Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Algérie : Un système figé par des groupes d’intérêts

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Algérie : Un système figé par des groupes d’intérêts

    Le Monde
    Le président algérien Abdelaziz Bouteflika, à Alger, le 3 mars.
    Y a-t-il une alternative à Bouteflika ?

    Les Algériens étaient appelés aux urnes, jeudi 17 avril. Abdelaziz Bouteflika brigue un quatrième mandat à la tête d’un pays riche en hydrocarbures mais aux mains d’une oligarchie accusée de corruption. S’il fait figure de favori, le président sortant inspire peu d’espoir. Plus de vingt ans après la guerre civile, l’Algérie craint toujours le retour de la violence tout en souhaitant le changement. Le pays est-il à l’abri d’un « printemps arabe », alors qu’un mouvement de contestation, Barakat (« ça suffit »), émerge ? Comment sortir du statu quo et permettre un renouveau politique ?


    Lire aussi :
    Algérie : La société civile s’est réveillée La population dénie toute légitimité aux institutions de l'Etat, selaon Wael Hasnaoui, conseiller en communication à Algeret. Tous sur les lèvres: « Je me tire dès que je peux!» L'humiliation consume les âmes et les cœurs.
    Faisons revivre l’idéal de l’indépendance pour refonder l’Algérie L'écrivain Salah Guemriche, le peuple algérien n'a jamais cessé de relever la tête, et pour cela, il a payé le prix.

    Algérie : Le régime peut survivre à son président M. Bouteflika a usé et abusé de la légitimité mémorielle, issue de la guerre de libération et de la lutte antiterroriste, et de la culture glorifiant le passé et celle alimentant la peur, d'après la politologue Louisa Dris-Aït Hamadouche.
    Algérie : Changeons le pouvoir avant qu’il n’explose L’argument de la stabilité arboré par les défenseurs du quatrième mandat est un non-sens absolu, d'après le professeur d’économieRaouf Boucekkine.
    Depuis la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un quatrième mandat, un mouvement de contestation émerge sans parvenir à susciter une dynamique nationale. En fait, le fonctionnement du régime politique s’articule autour d’un triptyque : loyauté des groupes d’intérêt dans la défense du régime, production d’un récit national faisant de l’Algérie une victime potentielle permanente de complots ourdis par ses ennemis historiques, et sauvegarde de la manne financière issue de la vente des hydrocarbures.

    L'HYPOTHÈSE D’UN CHANGEMENT POLITIQUE

    Dans cette perspective, l’hypothèse d’un changement politique en Algérie ne dépend pas tant de la mobilisation de mouvements contestataires que des concessions négociées et acceptées par les acteurs dominants au sein des groupes d’intérêts. Les tensions actuelles sont le résultat d’une compétition au sein de ces groupes pour la prise de pouvoir. Le quatrième mandat de M. Bouteflika est l’occasion de recomposer des alliances et donc d’instaurer de nouvelles règles du jeu entre partenaires mais néanmoins rivaux.

    Afin de consolider leurs positions, ces groupes d’intérêts mettent en œuvre, au sein de l’Etat et de la société, des stratégies de captation de ressources et des pratiques clientélistes. Loin d’être rigide et cartellisé, le régime politique démontre sa capacité à se déployer et à réduire le risque d’une alternative préférable à son maintien. Son succès repose sur un contrôle en amont de l’offre politique : le régime exclut ou marginalise les partis et mouvements qui ne partagent pas le récit national, ou qui ne démontrent pas de preuves suffisantes de loyauté jusqu’à leur repentance et inclusion.

    Ces groupes d’intérêt partagent une vision commune de l’Algérie qui se résume en la croyance suivante : « Sans nous, ce pays sera détruit par les siens. » La violence de la guerre civile, il y a vingt ans, illustre à leurs yeux la faiblesse de la cohésion nationale. Aussi, ils se considèrent comme les protecteurs de l’Algérie postcoloniale.

    Le dispositif politique sur lequel s’appuient ces groupes est considérable. Il comprend le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND), mais aussi une kyrielle de petits partis qui, en fonction du contexte, se mobilisent.

    LES SOUTIENS À LA CANDIDATURE BOUTEFLIKA

    Sur le plan syndical, l’Union générale des travailleurs algériens et le Syndicat national autonome du personnel de l’administration publique soutiennent la candidature de M. Bouteflika. Avec 2 millions de salariés, l’Etat est le premier employeur. Ces syndicats soutiennent la présidence, car, entre 2000 et 2013, les dépenses publiques sont estimées à 500 milliards de dollars (361 milliards d’euros), une aubaine pour des fonctionnaires. De même, le groupe de lobbyistes que représente l’Association des moudjahidin est parvenu à tripler le montant des transferts aux anciens combattants : de 900 millions de dollars, en 2000, à 2,3 milliards, en 2013.

    La Fédération algérienne du patronat aussi a soutenu la candidature de M. Bouteflika. Les raisons sont simples : sur les 934 250 « entités économiques » (entreprises et commerces), 97 % sont composées de moins de neuf salariés. Seules 932 d’entre elles en ont plus de 250. Sur les 934 250 « entités économiques », 716 026, soit 76,6 %, ont été créées sous la présidence de M. Bouteflika et ont disposé des aides de l’Agence nationale des investissements et de l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes.

    Parmi les dirigeants d’entreprises publiques de plus de 250 salariés, la dépendance envers les pouvoirs est encore plus forte en raison de la non-transparence des offres de marché public. La police n’est pas en reste : ses effectifs s’élèvent à 200 000 hommes dotés de moyens considérables.

    Quant aux dépenses militaires, elles sont passées de 2,7 milliards de dollars, en 2000, à 10,8 milliards en 2012. L’Algérie est devenue le 8e acheteur d’armes au monde. L’armée a le beau rôle. Elle apparaît comme la seule institution rationnelle au sein de l’Etat.

    LA SOCIÉTÉ CIVILE SEMBLE PRÊTE À UNE RÉVOLUTION POLITIQUE

    Compte tenu de la faiblesse des autres institutions, elle ne connaît pas de contre-pouvoir et surtout, elle n’est soumise à aucun contrôle politique. Elle démontre une forte cohésion. Le discrédit des partis et la faiblesse des institutions la rendent davantage attractive.

    Changer les règles du jeu, en instaurant un gouvernement représentatif, nécessite un grand compromis et des partis capables de soutenir la transition. La société civile semble prête pour une telle révolution politique. Les partis et l’armée un peu moins, même si cette dernière prend un malin plaisir à entendre certains l’appeler à intervenir et à mettre fin à l’Algérie de Bouteflika.

    En fait, tant que les groupes d’intérêts disposeront de la manne des hydrocarbures, il est à craindre qu’aucune alternative préférable ne puisse s’imposer. Le problème est que ces groupes expriment et représentent une minorité « aristocratique » dans une Algérie paupérisée : 70 % de la population vit avec moins de 250 euros par mois.

    L’un des enjeux, pour les groupes d’intérêts, est d’élargir en permanence et au prix fort leur assise sociale et leurs soutiens politiques afin de contenir ou de réduire le risque d’une révolution.

    Luis Martines (Directeur de recherche au CERI-Sciences Po)
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
Chargement...
X