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Bouteflika, une histoire algérienne

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  • Bouteflika, une histoire algérienne

    Le président Bouteflika, élu à plus de 80% le 17 avril dernier, prête serment aujourd’hui. Il le fait pour la quatrième fois de sa vie à la tête du pays et à la présidence de la République. Un cérémoniel qui rappelle que le chef de l’Etat est présent depuis cinquante ans sur la scène nationale et combien ses trois derniers mandats ont chamboulé l’Algérie. Qui intervient aussi alors que le débat sur sa convalescence et sa forme physique persiste. Au moins jusqu’à ce matin. La forme ! Il en a eu. Sinon comment expliquer son parcours : cinquante ans de vie politique sans interruption, sauf une fausse éclipse durant la période de Chadli Bendjedid – qu’il n’a surtout pas ménagé avant qu’il ne lui rende à sa mort un bel hommage en solde de tous comptes.

    Le jeune ministre tout souriant des années neuves de l’indépendance – celle d’une «innocence algérienne» qui n’a jamais existé que dans l’esprit de révolutionnaires purs, sous la plume de journalistes romantiques ou d’écrivains en mal de figures romanesques – est toujours là, rescapé d’un groupe d’hommes et de dirigeants, dont il est le grand miraculé. Boumediene, le chef, est mort. Ahmed Medeghri aussi, dans la rubrique des disparitions mystérieuses. Belaïd Abdeslam ne parle pas et n’existe presque plus, pour faire oublier qu’il a été, avant de se raviser, de ceux qui, avec Cherif Belkacem, ont fait la grimace quand ils ont su, il y a plus d’une quinzaine d’années, qu’il allait être l’homme du «consensus» et, donc, président.
    Lui, il est là depuis 1962. Il a connu 1965, 1979 et 1988 pour l’appel des «dix-huit» qui s’étaient élevés contre la répression sanglante des jeunes d’Octobre. Puis 1999, lorsqu’il eut rendez-vous avec son destin national et marqué une génération d’Algériens nouveaux, voire deux : celle post-FIS et des crédits ANSEJ et des voitures de papa qu’on lance sur le bitume jusqu’au suicide, pour les déjà vieux ; celle qui passe son bac cette année, pour les plus jeunes.
    Ensemble, elles ne connaissent que lui. Et de lui, le tribun magnifique qui a dans ses premières belles années dépoussiéré la communication présidentielle prise d’un coup de vieux depuis la mort de Boumediène ; le briseur de tabous qui n’a pas eu peur de jeter à la face des Algériens leurs petits et grands vilains défauts ; qui a décrété la mort de la légitimité historique sans en signer le certificat de décès ; qui a trompé tout le monde, la presse surtout, en allant dans un jardin métaphorique alléguer l’imminence de sa fin de carrière politique et de ses semblables.
    Enfin, le président durement touché par un AVC, qui a fait campagne sans bouger de la présidence de la République quand tout le monde le voyait à la retraite, qui a été la cible offerte aux réseaux sociaux et aux chefs de gouvernement qu’il a épuisés comme pas d’autres, jusqu’à en faire de pugnaces opposants, n’est-ce pas Monsieur Benbitour et Monsieur Benflis, qui pourraient, grâce à lui, avoir une belle carrière de chef de parti ?
    Les quinze années qu’il vient de passer au pouvoir ont changé l’Algérie. Il a fait fermer les yeux au pays sur la «sale guerre». Il s’en est référé aux Algériens pour décider que personne n’était responsable ni comptable des 200 000 morts admis par Amnesty et des ONG qu’il a ravis aux opposants, dont c’était le pain durant les rouges années quatre-vingt-dix. C’était, rappelons-nous, en 1999. La charte pour la réconciliation nationale a fait, selon des estimations acceptées, descendre des maquis plus de 6000 «égarés » coupés des poches du terrorisme résiduel des groupes islamistes armés. C’était, rappelons-nous-en encore, en septembre 2005 : la loi sur la concorde civile a fait des sacrifiés du terrorisme des victimes rémunérées de la «tragédie nationale» et des familles de disparus des égarés. A chaque pays sa « vérité et justice » et ceux qui rêvaient d’une version sud-africaine n’avaient qu’à se rhabiller…
    Un tenseur
    du système
    Au réveil, de bonnes surprises : comme la reconnaissance en 2002 de tamazight devenue langue nationale après un amendement constitutionnel ; la révision partielle et pragmatique du code de la famille de 1984 : le logement aux enfants mineurs, dont la garde est confiée à la mère en cas de divorce… De l’argent pour une industrie moribonde et qu’il tente de réveiller par la règle 51/49 et
    beaucoup d’argent pour des résultats pas encore là, mais qui suscitent le doute.
    Des angoisses aussi : des HLM offerts en barres sur des terres de plus en plus rares à des Algériens définitivement urbanisés, mais souffrant toujours, pour les malchanceux, de crise de logement ; une autoroute aussi gigantesque que les affaires de corruption qu’elle a supposément déroulées jusqu’aux puits de pétrole et de gaz. En prime, un nouvel amendement constitutionnel en 2009 pour faire éclater la limitation des mandats présidentiels, d’ex-proches collaborateurs soupçonnés comme l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khelil d’avoir fait de son poste de patron de Sonatrach une pompe à fric ; une Algérie individualiste en haut, gavée aux subventions antiémeute en bas, qui ne croit qu’à la puissance et à l’argent en gros. Des doutes et des montées d’adrénaline aussi ! On retiendra de ces trois derniers mandats l’image d’un tenseur du régime et du système ; au point de suggérer une grave querelle entre l’Armée des casernes et l’Armée des costumes ; et de faire déguerpir le DRS de l’ombre qui lui était consubstantielle, croyait-on. Jamais, sous aucun président, le débat ou plutôt la polémique sur les «services» et leur chef n’a été aussi vive que sous Bouteflika. Du «je ne suis pas un trois quarts de président» de son premier mandat jusqu’au réquisitoire vitriolé et semble-il autorisé de Amar Saâdani, secrétaire général du FLN, de son troisième mandat, jamais les Algériens n’ont assisté à un déballage aussi brutal sur le renseignement, ni vu ses «six mètres» si approchés comme le désigne sagacement un illustre et fin confrère.
    Dans ce déballage, le général Toufik en a pris symboliquement pour son grade. Mais, encore fois, comme il y a cinquante ans, et même s’il s’agit cette fois que d’un corps, c’est l’armée qui est au-devant de la scène… Et la présidence aussi ! Une histoire algérienne, en somme. n

    NORDINE AZZOUZ
    REPORTERS.DZ
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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