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Grandeurs et misères de la France des Lumières

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  • Grandeurs et misères de la France des Lumières

    Aain Finkielkraut va rejoindre les vénérables sages de la prestigieuse Académie française. Le philosophe qui a une haute idée de la France, qui rejoint aussi et surtout une très haute idée de lui-même, le polémiste exalté qui croise le fer avec toute la fougue de l’homme qui déteste la contradiction, l’intellectuel emphatique et défenseur inconditionnel d’Israël qui prophétise le chaos social en important le conflit israélo-palestinien en France, a été élu au fauteuil de Félicien Marceau, à l’issue de joutes houleuses. La prestigieuse institution nous parle, nous rejetons de combattants pour la liberté, de rescapés, de survivants, de miraculés, nous avons été nourris aux grandes sagas de l’émancipation, des communards à l’assaut du ciel, d’Octobre et des trains blindés de la guerre civile, de la Longue Marche et de la Sierra de Teruel, des guerres de libération. La prestigieuse institution admet Alain Finkielkraut, comme elle a mis au banc la modernité et les modernistes, Descartes, Pascal ou Perrault, pour avoir critiqué l’Antiquité et défendu à raison le progrès des techniques et des sciences, et privilégié l’ennui que ces anciens peuvent provoquer auprès d’un public mondain et féminin.

    La prestigieuse maison dans sa quête de «pureté» de la langue, se déconnecte de son histoire et de ceux qui l’ont faite ces deux derniers siècles du moins.
    Nous sommes venus à la politique au cœur d’une séquence à forte intensité stratégique. Nous sommes venus à la politique quand l’histoire nous mordait la nuque. Nous sommes venus à la politique avec les confusions des désirs et des réalités. Pourtant, cette impatience juvénile qui avait sa part de vérité, nous poussait à tout repousser. Elle portait l’intuition d’un moment propice pour l’espoir ancré. Loin des désastres qui avaient été une fâcheuse parenthèse sur la voie triomphale du progrès, nous naissions dans un intermède propice, une sorte de sursis dans la course à la catastrophe annoncée. Cette part de vérité, hélas, n’a cessé de grandir depuis.
    C’est le sentiment d’un rendez-vous manqué, d’une perte peut-être irrémédiable, qui rôde derrière les paradis artificiels et les béatitudes superficielles de ce qu’est devenu l’héritage des Lumières. Soit donc les immortels comme marqueurs symboliques d’une triple crise annoncée : crise de l’historicité moderne, crise d’émancipation, crise de la critique, autrement dit, crise conjuguée de la critique des armes et des armes de la critique. Mais en même temps, cette sortie de l’histoire par la voie buissonnière du devenir n’est pas sans danger d’une régression ontologique, d’un pèlerinage aux sources de l’être, que Deleuze n’a cessé de récuser avec assiduité : «Ne plantez jamais», cherchant dans la conjonction énumérative du devenir la force nécessaire pour «déraciner le verbe être» au profit d’une «logique des relations» et des rapports.

    1) Le degré zéro de la pureté : Alain Finkielkraut rejoint la compagnie pour la pureté de la langue, pour la pureté de l’écrit. Je comprendrais cette admission si quelques académiciens, dont une académicienne, ne jugeaient pas le philosophe trop «réactionnaire», parlant d’une personnalité «clivante». La langue pure de l’Académie n’a pas retenu cet adjectif dans son dictionnaire. L’un d’entre eux est allé jusqu’à dire que c’était le lepénisme qui entrait sous la Coupole. Je comprendrais cette admission si les chantres de cette pureté de la langue éclairent ceux qui leur font confiance sur l’usage par le philosophe de l’expression «Français de souche», «directement empruntée au vocabulaire de l’extrême droite», après l’émission, Des Paroles et des Actes du jeudi 6 février. Je comprendrais cette admission si les honorables Sages nous expliqueraient ce qu’il n’y a pas à condamner dans le propos du philosophe quand il regrette que l’équipe de France ne soit pas assez « blanche », expliquant les conflits dans et autour de cette dernière par des divisions ethniques et religieuses.
    Il est clair que le philosophe, montrant sa morgue de caste et méprisant ceux qui ne parlent pas le français comme lui, oppose « la Cité » et les cités, assimilant ces dernières à la « caillera ». Il ne critique pas les footballeurs pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils sont, ce qui relève du racisme.

    2) Crise dans la pensée de Finkielkraut : Alain Finkielkraut est l’archétype même du philosophe qui se laisse aiguiller par son a priori (l’idée qu’il se fait de l’être français), pour philosopher. Loin d’accoucher d’une vérité préexistante à soi, sa pensée ne cherche simplement qu’à dénoncer un état de fait qu’il ne comprend pas. Même s’il a des jugements sur certains aspects négatifs de notre société qui sont réels, il n’en demeure pas moins déconnecté de la réalité, et ce au nom de principes directeurs (son idée de la laïcité, la galanterie, l’être français, l’identité française) qui faussent son jugement.
    Ultraconservateur dont la pensée est très marquée par l’anticommunisme des années 1980, il s’exprime sur la judaïté, le nationalisme, la modernité, la tradition, les «bienfaits» de la colonisation... les provocations verbales à propos de ce qu’il considère comme les «dérives» de l’antiracisme sont ses armes. Sa ligne directrice est explicite. Sa pensée présente une «idéologie rétrograde, identitaire, sur la base de lectures datées» ajoutant le mépris à la dénonciation de l’instrumentalisation qui serait faite de la mémoire d’Auschwitz.

    3) Conclure : Le plus grand reproche à la pensée d’Alain Finkielkraut, c’est croire et faire croire qu’il existerait une identité “naturelle” ou historique qui permettrait de qualifier les personnes et d’en déduire leurs valeurs, leurs croyances, leurs coutumes et leurs modes de pensée sont dépassés. De plus en plus les mondes et les conceptions du monde (Weltanschauung) auxquels chacun se rattache sont multiples, changeants et largement imaginaires. Ce sont en quelque sorte les enracinements dans une société de plus en plus mobile, changeante. Des enracinements successifs, ce qui d’une certaine manière décrit un enracinement dynamique collectif. Il faut prendre acte de cette diversité et de cette mobilité des identifications et des affiliations collectives. Elles peuvent être éphémères, changeantes, et sont largement émotionnelles et électives. Dès lors, se caractériser comme Français de souche ne devrait pas être considéré avec plus de sérieux que de revendiquer une origine «métisse», «provinciale», un attachement cosmopolite ou au contraire un enracinement paysan. Ce sont là les clés que les puristes académiciens auraient dû regarder de près avant de décider. Dans la pureté de ce qu’ils veulent préserver, ils ont introduit une impureté d’idées qui ne s’inscrit pas dans les vœux de Richelieu. Pour finir, on ne se lasserait pas de répéter ces mots de Pierre Messmer, sage et atteint de la maladie, ce qui ne l’empêcha d’accomplir sa mission: «O mort ! Vieux capitaine! Il est temps! Levons l’ancre! Ce pays nous ennuie, O mort, appareillons!». Parfois, Ce pays nous ennuie vraiment! (Extrait du discours de réception de Simone Weil à l’Académie française)

    libé
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