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Le solaire, une énergie déjà rentable

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  • Le solaire, une énergie déjà rentable

    Le « projet Salvador » n'est pas un projet solaire tout à fait comme les autres. Signé il y a quelques mois au Chili par le groupe français Total (ou plus exactement par sa filiale américaine SunPower et ses partenaires), il porte sur la construction et l'exploitation d'une centrale photovoltaïque de 70 mégawatts (MW), dont l'électricité sera vendue… sur le marché spot. C'est-à-dire sans aucune subvention. Alors que se répand en Europe l'idée selon laquelle le poids des énergies renouvelables sur les finances publiques est de moins en moins supportable, les professionnels commencent à prouver que, dans certaines circonstances, le solaire est déjà rentable.

    Certes, le Chili est un cas un peu particulier. « L'ensoleillement y est l'un des meilleurs au monde et l'électricité y est assez chère, car essentiellement produite à partir de gaz naturel liquéfié importé : les prix spots atteignent environ 150 dollars [109 euros] le mégawattheure dans le nord du pays », explique Bernard Clément, directeur « business & operations » énergies nouvelles chez Total. Au point que le Chili est devenu un petit eldorado pour l'industrie. « Tout le monde s'y précipite : 2.000 mégawatts de nouvelles capacités y ont déjà été approuvés », avance Thierry Lepercq, fondateur de la PME française Solairedirect, qui a elle-même plusieurs projets dans le pays.

    Le Chili reste le seul pays à promouvoir ainsi le solaire « marchand ». Mais, dans bien d'autres régions du monde, le solaire sans subvention devient la norme. Des appels d'offres lancés par des Etats des énergéticiens ou même des industriels, se concluent à des prix très proches de ce que l'on appelle la « parité réseau » (c'est-à-dire le prix de l'électricité sur le marché de gros, hors coûts d'intégration au réseau). C'est peu ou prou le cas de contrats remportés en début d'année en Inde par EDF Energies Nouvelles, avec son partenaire Acme. « Nous regardons aussi le Brésil et le Chili, où nous travaillons sur des contrats bilatéraux avec des acteurs privés ou publics locaux », indique Carmelo Scalone, directeur des affaires nouvelles. Solairedirect devrait de même conclure avec des groupes cimentiers en Inde. Au Texas, l'américain SunEdison vient de proposer à l'énergéticien Austin Energy d'acheter son électricité solaire à moins de 50 dollars le MWh, un record historique à la baisse pour de l'énergie verte - même en tenant compte du crédit d'impôt de 30 dollars dont bénéficiera SunEdison.

    C'est que, en quelques années, les coûts de production de l'électricité solaire se sont littéralement effondrés. Les prix des panneaux photovoltaïques ont fondu de 80 % depuis 2008. Car les progrès « naturels », liés à la technologie, à l'expérience ou aux effets d'échelle, ont été brusquement accélérés par la crise de surcapacités qu'a subie le marché ces dernières années. Les milliards investis par la Chine dans de nouvelles capacités de production de panneaux solaires ont conduit à une guerre des prix mortifère. Les producteurs qui ont survécu ont dû s'adapter très vite pour ne pas subir le sort de ceux qui ont disparu : chasse aux coûts, amélioration des processus de production, augmentation du rendement des cellules photovoltaïques… « Le dumping chinois a forcé l'industrie à accélérer ses progrès : grâce à lui, le solaire sera compétitif cinq ans plus tôt que prévu », souligne un industriel.

    Les prix des panneaux solaires sont tombés autour de 45-55 centimes d'euro par watt sur le marché mondial. Parallèlement, les autres composantes de l'addition (onduleurs, équipements électriques, câbles, structure, installation), plus locales, ont elles aussi beaucoup baissé. Enfin, le coût du financement devient particulièrement compétitif. « La rentabilité des projets dépend aussi de l'ensoleillement. Il faut en outre que le système électrique soit ouvert aux producteurs indépendants, avec une vérité des prix de l'électricité », analyse Thierry Lepercq.

    De nombreux pays remplissent déjà ces conditions. Dans son dernier rapport sur le sujet, l'AIE (Agence internationale de l'énergie) a cité l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne du Sud, la Californie du Sud, l'Australie et le Danemark. Quelques mois plus tard, les industriels évoquent aussi, en vrac, le Mexique, l'Afrique du Sud, le Panama, la Thaïlande, la Turquie… « Au Moyen-Orient, il est également bien plus rentable de construire des centrales solaires que de brûler du pétrole pour produire de l'électricité, comme c'est le cas aujourd'hui, compte tenu du prix auquel le brut pourrait être exporté », ajoute Bernard Clément. Quant à la France, elle n'est plus si loin du but. « Nous pouvons produire à 70 euros le MWh dans le sud-est de l'Hexagone », avance Thierry Lepercq, pour qui le prix actuel de l'électricité sur le marché français (entre 35 et 50 euros le MWh) sera forcément appelé à augmenter.

    La liste va inéluctablement s'allonger. « Les coûts de production des panneaux vont encore baisser de 35 % dans les toutes prochaines années », avance Bernard Clément. D'autant que le marché mondial a recommencé à croître : les experts estiment qu'il passera de moins de 40 gigawatts (GW) installés en 2013, à environ 45 GW cette année, et 60 GW d'ici à quelques années. « Nous sommes entrés dans une phase d'industrialisation à grande échelle. Les efforts de productivité vont se poursuivre. Il ne restera ensuite plus qu'une étape à franchir : la gestion de l'intermittence », poursuit le dirigeant. Un obstacle qui pourrait être surmonté, grâce aux recherches sur le stockage de l'électricité et les réseaux intelligents, au cours de la prochaine décennie.
    Anne Feitz

    Journaliste au service Industrie des « Echos »


    Les points à retenir

    En quelques années, les coûts de production de l'électricité solaire se sont littéralement effondrés.

    Les progrès « naturels », liés à la technologie, à l'expérience ou aux effets d'échelle, ont été brusquement accélérés par la crise de surcapacités subie par le marché.

    Des appels d'offres, lancés par des Etats, des énergéticiens ou même des industriels, se concluent aujourd'hui à des prix très proches des niveaux observés sur le marché de gros.
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