Les données sont une richesse. Les entreprises et les administrations s'en emparent pour personnaliser leurs produits ou leurs services.
Vous êtes agacé par ces pubs et ces promos qui vous poursuivent sur le web dès que vous avez consulté un site marchand ? Les commerçants en ligne qui vous souhaitent votre anniversaire par e-mail ou SMS vous irritent ? Vous n'avez encore rien vu ! Car voici que nous arrive des Etats-Unis la révolution du "big data".
Grâce au traitement de "données massives" rendu possible par des logiciels et des ordinateurs surpuissants, vous serez bientôt repéré, observé, ciblé, "profilé" dans tous les compartiments de votre existence. Une masse insoupçonnée d'informations qui vous concernent pourront être extraites, recoupées et analysées par votre banquier, votre assureur, vos fournisseurs de gaz et d'électricité, vos magasins et marques habituels... mais aussi par votre municipalité, votre caisse de Sécurité sociale ou votre direction des impôts.
Pour le meilleur ou pour le pire, vous deviendrez un "nuage" de données, sans cesse passé à la moulinette des algorithmes d'extraction (data mining). Autant que possible avec votre consentement, mais parfois à votre insu !
50 milliards d'objets connectés
La ruée sur les données est lancée. La matière première abonde, gonflée par l'inflation exponentielle des échanges numériques. 90% de la masse de données disponibles ont été créées ces deux dernières années, et leur volume, qui dépasse l'entendement, se mesure désormais en... "zettaoctets", soit 1021 octets. Cet océan d'infos est produit, chaque seconde, sur internet et ses réseaux sociaux, par les ordinateurs, les téléphones mobiles, les tablettes. Mais il s'agit aussi du déluge de données que génèrent les robots, appareils connectés et autres capteurs dont sont truffés les équipements industriels. Avions, voitures, radiateurs, téléviseurs, portes, portiques, frigos, chariots de supermarché, montres...
Les machines parlent aux machines. Il y aura plus de 50 milliards d'objets connectés sur la planète en 2020, selon Ericsson. "La Google Car sans chauffeur contient davantage d'électronique que la totalité du programme Appolo !", s'exclame Elias Baltassis, directeur Big Data& Analytics au Boston Consulting Group. Et les capacités de stockage (dans le cloud) et de traitement informatique des données massives ont progressé à l'envi.
Les données, une mine d'or
L'ère du "big data" s'est ouverte grâce à la conjonction des trois "v" : volume, vitesse et variété des données (statistiques, textes, photos, sons, vidéos...). Mais on peut y ajouter un autre "v" qui fait l'intérêt principal du phénomène aux yeux du business : la valeur, bien sûr, que les opérateurs entendent retirer de cette masse d'informations rendues fertiles par l'utilisation de logiciels faisant apparaître des corrélations jusqu'ici invisibles entre les données.
L'effet "big data", c'est un peu comme si les entreprises et les Etats découvraient tout à coup qu'elles étaient assises sur une mine d'or. Un vrai filon pour Paul Hermelin, PDG de Capgemini, chargé d'élaborer le plan "big data" français, avec François Bourdoncle, directeur technique des solutions Exalead de Dassault Systèmes. Capgemini réalise déjà 7% de son chiffre d'affaires sur ce métier.
Avant, on récoltait les données, et on s'en servait pour un objectif prédéfini. Maintenant, la multiplication des capacités de collecte et de stockage et la sophistication des outils de traitement ouvrent des possibilités inédites", résume Paul Hermelin.
Mais l'enjeu économique dépasse largement le seul secteur des technologies de l'information. Car les applications possibles ne sont limitées que par l'imagination et la loi. Les sorciers des données sont déjà capables de cartographier en temps réel les pandémies de grippe, de révéler des effets secondaires de médicaments, de prédire le meilleur moment pour acheter un billet d'avion ou même de conseiller des stratégies de jeu aux footballeurs !
Sans régulation adéquate, on mesure bien le potentiel de violation des libertés de cette révolution technologique. Le "big data" menace-t-il la liberté individuelle ? Aux Etats-Unis, la police de Chicago l'utilise déjà pour détecter les criminels en puissance. Et un père de famille américain a appris que sa fille était enceinte en tombant sur un message marketing ciblé qui lui était adressé... En France la législation Informatique et Libertés fait figure de rempart.
Mieux connaître le consommateur
En tout cas, l'exploitation de l'océan mondial des données devient cruciale pour les Etats, comme pour les entreprises. Car le "big data" est susceptible d'ouvrir de nouveaux marchés, de faire basculer des modèles d'affaires, et de brouiller les frontières de la concurrence. Les applications industrielles sont innombrables. "Les constructeurs de moteurs d'avions Pratt & Withney et General Electric, par exemple, vont utiliser le "big data" pour mesurer très précisément le degré d'usure de chaque pièce des moteurs qu'ils louent aux compagnies aériennes", explique Paul Hermelin. Une "maintenance prédictive" qui réduira leurs coûts, et évitera de mauvaises surprises à leurs clients.
Les entreprises qui entretiennent une relation trop distante avec leurs clients pourraient être balayées par cette lame de fond. "Les experts du "big data" sont susceptibles de s'attaquer à tous les métiers à forte marge qui n'ont pas optimisé leur relation client, analyse François Bourdoncle. Car seule une connaissance très fine du consommateur permet de mieux adapter l'offre à ses besoins et à son profil de risque." Exemple : l'assurance automobile. Jusqu'à présent, les assureurs pénalisent systématiquement les jeunes conducteurs. Mais ne serait-il pas plus juste de proposer des prix plus bas à ceux qui roulent le moins et qui conduisent le mieux ?
"Google connaît mieux la France que l'INSEE"
Les promoteurs du "big data" considèrent que les consommateurs seront enclins à se laisser observer si cette transparence leur permet de bénéficier d'offres sur mesure plus avantageuses. De même "les banquiers qui seront capables de proposer des prêts immobiliers à meilleur taux aux bons payeurs rafleront les clients les plus rémunérateurs", analyse Patrice Remeur, consultant et économiste au Conservatoire national des Arts et Métiers (Cnam).
A ce jeu, les titans du Net - Google, Amazon, Facebook et autres Twitter font figure de champions ! Eux qui brassent déjà des milliards de données ont inventé l'art du "big data". Et le déclinent sur un périmètre sans cesse croissant. Flairant un marché juteux, Google a déjà racheté une petite compagnie d'assurances et lancé un comparateur d'offres en Grande-Bretagne.
Le groupe américain aurait récemment rendu visite à un leader français du secteur, en lui expliquant que ses algorithmes feraient un meilleur job que ses propres courtiers. Pas faux : "Google connaît probablement mieux la France que l'Insee, ou tout au moins dispose des données qui le lui permettent", a récemment souligné Stéphane Grumbach, directeur de recherche à l'Institut national de Recherche en Informatique et en Automatique (Inria), dans une interview au site Data-Publica.
Les grands agrégateurs de données américains disposent de tous les ingrédients pour réussir le cocktail "bigdata" : une relation étroite avec l'usager, des serveurs et des logiciels qui aspirent massivement les données, des algorithmes pour les triturer... et des idées pour gagner de l'argent avec
Vous êtes agacé par ces pubs et ces promos qui vous poursuivent sur le web dès que vous avez consulté un site marchand ? Les commerçants en ligne qui vous souhaitent votre anniversaire par e-mail ou SMS vous irritent ? Vous n'avez encore rien vu ! Car voici que nous arrive des Etats-Unis la révolution du "big data".
Grâce au traitement de "données massives" rendu possible par des logiciels et des ordinateurs surpuissants, vous serez bientôt repéré, observé, ciblé, "profilé" dans tous les compartiments de votre existence. Une masse insoupçonnée d'informations qui vous concernent pourront être extraites, recoupées et analysées par votre banquier, votre assureur, vos fournisseurs de gaz et d'électricité, vos magasins et marques habituels... mais aussi par votre municipalité, votre caisse de Sécurité sociale ou votre direction des impôts.
Pour le meilleur ou pour le pire, vous deviendrez un "nuage" de données, sans cesse passé à la moulinette des algorithmes d'extraction (data mining). Autant que possible avec votre consentement, mais parfois à votre insu !
50 milliards d'objets connectés
La ruée sur les données est lancée. La matière première abonde, gonflée par l'inflation exponentielle des échanges numériques. 90% de la masse de données disponibles ont été créées ces deux dernières années, et leur volume, qui dépasse l'entendement, se mesure désormais en... "zettaoctets", soit 1021 octets. Cet océan d'infos est produit, chaque seconde, sur internet et ses réseaux sociaux, par les ordinateurs, les téléphones mobiles, les tablettes. Mais il s'agit aussi du déluge de données que génèrent les robots, appareils connectés et autres capteurs dont sont truffés les équipements industriels. Avions, voitures, radiateurs, téléviseurs, portes, portiques, frigos, chariots de supermarché, montres...
Les machines parlent aux machines. Il y aura plus de 50 milliards d'objets connectés sur la planète en 2020, selon Ericsson. "La Google Car sans chauffeur contient davantage d'électronique que la totalité du programme Appolo !", s'exclame Elias Baltassis, directeur Big Data& Analytics au Boston Consulting Group. Et les capacités de stockage (dans le cloud) et de traitement informatique des données massives ont progressé à l'envi.
Les données, une mine d'or
L'ère du "big data" s'est ouverte grâce à la conjonction des trois "v" : volume, vitesse et variété des données (statistiques, textes, photos, sons, vidéos...). Mais on peut y ajouter un autre "v" qui fait l'intérêt principal du phénomène aux yeux du business : la valeur, bien sûr, que les opérateurs entendent retirer de cette masse d'informations rendues fertiles par l'utilisation de logiciels faisant apparaître des corrélations jusqu'ici invisibles entre les données.
L'effet "big data", c'est un peu comme si les entreprises et les Etats découvraient tout à coup qu'elles étaient assises sur une mine d'or. Un vrai filon pour Paul Hermelin, PDG de Capgemini, chargé d'élaborer le plan "big data" français, avec François Bourdoncle, directeur technique des solutions Exalead de Dassault Systèmes. Capgemini réalise déjà 7% de son chiffre d'affaires sur ce métier.
Avant, on récoltait les données, et on s'en servait pour un objectif prédéfini. Maintenant, la multiplication des capacités de collecte et de stockage et la sophistication des outils de traitement ouvrent des possibilités inédites", résume Paul Hermelin.
Mais l'enjeu économique dépasse largement le seul secteur des technologies de l'information. Car les applications possibles ne sont limitées que par l'imagination et la loi. Les sorciers des données sont déjà capables de cartographier en temps réel les pandémies de grippe, de révéler des effets secondaires de médicaments, de prédire le meilleur moment pour acheter un billet d'avion ou même de conseiller des stratégies de jeu aux footballeurs !
Sans régulation adéquate, on mesure bien le potentiel de violation des libertés de cette révolution technologique. Le "big data" menace-t-il la liberté individuelle ? Aux Etats-Unis, la police de Chicago l'utilise déjà pour détecter les criminels en puissance. Et un père de famille américain a appris que sa fille était enceinte en tombant sur un message marketing ciblé qui lui était adressé... En France la législation Informatique et Libertés fait figure de rempart.
Mieux connaître le consommateur
En tout cas, l'exploitation de l'océan mondial des données devient cruciale pour les Etats, comme pour les entreprises. Car le "big data" est susceptible d'ouvrir de nouveaux marchés, de faire basculer des modèles d'affaires, et de brouiller les frontières de la concurrence. Les applications industrielles sont innombrables. "Les constructeurs de moteurs d'avions Pratt & Withney et General Electric, par exemple, vont utiliser le "big data" pour mesurer très précisément le degré d'usure de chaque pièce des moteurs qu'ils louent aux compagnies aériennes", explique Paul Hermelin. Une "maintenance prédictive" qui réduira leurs coûts, et évitera de mauvaises surprises à leurs clients.
Les entreprises qui entretiennent une relation trop distante avec leurs clients pourraient être balayées par cette lame de fond. "Les experts du "big data" sont susceptibles de s'attaquer à tous les métiers à forte marge qui n'ont pas optimisé leur relation client, analyse François Bourdoncle. Car seule une connaissance très fine du consommateur permet de mieux adapter l'offre à ses besoins et à son profil de risque." Exemple : l'assurance automobile. Jusqu'à présent, les assureurs pénalisent systématiquement les jeunes conducteurs. Mais ne serait-il pas plus juste de proposer des prix plus bas à ceux qui roulent le moins et qui conduisent le mieux ?
"Google connaît mieux la France que l'INSEE"
Les promoteurs du "big data" considèrent que les consommateurs seront enclins à se laisser observer si cette transparence leur permet de bénéficier d'offres sur mesure plus avantageuses. De même "les banquiers qui seront capables de proposer des prêts immobiliers à meilleur taux aux bons payeurs rafleront les clients les plus rémunérateurs", analyse Patrice Remeur, consultant et économiste au Conservatoire national des Arts et Métiers (Cnam).
A ce jeu, les titans du Net - Google, Amazon, Facebook et autres Twitter font figure de champions ! Eux qui brassent déjà des milliards de données ont inventé l'art du "big data". Et le déclinent sur un périmètre sans cesse croissant. Flairant un marché juteux, Google a déjà racheté une petite compagnie d'assurances et lancé un comparateur d'offres en Grande-Bretagne.
Le groupe américain aurait récemment rendu visite à un leader français du secteur, en lui expliquant que ses algorithmes feraient un meilleur job que ses propres courtiers. Pas faux : "Google connaît probablement mieux la France que l'Insee, ou tout au moins dispose des données qui le lui permettent", a récemment souligné Stéphane Grumbach, directeur de recherche à l'Institut national de Recherche en Informatique et en Automatique (Inria), dans une interview au site Data-Publica.
Les grands agrégateurs de données américains disposent de tous les ingrédients pour réussir le cocktail "bigdata" : une relation étroite avec l'usager, des serveurs et des logiciels qui aspirent massivement les données, des algorithmes pour les triturer... et des idées pour gagner de l'argent avec
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