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Chine : le méga marché qui va dicter ses goûts à la planète

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  • Chine : le méga marché qui va dicter ses goûts à la planète

    Plus rien n'est fait en automobile sans que l'on se demande si cela plaira aux Chinois. Nos voitures de demain en seront changées.

    Pour avoir une idée précise de ce qu'est l'attrait des Chinois pour l'automobile, il suffit de braver les embouteillages de Pékin et de se rendre au Salon Auto China 2014. En alternance avec celui de Shanghai, ce salon est un indicateur sûr de l'activité automobile des prochains mois, voire de la prochaine décennie. Le marché local a depuis longtemps fait converger les appétits des constructeurs étrangers en souffrance, ceux des marques premium installées dans leurs certitudes et les nouveaux Tycoons chinois qui aimeraient bien prendre part à ce festin et monter sans tarder dans le train du XXIe siècle.

    Lorsqu'on observe la foule dense qui se presse dans les allées des cinq halls du nouveau parc des expositions, les plus sceptiques finissent par penser que cette poule aux oeufs d'or ne va pas cesser de pondre avant longtemps. Avec plus de 1,36 milliard de Chinois et "seulement" 84 millions de voitures individuelles en circulation, soit un taux d'équipement des ménages de 61 voitures pour 1 000 habitants, force est d'admettre qu'il y a une marge de progression colossale pour rejoindre un jour les 457 véhicules pour 1 000 habitants de la vieille Europe, ou les 627 pour 1 000 des États-Unis.

    Passer du XIXe au XXIe siècle

    Beaucoup s'y sont attelés avec une gourmandise non feinte. Car la grande différence avec les autres émergents est que les citoyens de la République populaire de Chine sont manifestement prêts à consommer les nouvelles technologies, brûlant d'un coup les étapes en faisant se côtoyer le XIXe et le XXIe siècle. Ce saut n'est pas dans le vide, car toute une nouvelle génération - celle de la banquette arrière qui a grandi dans la voiture des parents, les premiers acheteurs historiques - arrive à maturité.

    "Ils travaillent sept jours sur sept, mais s'amusent aussi sept jours sur sept. Ils n'ont qu'une seule idée, faire fortune et dépasser l'exemple des parents, dit Arnaud Ribault, le directeur de DS en Chine. Cela ne les dérange pas de contester le modèle parental installé de la berline tri-corps. Ils sont plus jeunes, veulent affirmer leur différence et s'ouvrent aux voitures à hayon et au SUV."

    De fait, c'est le segment qui explose en Chine, grignotant les positions acquises de la berline statutaire, sorte de caricature de voiture officielle du parti, seul engin qu'ils ont connu dans les années Mao. Abreuvés de ce modèle unique, ils n'ont pas même imaginé que d'autres engins terrestres pouvaient rouler, autres que les Jeep ou les engins militaires.


    Mais l'ouverture à l'économie de marché, la télévision et enfin Internet ont montré qu'il y avait des voitures autres que celles du régime, décalquant les américaines des années 60, mais sans leurs couleurs acidulées. Au rayon pompes funèbres, ce modèle empesé, tout noir, a généré la suprématie de la berline tri-corps grand public. Mais celle-ci est lentement mais sûrement grignotée par les jeunes consommateurs qui leur préfèrent des carrosseries moins conformistes. Les nouveaux acheteurs ont ici 35 ans en moyenne, contre 53 ans en Europe !

    Le dogme du tri-corps contesté

    Aujourd'hui, un salon de Pékin est un parcours harassant de la planète automobile où des milliers de Chinois se comportent comme dans une caverne d'Ali Baba. Le plus gros des nouveautés ici est constitué par ces carrosseries nouvelles pour lui, même si les constructeurs ne négligent pas le tri-corps.


    Pour résumer, il y a l'obsolescence réitérée des copies chinoises de modèles occidentaux, assez souvent affligeantes à l'exception notable de Qoros, qui est aussi le seul à se déclarer prêt à débarquer en Europe. Mais, pour le moment, on n'a rien vu venir. Malgré le sérieux (trop ?) de ces voitures, elles sont paradoxalement décalées à la fois en Europe et en Chine, pour les mêmes raisons, mais avec des effets opposés. Ce sera tout le défi à relever par les Chinois tentés par l'exportation, mais dont la plupart ne songent qu'à fabriquer pour l'immense marché intérieur.

    Lorsque celui-ci sera saturé, l'automobile aura sans doute été remplacée par un autre mode de transport plus propre et plus sûr tel que nous les promettent les récits d'anticipation. En attendant, la Chine tire la croissance mondiale avec un heureux à propos pour compenser les pertes enregistrées successivement aux États-Unis, en Europe et maintenant en Russie. Tout n'est pas parfait : les 14 % de hausse des ventes enregistrés en 2013 sur le marché intérieur devraient se tasser à seulement... 8 à 10 % en 2014, selon les pronostics convergents des experts. Mais ce coup de froid est tout relatif comparé aux 3 % pronostiqués pour le marché mondial cette année.

    Imitation pathétique

    Cette tectonique des marchés envoie des signaux d'alarme aux constructeurs historiques, mais ils sont tempérés par la faiblesse structurelle des constructeurs locaux - dont la capacité à inventer frise le pathétique. Imiter, oui ; inventer, non. Et les Chinois en sont toujours réduits à décalquer, en général assez grossièrement, le modèle occidental avec des technologies de la génération précédente.


    Les européennes et japonaises infiniment plus novatrices, non seulement en technologies embarquées, mais surtout en architectures, se plaisent à multiplier les dérivés où l'on voit, par exemple, un BMW proposer jusqu'à sept carrosseries différentes sur la même base de la Série 3. Audi, avec son curieux TT Concept, un coupé passé aux 4 portes, et Mercedes, avec son SUV de sport assez similaire dans une taille supérieure, ne sont pas loin d'en faire autant.



    L'inversion des rôles entre généralistes, qui cherchent à réduire le nombre de silhouettes comme PSA - voulant passer de 46 à 25 -, et les spécialistes, qui démultiplient à l'envi les formes de carrosseries, laisse perplexe sur cet échange des rôles habituellement admis. Carlos Tavares, dont c'était la première apparition publique à Pékin en tant que patron du groupe français, n'a pas pipé mot de son programme de réduction des formes de 45 à 26 pour les trois marques.


    Pourtant, en quelques minutes à Pékin, il en a lancé pas moins de quatre. Il a en effet participé aux révélations des nouvelles Peugeot 408 et DS 5LS et dévoilé les futurs crossovers Citroën C-XR et DS 6WR. Plutôt étonnant pour quelqu'un qui annonce le contraire, mais la Chine fait peut-être bande à part dans ce plan.


    On a bien compris que PSA doit réaliser des économies, mais sa recapitalisation stratégique de 3 milliards n'a aucune commune mesure avec les 48 milliards que compte investir Audi dans les cinq ans pour ses nouveaux modèles et technologies. Devant ce déferlement, PSA aura pour ses trois marques l'obligation d'offrir des nouveautés adaptées au marché, et en priorité ce qui lui manque le plus : des SUV et 4X4 dont les ventes ont doublé en 2013 pour atteindre 3 millions d'unités. C'est si vrai que Land Rover a flairé la bonne affaire et a vu ses ventes s'envoler de 30 % en 2013 en Chine. L'alternative "So British" face au trio allemand est une opportunité majeure qui conduira à l'ouverture d'une usine d'une capacité de 130 000 voitures en fin d'année avec son partenaire chinois Chery, alors que ses ventes sont de 95 000 voitures actuellement.


    La formule semble pouvoir fonctionner aussi à l'échelon inférieur et les Chevrolet Trax ou Peugeot 2008 seront rejoints en fin d'année par la Citroën C-XR. À l'état de concept très avancé comme le crossover plus grand de DS, la 6WR, ces créations réservées à la Chine sont sans beaucoup d'âme, comme si le constructeur aux chevrons, qui a amené à Pékin la DS du général de Gaulle, n'avait plus vraiment l'inspiration après la brillante démonstration du C4-Cactus. Mais bousculer les codes en Chine nécessite maintes précautions auprès d'une clientèle dont le goût classique n'a pas encore cassé les codes.



    En les attendant, PSA peut se féliciter d'avoir bouclé son partenariat avec Dongfeng, qui lui autorise un élargissement des programmes pour la Chine au moment où les ventes des constructeurs chinois se tassent à un plus bas historique à 39 % de parts de marché. Ceux-ci sont plus affectés que les marques étrangères et premium par les restrictions brutales d'attribution des plaques minéralogiques. Alors qu'elle est gratuite ou très accessible dans les villes plus modestes et les campagnes, à Shanghai, le prix d'une plaque attribuée à vie atteint l'équivalent de 10 000 euros, soit dix-huit mois d'un salaire moyen. Apparemment rédhibitoire, mais avec la politique de l'enfant unique, les familles sont constituées des parents, des grands-parents, et parfois même des oncles et tantes qui participent tous aux dépenses de l'automobile du foyer.

    Des marges préservées

    Les étrangers déploient tout leur prestige et leur réputation de qualité et de fiabilité, des atouts qui seront mis au service de Dongfeng pour lequel PSA concevra deux modèles. "Cette disposition nous permet de rentabiliser encore un peu plus nos plateformes", se réjouit le directeur de la marque Peugeot, Maxime Picat. Deux voitures, dont une voiture moyenne et une grande et élégante berline dessinée par le centre de style PSA de Shanghai, étaient ainsi présentées à Auto China. Elles seront commercialisées en 2015 pour la première et 2016 pour la seconde.

    De là à caresser l'idée d'élargir encore la coentreprise Dongfeng avec l'implantation d'une quatrième usine, il n'y a qu'un pas. À l'étude, celle-ci "pourrait être installée à Chengdu", dans le sud-ouest du pays, dit Grégoire Olivier, directeur de PSA Chine et Asean. "Avec quatre usines, on pourra passer des 650 000 voitures actuelles à 1,3 million en 2020, à condition de monter de 2 à 3 équipes", précise-t-il.


    Avec un nouveau modèle par marque et par an au programme, PSA va poursuivre l'essor des ventes (+ 14 % pour Citroën, + 18 % pour Peugeot en 2013), vise 25 % au moins en 2014, et va améliorer la marge située à 7 %. Car la Chine est le seul marché où le constructeur français ne perd pas d'argent actuellement. Tous les espoirs sont permis, d'autant que cette marge est de 15 % pour Nissan avec la même coentreprise Dongfeng, qui va bientôt travailler aussi avec Renault. Un chiffre que connaît fort bien Carlos Tavares, ancien dirigeant de Renault et... de Nissan.

    le point
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