Annonce

Réduire
Aucune annonce.

En Algérie, l'abstention plutôt que la «fitna»

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • En Algérie, l'abstention plutôt que la «fitna»

    Tout, sauf la fitna. Ce rejet du désordre, du chaos, est un puissant trait d'union entre tous les Algériens qui ont chèrement payé, dans un passé récent, le prix de leur révolte. Dix ans de guerre civile ont suivi le premier soulèvement du monde arabe, le 5 octobre 1988, provoquant la mort de 100 000 à 200 000 personnes. C'est donc quasiment avec soulagement que les Algériens, résignés, ont accueilli la réélection, pour un quatrième mandat, du président Abdelaziz Bouteflika. L'épreuve était passée. Tout, sauf la fitna.




    Le pouvoir algérien l'a bien compris, qui n'a cessé de jouer sur les peurs. Comment expliquer autrement le retour dans les rues d'Alger, devant des dizaines de journalistes, de policiers armés de fusils à pompe et la dispersion violente, le 16 avril, à la veille de l'élection présidentielle, d'une poignée de militants pacifiques opposés au quatrième mandat ? Jusqu'ici, on embarquait, on étouffait les manifestants sous le nombre des uniformes, on dispersait mais dans un rapport de force contenu, sans armes, selon une pratique du maintien de l'ordre théorisée par le patron de la sûreté nationale, le général Abdelghani Hamel, sous le vocable de « gestion démocratique des foules ». La « GDF » a changé de nature le 16 avril. Les images devaient être diffusées. Protester dans la rue, c'était le début de la fitna.


    Comment expliquer, aussi, la violence des attaques dont ont été la cible les militants du collectif Barakat (« Ça suffit ») ? A peine le groupe, très médiatisé mais au demeurant minoritaire, a-t-il été constitué le 22 février, que ses adhérents, simples citoyens ou intellectuels, se sont trouvés au centre d'une campagne haineuse lancée par des médias proches du pouvoir. Qualifiée de « juive » et d'agent « sioniste », l'une des figures de ce mouvement, Amira Bouraoui, 38 ans, gynécologue dans un hôpital public, a été vilipendée comme médecin opérant des avortements dans une clinique privée.
    Pour avoir soutenu Barakat en mettant à sa disposition un petit local, le directeur de la rédaction du quotidien Algérie News, Hamida Ayachi, s'est vu privé des recettes publicitaires publiques. « Barakat a créé la panique, parce que c'est un courant d'idées qui représente une alternative pour un projet progressiste hors système, juge ce patron atypique, romancier, qui n'a pas toujours été contre ce « système ». Et l'expérience douloureuse du “printemps arabe” a été exploitée par le camp du statu quo. » « Nous, en Algérie, on connaît bien les instruments utilisés dans le “printemps arabe” ! », a tonné Amar Saadani, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN, parti majoritaire) au lendemain du scrutin.


    L'argument a porté. Quelle que soit la réalité des résultats, contestés, de la présidentielle du 17 avril, quoi qu'en dise le rival éconduit Ali Benflis, les Algériens ont préféré Abdelaziz Bouteflika, élu avec 81,49 % des voix. Dans un pays aux 10 000 émeutes annuelles liées aux problèmes de logement ou d'emploi, cela peut paraître surprenant : l'assise électorale du président repose avant tout sur les classes les plus défavorisées.
    PARTIS POLITIQUES LAMINÉS
    Ces dernières n'ont pas oublié que, lorsque les choses ont mal tourné en Algérie, les habitants les plus pauvres sont restés quand une bonne partie de l'élite, elle, est partie. Aucun travail de terrain, aucun débat d'idées ne les a, depuis, associés. De compromis en compromission, les partis politiques ont été laminés. Les tentatives d'encadrer les mouvements sociaux, empêchées. « La société algérienne est livrée à elle-même », admet Mohamed Chafik Mesbah, ancien officier supérieur de l'armée et chroniqueur bien connu de la scène algérienne.
    La « stabilité » contre des « aventuriers et des comploteurs ». La formule d'Abdelmalek Sellal, ancien premier ministre, et directeur de campagne pour la troisième fois du candidat Bouteflika, n'a cessé d'être martelée. C'est dans cet esprit que le régime algérien a choisi, délibérément, de présenter le président votant, le 17 avril, dans un fauteuil roulant. On n'attaque pas, dans une société attachée au respect de l'aîné, surtout s'il est malade, un parent. Membre de la famille, on le protège. Président, on s'en accommode.
    Le pouvoir de l'argent a fait le reste. Des milliards de dinars ont été déboursés pour assurer la réélection du président Bouteflika par des entrepreneurs de l'ombre, dépendants des marchés publics et/ou des filières d'importation. Un seul d'entre eux, Slim Othmani, patron de Rouiba, numéro un des jus de fruits en Algérie, a osé se démarquer en claquant la porte du Forum des chefs d'entreprise, le Medef algérien, pour ne pas cautionner une élection confisquée. Bon nombre de ses pairs sont aujourd'hui devenus plus puissants que des généraux dont, quelques-uns, à la retraite, se sont fait les porte-voix de l'opposition. Une rupture, dans un régime qui, depuis l'indépendance, repose sur deux béquilles indissociables, civile et militaire.
    Leur incapacité à se mettre d'accord sur une succession concertée, tout comme l'apparition d'un régionalisme exacerbé par les tensions de la campagne, de la Kabylie aux Aurès, à l'est, jusqu'à Ghardaïa, au centre, sont pourtant des sources bien réelles de fitna. Dans ce contexte incertain, le pays a répondu de la manière la plus pacifique qui soit : moins d'un Algérien sur deux s'est rendu aux urnes. Avec, de part et d'autre en partage, le sentiment bien ancré de s'être donné un sursis.


    le monde
    بارد وسخون
    M.Alhayani
Chargement...
X