur PIB annuellement. Les responsables marocains espèrent que la libération des mouvements des personnes entre les deux pays (dont bénéficierait principalement le secteur des services) puisse être rapidement suivie de la libération des mouvements des marchandises et des capitaux, qui ouvrirait aux entreprises marocaines des perspectives plus prometteuses que celles du marché intérieur.
L’économiste marocain, Fouad Abdelmoumni, a résumé ces espoirs dans une interview au magazine Tel Quel (2 juillet 2013) : «Grâce à la manne pétrolière et gazière cumulée ces dernières années, le Maghreb n’est pas une urgence pour l’Algérie. Ce n’est pas le cas du Maroc. S’il ne sort pas de ses contraintes géostratégiques, s’il ne fructifie pas la coopération économique régionale en cette période de crise mondiale, je ne vois pas comment il pourrait s’en sortir.» Ces «contraintes géostratégiques» sont l’exiguïté du marché domestique (34 millions d’habitants) et la forte dépendance des exportations marocaines des fluctuations de la situation financière dans l’Union européenne. Elles expliquent le désir de certains secteurs capitalistes marocains d’élargir leur champ d’action à un marché tout proche, de plus de 38 millions d’habitants, le marché algérien.
Ce désir est d’autant plus vif que le revenu moyen algérien est plus élevé que celui marocain (d’après la Banque mondiale, la part mensuelle de l’Algérien dans le PIB est de 283 dollars, contre 185 pour le Marocain) et que l’Algérie vit actuellement une véritable explosion de la consommation intérieure (triplement des dépenses des ménages entre 2000 et 2011). Il est difficile de parler des retombées positives sur l’économie marocaine de la normalisation frontalière avec l’Algérie sans parler du rêve des sociétés touristiques marocaines (et étrangères opérant au Maroc) d’attirer une partie des Algériens qui passent leurs vacances en Tunisie (955 000 en 2013).
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