Longtemps, le point de vue des biologistes a servi à étayer les thèses socialement les plus réactionnaires. Ce n'est plus le cas aujourd'hui où de nouveaux chercheurs tirent des arguments émancipateurs de la zoologie ou de la génétique. Enquête
de l'adoption aux couples homosexuels, enseignement de la «théorie du genre», présence de livres comme Papa porte une robe dans les bibliothèques... Les polémiques se suivent avec, en toile de fond, un étrange mélange de croyance et de science qui jusqu'ici n'était pas dans les habitudes des milieux religieux.
La nouveauté, c'est en effet désormais que même des catholiques traditionalistes appellent la biologie au secours de l'ordre social. Le collectif Le Printemps français explique, par exemple, sur son site Internet que ce «qui fait l'appartenance d'un être à l'humanité», c'est «le fait biologique de naître d'un homme et d'une femme». Ignorer cette loi, ce serait «mettre en péril l'idée même des droits de l'homme» ! Ici mise au service des thèses les plus réactionnaires, cette rhétorique surfe pourtant sur le retour en France d'un biologisme qui, affranchi du cauchemar de la Seconde Guerre mondiale, se veut maintenant le garant des valeurs humanistes.
Un discours à la fois plus présentable et plus positif, à rebours des idées reçues sur le sujet. «Les essais d'application de schèmes biologisants à la compréhension du monde social ne seraient qu'un habillage de thèses au mieux néolibérales, au pis racistes, pour lesquelles seule en France la mouvance de la Nouvelle Droite se serait enthousiasmée», s'insurge le sociologue Sébastien Lemerle dans le Singe, le gène et le neurone (PUF). Son livre entend réfuter ce préjugé. Et il lève le voile sur l'existence d'un biologisme «de gauche» dans un pays moins réputé que les Etats-Unis pour donner du crédit aux explications naturelles des faits sociaux.
«Il a longtemps prévalu sur ces questions un lieu commun solidement ancré, selon lequel le monde intellectuel national serait allergique à tout réductionnisme de ce type, pour des raisons à la fois culturelles, philosophiques et politiques», signale l'auteur. La France n'est pourtant pas en reste. Réduction de l'identité sexuelle aux chromosomes, de la violence aux neurones, de l'attractivité des femmes à leur fertilité, des leaders à leur cerveau, des traders à leurs hormones... Depuis quelques décennies, ces comportements et émotions sont l'objet de toutes les attentions. En particulier le thème de l'«empathie», qui a envahi ces dernières années les tables des librairies.
DES ANIMAUX MORAUX
De plus en plus d'ouvrages s'attachent ainsi à révéler le vrai visage de l'être humain, qui serait moins «programmé» pour tuer son prochain que pour collaborer avec lui. Le droit du plus fort est ainsi concurrencé par une autre théorie évolutionniste venue des Etats-Unis selon laquelle, dans l'aimable tribu des hommes, les gentils l'emportent sur les méchants.
C'est ce qu'affirme avec force le primatologue américano-néerlandais Frans de Waal dans un ouvrage récemment traduit, le Bonobo, Dieu et nous. A la recherche de l'humanisme chez les primates (Les Liens qui libèrent), convaincu que les individus sont des animaux moraux. N'en déplaise à Stanley Kubrick, qui filmait un hominidé se servant du fémur d'un zèbre comme d'une matraque dans 2001 : l'Odyssée de l'espace, nous devrions cet altruisme à nos frères les grands singes.
«Il est aujourd'hui largement admis que, dans notre corps et notre esprit, nous sommes faits pour vivre ensemble et prendre soin les uns des autres, et que les humains ont une tendance naturelle à juger les autres en termes moraux. Loin d'être un mince vernis, la morale nous vient de l'intérieur. Elle fait partie intégrante de notre biologie», affirme Frans de Waal. Fini les théories sur la compétition, place à la coopération.
C'est également le point de vue développé par la biologiste américaine Joan Roughgarden, qui bat en brèche, dans le Gène généreux. Pour un darwinisme coopératif (Seuil), la supposée «guerre des sexes», préférant mettre en avant le travail d'équipe entre partenaires. Quant aux neurosciences, elles montrent désormais que les cerveaux sont câblés pour ressentir la douleur des autres et que des zones de satisfaction s'activent lorsque nous sommes généreux.
Au fil de ces découvertes, la France est en train de se laisser, elle aussi, gagner par l'idée d'une aptitude naturelle à la bonté. «Sommes-nous tous naturellement bons ?» interrogeait ainsi Psychologies Magazine lors de la sortie du livre de Jacques Lecomte, la Bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité (Odile Jacob), s'appuyant en grande partie sur les progrès de l'imagerie cérébrale.
Dans les années 70, ces discours pacifiques étaient plus teintés de politique. Les arguments scientifiques entendaient parfois se mettre au service de causes plus «progressistes». Des experts tentaient alors de peser dans les débats publics, à l'image de Jacques Monod, qui n'hésitait pas à tirer argument du comportement des loups pour légitimer le combat contre la peine de mort : «Entre ces deux bêtes féroces, ivres de haine déchaînée, le combat ne se termine jamais par la mort du vaincu. Il est toujours, invariablement, épargné à la dernière minute grâce à un réflexe instinctif qui interdit au plus fort de porter le coup mortel, la morsure qui ouvrirait l'artère.»
UN "DÉSORDRE NATUREL"
Et, pour défendre le droit à l'avortement, il décrivait au procès de Bobigny en 1972 l'absence d'activité du système nerveux central chez un fœtus de quelques semaines, récusant ainsi le terme d'«infanticide». «L'un des meilleurs exemples de cet intérêt à gauche réside dans la constitution en décembre 1968 d'un groupe de réflexion interdisciplinaire, plus connu sous le nom de "Groupe des dix", rassemblant spécialistes des sciences de la vie, spécialistes des sciences de l'homme et hommes politiques», écrit Sébastien Lemerle.
Il précise : «Le pacifisme, le souci écologique et la lutte pour l'émancipation des femmes étaient des débouchés politiques habituels des tenants d'un biologisme "de gauche" au début des années 70.»
Qu'est devenu, quarante ans plus tard, ce projet émancipateur ? L'intérêt pour la biologie est passé de mode dans les sphères du pouvoir, mais cette science professe pourtant plus que jamais des vérités qui viennent contrebalancer les théories les plus réactionnaires. La nature ne serait ni égoïste, ni violente, ni raciste, ni sexiste, ni homophobe. Elle est même tout le contraire, nous disent certains.
Ainsi un collectif de biologistes et de philosophes s'est-il insurgé contre les arguments droitiers des membres de la Journée de retrait de l'école, début 2014, qui reprochaient à l'Education nationale de vouloir introduire la notion de «genre» dans les enseignements. En mars dernier, ces chercheurs ont, à rebours, publié une tribune dans les colonnes du Monde, dans laquelle ils expliquent que «la biologie, en particulier la biologie de l'évolution, suggère plutôt l'existence d'un "désordre naturel", résultant de l'action du hasard et de la sélection naturelle. Elle nous révèle une forte diversité des comportements, qu'ils soient ou non sexués : dans la nature, les orientations et pratiques sexuelles, les modes de reproduction et les stratégies parentales sont incroyablement variés».
La critique des normes dominantes prend ainsi des chemins buissonniers : aux explications socioculturelles s'ajoutent des arguments pris par exemple chez les crapauds accoucheurs, dont le mâle porte les œufs sur son dos et s'en occupe jusqu'à éclosion, ou chez les mérous, qui changent de sexe au cours de leur vie. Preuve, selon eux, que tous les comportements sont dans la nature.
Le chercheur belge Jacques Balthazart, auteur de Biologie de l'homosexualité (Mardaga), ose, quant à lui, une théorie plus controversée, relayée dans la revue Books : innée, cette orientation sexuelle serait le résultat de facteurs génétiques et d'un déséquilibre hormonal durant la vie embryonnaire. Conclusion : ce n'est pas la faute des homos puisqu'ils sont nés comme ça...
Par un tour de passe-passe, les différences génétiques qui justifiaient autrefois les inégalités sont ici mises au service de l'égalité. Mieux, elles peuvent devenir une qualité. Alors que les idéologues racistes réduisent les Noirs à leurs performances athlétiques, le champion américain Michael Johnson a fait de ce stigmate une force. «Même si c'est difficile à entendre, l'esclavage a bénéficié aux descendants comme moi, expliquait-il au Daily Mail à l'occasion des jeux Olympiques de Londres, en juillet 2012. Je pense qu'il y a un gène athlétique supérieur en nous.» Une aptitude naturelle à la course qui serait, en somme, un héritage des conditions de survie extrêmes auxquelles étaient exposés les esclaves d'Afrique de l'Ouest et un effet de la sélection à laquelle ils étaient soumis par les trafiquants avant d'être envoyés dans les Amériques.
Cette théorie, à ne pas laisser entre les mains de l'extrême droite, n'alarme pas le célèbre généticien français Axel Kahn : «Il n'y a pas plus de problème éthique à avancer cette hypothèse que celle selon laquelle des déterminants génétiques interviennent dans le fait que les Suédois sont, en moyenne, plus grands et plus costauds que les Pygmées»*. De nos jours, génétiquement différent n'est donc plus synonyme de dégénéré.
Redonner foi dans la vie
Faut-il s'inquiéter du retour de ces explications biologiques, ou voir en elles l'avenir de la gauche ? Et donner ainsi raison à l'altermondialiste Susan George, qui s'en servait au début des années 2000 pour démontrer que le capitalisme était contre nature, ou encore à ceux pour qui l'organisme humain constitue le modèle même d'une société apaisée ? Voilà, quoi qu'il en soit, une croyance moderne bien pratique en période de crise, capable de répondre aux inquiétudes contemporaines et de redonner foi en la vie.
Attention, toutefois, le chemin peut être très glissant. A trop mettre l'accent sur l'inné, on peut en effet en arriver à «nier les rapports socioculturels, de sexe et de classe», nous confie Sébastien Lemerle. Le risque de ce type d'approches, c'est bien sûr de justifier ce qui est. Ni plus ni moins. m.r.
* Cité par Jean-Philippe Leclaire dans Pourquoi les Blancs courent moins vite (Grasset, 2012).
de l'adoption aux couples homosexuels, enseignement de la «théorie du genre», présence de livres comme Papa porte une robe dans les bibliothèques... Les polémiques se suivent avec, en toile de fond, un étrange mélange de croyance et de science qui jusqu'ici n'était pas dans les habitudes des milieux religieux.
La nouveauté, c'est en effet désormais que même des catholiques traditionalistes appellent la biologie au secours de l'ordre social. Le collectif Le Printemps français explique, par exemple, sur son site Internet que ce «qui fait l'appartenance d'un être à l'humanité», c'est «le fait biologique de naître d'un homme et d'une femme». Ignorer cette loi, ce serait «mettre en péril l'idée même des droits de l'homme» ! Ici mise au service des thèses les plus réactionnaires, cette rhétorique surfe pourtant sur le retour en France d'un biologisme qui, affranchi du cauchemar de la Seconde Guerre mondiale, se veut maintenant le garant des valeurs humanistes.
Un discours à la fois plus présentable et plus positif, à rebours des idées reçues sur le sujet. «Les essais d'application de schèmes biologisants à la compréhension du monde social ne seraient qu'un habillage de thèses au mieux néolibérales, au pis racistes, pour lesquelles seule en France la mouvance de la Nouvelle Droite se serait enthousiasmée», s'insurge le sociologue Sébastien Lemerle dans le Singe, le gène et le neurone (PUF). Son livre entend réfuter ce préjugé. Et il lève le voile sur l'existence d'un biologisme «de gauche» dans un pays moins réputé que les Etats-Unis pour donner du crédit aux explications naturelles des faits sociaux.
«Il a longtemps prévalu sur ces questions un lieu commun solidement ancré, selon lequel le monde intellectuel national serait allergique à tout réductionnisme de ce type, pour des raisons à la fois culturelles, philosophiques et politiques», signale l'auteur. La France n'est pourtant pas en reste. Réduction de l'identité sexuelle aux chromosomes, de la violence aux neurones, de l'attractivité des femmes à leur fertilité, des leaders à leur cerveau, des traders à leurs hormones... Depuis quelques décennies, ces comportements et émotions sont l'objet de toutes les attentions. En particulier le thème de l'«empathie», qui a envahi ces dernières années les tables des librairies.
DES ANIMAUX MORAUX
De plus en plus d'ouvrages s'attachent ainsi à révéler le vrai visage de l'être humain, qui serait moins «programmé» pour tuer son prochain que pour collaborer avec lui. Le droit du plus fort est ainsi concurrencé par une autre théorie évolutionniste venue des Etats-Unis selon laquelle, dans l'aimable tribu des hommes, les gentils l'emportent sur les méchants.
C'est ce qu'affirme avec force le primatologue américano-néerlandais Frans de Waal dans un ouvrage récemment traduit, le Bonobo, Dieu et nous. A la recherche de l'humanisme chez les primates (Les Liens qui libèrent), convaincu que les individus sont des animaux moraux. N'en déplaise à Stanley Kubrick, qui filmait un hominidé se servant du fémur d'un zèbre comme d'une matraque dans 2001 : l'Odyssée de l'espace, nous devrions cet altruisme à nos frères les grands singes.
«Il est aujourd'hui largement admis que, dans notre corps et notre esprit, nous sommes faits pour vivre ensemble et prendre soin les uns des autres, et que les humains ont une tendance naturelle à juger les autres en termes moraux. Loin d'être un mince vernis, la morale nous vient de l'intérieur. Elle fait partie intégrante de notre biologie», affirme Frans de Waal. Fini les théories sur la compétition, place à la coopération.
C'est également le point de vue développé par la biologiste américaine Joan Roughgarden, qui bat en brèche, dans le Gène généreux. Pour un darwinisme coopératif (Seuil), la supposée «guerre des sexes», préférant mettre en avant le travail d'équipe entre partenaires. Quant aux neurosciences, elles montrent désormais que les cerveaux sont câblés pour ressentir la douleur des autres et que des zones de satisfaction s'activent lorsque nous sommes généreux.
Au fil de ces découvertes, la France est en train de se laisser, elle aussi, gagner par l'idée d'une aptitude naturelle à la bonté. «Sommes-nous tous naturellement bons ?» interrogeait ainsi Psychologies Magazine lors de la sortie du livre de Jacques Lecomte, la Bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité (Odile Jacob), s'appuyant en grande partie sur les progrès de l'imagerie cérébrale.
Dans les années 70, ces discours pacifiques étaient plus teintés de politique. Les arguments scientifiques entendaient parfois se mettre au service de causes plus «progressistes». Des experts tentaient alors de peser dans les débats publics, à l'image de Jacques Monod, qui n'hésitait pas à tirer argument du comportement des loups pour légitimer le combat contre la peine de mort : «Entre ces deux bêtes féroces, ivres de haine déchaînée, le combat ne se termine jamais par la mort du vaincu. Il est toujours, invariablement, épargné à la dernière minute grâce à un réflexe instinctif qui interdit au plus fort de porter le coup mortel, la morsure qui ouvrirait l'artère.»
UN "DÉSORDRE NATUREL"
Et, pour défendre le droit à l'avortement, il décrivait au procès de Bobigny en 1972 l'absence d'activité du système nerveux central chez un fœtus de quelques semaines, récusant ainsi le terme d'«infanticide». «L'un des meilleurs exemples de cet intérêt à gauche réside dans la constitution en décembre 1968 d'un groupe de réflexion interdisciplinaire, plus connu sous le nom de "Groupe des dix", rassemblant spécialistes des sciences de la vie, spécialistes des sciences de l'homme et hommes politiques», écrit Sébastien Lemerle.
Il précise : «Le pacifisme, le souci écologique et la lutte pour l'émancipation des femmes étaient des débouchés politiques habituels des tenants d'un biologisme "de gauche" au début des années 70.»
Qu'est devenu, quarante ans plus tard, ce projet émancipateur ? L'intérêt pour la biologie est passé de mode dans les sphères du pouvoir, mais cette science professe pourtant plus que jamais des vérités qui viennent contrebalancer les théories les plus réactionnaires. La nature ne serait ni égoïste, ni violente, ni raciste, ni sexiste, ni homophobe. Elle est même tout le contraire, nous disent certains.
Ainsi un collectif de biologistes et de philosophes s'est-il insurgé contre les arguments droitiers des membres de la Journée de retrait de l'école, début 2014, qui reprochaient à l'Education nationale de vouloir introduire la notion de «genre» dans les enseignements. En mars dernier, ces chercheurs ont, à rebours, publié une tribune dans les colonnes du Monde, dans laquelle ils expliquent que «la biologie, en particulier la biologie de l'évolution, suggère plutôt l'existence d'un "désordre naturel", résultant de l'action du hasard et de la sélection naturelle. Elle nous révèle une forte diversité des comportements, qu'ils soient ou non sexués : dans la nature, les orientations et pratiques sexuelles, les modes de reproduction et les stratégies parentales sont incroyablement variés».
La critique des normes dominantes prend ainsi des chemins buissonniers : aux explications socioculturelles s'ajoutent des arguments pris par exemple chez les crapauds accoucheurs, dont le mâle porte les œufs sur son dos et s'en occupe jusqu'à éclosion, ou chez les mérous, qui changent de sexe au cours de leur vie. Preuve, selon eux, que tous les comportements sont dans la nature.
Le chercheur belge Jacques Balthazart, auteur de Biologie de l'homosexualité (Mardaga), ose, quant à lui, une théorie plus controversée, relayée dans la revue Books : innée, cette orientation sexuelle serait le résultat de facteurs génétiques et d'un déséquilibre hormonal durant la vie embryonnaire. Conclusion : ce n'est pas la faute des homos puisqu'ils sont nés comme ça...
Par un tour de passe-passe, les différences génétiques qui justifiaient autrefois les inégalités sont ici mises au service de l'égalité. Mieux, elles peuvent devenir une qualité. Alors que les idéologues racistes réduisent les Noirs à leurs performances athlétiques, le champion américain Michael Johnson a fait de ce stigmate une force. «Même si c'est difficile à entendre, l'esclavage a bénéficié aux descendants comme moi, expliquait-il au Daily Mail à l'occasion des jeux Olympiques de Londres, en juillet 2012. Je pense qu'il y a un gène athlétique supérieur en nous.» Une aptitude naturelle à la course qui serait, en somme, un héritage des conditions de survie extrêmes auxquelles étaient exposés les esclaves d'Afrique de l'Ouest et un effet de la sélection à laquelle ils étaient soumis par les trafiquants avant d'être envoyés dans les Amériques.
Cette théorie, à ne pas laisser entre les mains de l'extrême droite, n'alarme pas le célèbre généticien français Axel Kahn : «Il n'y a pas plus de problème éthique à avancer cette hypothèse que celle selon laquelle des déterminants génétiques interviennent dans le fait que les Suédois sont, en moyenne, plus grands et plus costauds que les Pygmées»*. De nos jours, génétiquement différent n'est donc plus synonyme de dégénéré.
Redonner foi dans la vie
Faut-il s'inquiéter du retour de ces explications biologiques, ou voir en elles l'avenir de la gauche ? Et donner ainsi raison à l'altermondialiste Susan George, qui s'en servait au début des années 2000 pour démontrer que le capitalisme était contre nature, ou encore à ceux pour qui l'organisme humain constitue le modèle même d'une société apaisée ? Voilà, quoi qu'il en soit, une croyance moderne bien pratique en période de crise, capable de répondre aux inquiétudes contemporaines et de redonner foi en la vie.
Attention, toutefois, le chemin peut être très glissant. A trop mettre l'accent sur l'inné, on peut en effet en arriver à «nier les rapports socioculturels, de sexe et de classe», nous confie Sébastien Lemerle. Le risque de ce type d'approches, c'est bien sûr de justifier ce qui est. Ni plus ni moins. m.r.
* Cité par Jean-Philippe Leclaire dans Pourquoi les Blancs courent moins vite (Grasset, 2012).
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