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Au-delà de la contestation du 4° mandat de Bouteflika, les Algériens plaident la haute trahison

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  • Au-delà de la contestation du 4° mandat de Bouteflika, les Algériens plaident la haute trahison

    La contestation de la candidature du président sortant Abdelaziz Bouteflika aux présidentielles algériennes pour un quatrième mandat successif, semble articulée autour d’un non-dit, qui est à peine voilé dans l’expression de la conscience collective. Celui-ci semble se traduire par une contestation qui va au-delà d’une simple opposition à la reconduction du statu quo, qui découlerait d’une très forte probabilité de réélection de Bouteflika à un 4° mandat successif sur le compte d’une fraude électorale déjà entamée.

    Bien que le caractère urgent et prioritaire de la demande d’une transition du despotisme vers un régime démocratique apparaisse de fait s’inscrire dans un impératif universellement reconnu, qui est le recouvrement de la souveraineté législatrice du peuple, cela ne semble pas à priori suffire à atténuer la colère populaire et à couvrir les différents griefs attribués au pouvoir. Car, la nature du despotisme algérien et son expression depuis l’accès de l’Algérie à son indépendance nationale a favorisé dans l’imaginaire collectif, à propos des responsables ayant joué un rôle essentiel dans son système de pouvoir, une posture de haute trahison à l’égard des idéaux de la révolution de novembre 1954, que le recouvrement de la souveraineté populaire à elle seule ne saurait à priori satisfaire.

    Ce sentiment de haute trahison va se développer de façon exacerbée depuis l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika au pouvoir en 1999 à la tête d’une démocratie de façade, qui a été imposé illégitimement par ce système de pouvoir dont le centre de commandement se confond avec celui de l’armée. À partir de ce moment-là, la dérive vers la haute trahison va prendre des allures de fuite en avant, qui fait penser à la conduite d’une politique de terre brulée.

    En effet, sous la gouvernance de Bouteflika, le sous-sol algérien va être intensivement exploité, engrangeant des centaines de milliards de dollars, qui se sont évaporées entre des investissements de prestige et une partie non négligeable de cette somme faramineuse va se diluer dans la corruption au profit des membres du pouvoir et ses clients, en leur permettant d’amasser des fortunes colossales. Investies pour la plus grande part à l’étranger, à l’image des affaires Bouteflika dans la côte d’Azur et l’immense château acquis en Suisse. Délaissant la construction d’une économie productive et créatrice d’emploi, la fondation d’une école performante et formatrice d’un capital humain pouvant prendre en charge le développement de la société, d’un système de santé avec son capital humain et des équipements conséquents, pouvant garantir une politique sanitaire nationale intégré et ceci est valable pour tous les autres secteurs de la société. C’est dire, qu’aucun objectif parmi les idéaux de la révolution de novembre 1954 n’ont été réalisés. L’Algérie est toujours sous développée économiquement, politiquement et culturellement.

    Aujourd’hui, les Algériens sont traumatisés à l’idée qu’ils n’ont pas seulement été spoliés de leur souveraineté depuis l’indépendance nationale et d’avoir accusé un retard de développement économique et social. C’est toutes les réserves potentielles de développement qui ont été confisqués, par l’épuisement des richesses naturelles du sous-sol et son détournement au profit d’un pouvoir mafieux, laxiste et autiste, insensible aux préoccupations du peuple et du devenir de la Nation, en hypothéquant l’avenir même de plusieurs générations.

    Les Algériens se réveillent aujourd’hui avec une gueule de bois, qui leur fait prendre conscience d’un malaise plus grave encore que les conséquences dues aux sévices et aux privations des libertés qu’ils endurent depuis cinquante ans. Plus fort même que le désir de conquête de leur souveraineté. Il s’agit d’une indignation inconsolable, celle qui résulte du sentiment d’avoir été l’objet d’une traîtrise de la part d’un pouvoir qui s’est autoproclamé par la force des armes en tant que dépositaire exclusif de leur destin. La gravité de cette indignation est à la mesure de l’ampleur du désastre qui se découvre au grand jour, devant la dérive du pays et la déliquescence des institutions, qui sont parvenus à leur paroxysme. Un pouvoir opaque, caractérisé par une gestion mafieuse des deniers publics, organisé autour de la corruption et la dilapidation des richesses nationales. Un discours officiel articulé par le mensonge et la duperie. Une gouvernance arbitraire. Une économie productive, qui pourrait pallier le tarissement de la rente, inexistante. Un chômage endémique avec aucune perspective de création d’emploi pour les générations à venir. Une justice aux ordres. Un système éducatif inefficace. Un système de santé inopérant. Une culture réduite à une simple expression folklorique. Un cadre de vie, qui souffre de toutes sortes de manque de commodités. En un mot, la démission et l’abandon de l’intérêt général, compromettant dangereusement l’avenir de la population. Les Algériens semblent se réveiller avec un pays en faillite dans les bras et les auteurs de ce forfait continuent à faire le dos rond, profitant de l’accalmie provisoire pour achever le pillage de ce qui subsiste encore de pillable des richesses nationales. Accentuant encore plus l’indignation, au point que les martyrs de la guerre de libération n’ont jamais été aussi évoqués que pendant ces moments tragiques que traverse le pays. C’est tout un retour du refoulé qui vient inonder la conscience collective. En venant remémorer tous les sévices subis par ce peuple depuis son accès à l’indépendance nationale. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le langage de la rue ou sur les forums sociaux sur internet pour constater que les Algériens sont unanimes, ou presque, sur la consommation de la rupture avec le pouvoir qui est profonde et irréversible. Il s’agit d’une indignation inconsolable, qui se traduit par un désir irrationnel de vengeance contre les hommes du système de pouvoir et de tous ceux qui se sont compromis avec eux. Tous tenus pour responsables de cette abominable traîtrise.

    À tel point que, le temps de la rébellion contre la méprise de la fraude électorale, apparaît comme un passé révolu. Et que le rejet du 4° mandat de Bouteflika ne représente en vérité qu’un alibi pour exprimer ce refoulé collectif, et non pas en tant que réelle préoccupation du peuple à le considérer comme fin en soi, comme voudrait le faire croire une horde de prédateurs. Car les Algériens ne croient plus à la transition vers la légalité par les urnes. Ils semblent avoir dit leur dernier mot à ce propos, définitivement, aux dernières législatives de mai 2012, par un boycott massif sans précédent. La conscience collective en est définitivement imprégnée.

    Allez aux urnes, c’était pour eux, accepter le jeu de la soumission au pouvoir et légitimer sa domination et ses forfaits. C’était une humiliation et un déshonneur, qu’ils ne voulaient plus endurer. Car, le processus électoral a toujours fonctionné comme un leurre de consultation du peuple. Une méprise de plus, additionnée à cinquante ans de sévices de tous genres, que le pouvoir leur faisait subir. Ne pas allez aux urnes, c’était, lui signifier le rejet de sa domination et de son autorité et l’ouverture des hostilités. C’était, lui exprimer une dignité et un honneur retrouvé. C’était un désir de recouvrer sa souveraineté et de prendre son destin en main. À tel point que, toute proposition de transition vers la légalité par les urnes, aussi plausible soit-elle, est sitôt, brutalement rejetée et couverte de suspicion, voir, diabolisée et même, confiné au registre de la traîtrise pour ses auteurs.

    Aujourd’hui, au-delà de la demande populaire de recouvrement des libertés fondamentales, du développement économique et social et généralement de l’inscription de l’Algérie dans la contemporanéité du monde, les Algériens demandent plus qu’une transition du despotisme vers une normalisation de la vie politique. Dans l’expression du non-dit de leur refus de la reconduction du système de pouvoir despotique, c’est d’une transition morale que les Algériens appellent de leurs vœux. À ce point que : inconsolables, ils plaident la haute trahison.

    C’est de toute l’hypothèque de l’avenir de générations entières, par la dilapidation des richesses nationales, avec en prime les violences politiques subies depuis cinquante ans et le sort de milliers de disparus pendant la décennie rouge que les hommes du système de pouvoir devront répondre devant l’histoire et devant une justice ayant recouvert ses droits.

    Comment y parvenir, sans hypothéquer la paix civile, l’intégrité du territoire national et la souveraineté nationale ? Sachant que les hommes qui sont responsables de cette tragique situation ne sont pas prêts à se soumettre devant une justice indépendante et de répondre de toutes les violences qu’ils ont commises envers ce peuple et restituer les biens mal acquis qu’ils ont pu dérobé malhonnêtement. Comment peuvent-ils l’être, alors que cela signifierait pour eux la déchéance totale et la réclusion au band de l’humanité. Autrement, une solution négociée serait-elle plus sage au prix du sacrifice du devoir de justice. Dès lors que cette solution apparait la plus plausible, comment parvenir à résoudre cet autre dilemme : une refondation d’un État fort et d’une société sur des bases justes serait-elle envisageable sur les fondements d’un déni de justice ? La question reste entière !

    Youcef Benzatat
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