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Arabie saoudite ,le peuple a dit non vertuellement

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  • Arabie saoudite ,le peuple a dit non vertuellement

    Les Saoudiens ont brisé le mur de la peur», «la peur est partie avec le vent » «la maxime qui dit ‘Battez votre chien, il vous obéira, les oreilles bien basses’ n’est plus de mise», bref, «Le peuple a dit son mot », répètent à l’envi des jeunes saoudiens issus de tribus saoudiennes… sur le Web. Inédit, de mémoire de bédouin !

    Des hashtag, dont «Le peuple dit son mot» et «Révolution Bilad Al-Haramaïn» (les deux saintes mosquées à La Mecque et à Médine, en Arabie saoudite), créés récemment sur Twitter, attirent déjà des dizaines les milliers de gazouillis. Les twitteurs sont jeunes, instruits, parfois trop bien, mais surtout «déterminés», disent-ils, à en découdre avec la gérontocratie au pouvoir

    Celle-ci, pour la plupart souffrant de maladies graves et chroniques, a pour le moment d’autres préoccupations, dont le Coronavirus -syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), qui a contaminé depuis 2012 près de 250 personnes et fait 76 décès- est la plus inquiétante, même si l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) n’a pas encore déclare l’état d’épidémie dans le royaume.

    «YouTube Revolution»

    Les autorités n’ont toutefois pas failli à leur vigilance légendaire, puisqu’elles ont arrêté illico presto des jeunes «énergumènes» qui ont osé, un 22 mars, défier les piliers du régime, roi Abdallah en tête, en les invectivant, en termes crus, à travers des clips vidéo, le visage découvert et en déclinant ostensiblement leurs identités. Du jamais vu dans ce royaume où, naguère encore, toute velléité de protestation était très sévèrement réprimée

    Le 22 mars donc, un jeune saoudien, Abdelaziz Mohamed Dosari, apparaissait dans un clip vidéo pour proférer en 33 secondes ce qui n’a jamais été dit aussi ostensiblement durant des décennies: «Nous en avons marre ! Donnez-nous notre argent ! Nous ne voulons pas mendier. Vous et vos enfants jouez avec cet argent», lança-t-il, à visage découvert et en exhibant sa carte d’identité, à l’adresse du roi Abdallah.

    Il fut arrêté immédiatement et prestement et aussitôt accusé d’«incitation à la sédition et à la rébellion». Il encourt la peine de mort. La séquence a toutefois été visitée 1.600.000 fois jusqu’au 1er avril.

    Loin d’avoir peur, d’autres jeunes des deux sexes, issus de diverses tribus du vaste royaume, lui emboîtant le pas, enflammèrent le YouTube, dans ce qui a été convenu d’appeler «YouTube Revolution» ou «ID Revolution» (la révolution des cartes d'identité).

    Depuis, les clips vidéo se sont multipliées, les visites sur les réseaux sociaux se comptant pas millions, à en croire les instigateurs de cette «Intifada» électronique.

    Le 23, Abdallah Mabrouk Ben Othman Al-Ghamdi, d’Al-Bicha (sud-ouest), a apporté son soutien à Dosari et appelé d’autres à lui emboîter le pas. (737.167 visites).

    Le 27, Saoud Mordhi Al-Baidhani Al-Harbi, de Ryad, interpella le chef du cabinet royal, Khaled Al-Twaijri, l’homme-lige du souverain saoudien, en ces termes: «Nous réclamons nos droits d’une manière pacifique. Nous voulons des logements. Nous voulons une vie décente. N'obligez pas les gens à descendre dans la rue», dit-il avant de présenter sa carte d’identité à plein écran.

    Le 30, ce fut au tour d’Abderrahman Ali Ahmed Ghridi Al-Assiri, médecin de profession, de lancer son attaque de 2,32 minutes. «Le problème est en vous, Al-Saoud. Vous avez tout volé, jusqu’au nom de notre pays. Vous vous êtes appropriés l’Islam que vous avez dénaturé. Quant au pétrole, vous l’avez distribué aux ennemis de la nation, Sissi (ndlr : le général Abdel Fattah Al-Sissi, qui a destitué le président égyptien frère musulman Mohamed Morsi) et les Chrétiens du Liban, au lieu de le distribuer au peuple saoudien», dit-il depuis la province d’Assir, frontalière du Yémen. (1,508.539 visites).

    Les récriminations reprenaient de plus belle le 1er avril. Plusieurs autres jeunes, de plus en plus enhardis, se sont relayés pour dire dénoncer « la corruption au pouvoir » et réclamer tout: travail, logement, démocratie

    Le 2 avril, Ghanim Hmoud Fraj Al-Masarir Al-Dosari, a franchi le Rubicon: En moins de 2 minutes, il a le jeune homme s’est livré à une diatribe d’une rare violence contre le roi Abdallah, le traitant de tous les noms

    Les femmes ne seront pas en reste. Ce fut Shaima al-Maliki qui inaugura le 2 avril la campagne féminine pour se déclarer « fière des héros qui l’ont précédée pour dénoncer «la mauvaise situation à bilad Al-Haramaïn, la corruption et la répression ». « L’ère de la peur est révolue. Nous devons agir ensemble pour arracher nos droits», a-t-elle déclaré, le visage voilé, tradition oblige.

    Des Bouazizi, mais pas encore de «Printemps»
    C’était le comble d’une campagne apparemment savamment organisée, de doit inquiéter la dynastie des Al-Saoud dans le contexte des révoltes arabes et aussi du succès grandissant des réseaux sociaux en Arabie saoudite.

    Car il faut reconnaître que l’Arabie saoudite, dont la première connexion à Internet remonte à 1994, est aujourd’hui l’un des pays les plus connectés de la région avec environ 5 millions d’usagers de Twitter (dont 45 % de femmes) et 6 millions d’utilisateurs de Facebook. C’est aussi le plus grand utilisateur de YouTube au monde par rapport à sa population totale, d’environ 28 millions de personnes.

    Une aubaine pour des Saoudiens…et surtout les Saoudiennes, recluses dans le microcosme familial dans un pays ultraconservateur dominé par les hommes, recourent aux réseaux sociaux pour réclamer de meilleures conditions de vie, en usant de noms d’emprunt pour échapper aux arrestations et aux condamnations de « net-citoyens », qui se multiplient dans le royaume, classé 164e au palmarès des 179 pays ennemis de la liberté de la presse en 2014, selon «Reporters Sans Frontières».

    En fait, les Saoudiens avaient brisé le mur du silence bien avant l’éruption du « Printemps » tunisien, en occupant le pavé jusqu’en face du palais royal pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vie, la montée du chômage, la propagation de la corruption, le détournement des deniers publics…

    Car en Arabie saoudite, la pauvreté existe. Elle prend même parfois des proportions alarmantes. La presse écrite et électronique locale, qui bénéficient d’une liberté somme toute relative depuis l’intronisation du roi Abdallah en 2005 et surtout depuis son discours historique en 2008 en faveur d’une liberté d’expression « responsable ». rapporte des histoires dramatiques de familles nombreuses et démunies, élisant domicile sous un pont, ou dans la carcasse d’un van, des femmes qui font les poubelles… Inconcevable dans l'une des économies les plus puissantes de la planète.

    En l’absence de chiffres précis, les analystes se basent sur les 800 000 familles recensées par les autorités pour bénéficier de programmes sociaux, pour estimer à quelque six millions le nombre de pauvres sur une population autochtone d’environ 20 millions.

    Officiellement, le chômage avoisine 12,50%. «Beaucoup plus», clame l’opposition, sunnite ou chiite. Il frappe surtout les jeunes diplômées d’université dont certaines acceptent, faute de mieux, de travailler comme employées de maison… au Qatar.

    Par ailleurs, on a du mal à imaginer aussi que le royaume, siège des deux lieux les plus saints de l’islam (à La Mecque et à Médine), figure parmi les pays où l’on se suicide le plus au monde, à cause surtout du chômage. La presse raconte quasi-quotidiennement les drames de diplômés-chômeurs contraints de mettre fin à leur vie, chacun à sa manière, qui par pendaison, qui par balles, ou bien en sautant du haut d’un pont ou d’une tour... voire en s’immolant par le feu, à la manière de Mohamed Bouazizi…

    «Sauf que le martyr tunisien a provoqué la chute de quatre régimes, alors que le suicide ces dernières années de six Saoudiens n’a pas fait tomber un seul a’gaal» (corde qui retient le couvre-chef), commentait alors un internaute.

    Museler YouTube

    Maintenant que YouTube gronde, que la contestation se dévoile, le « Royaume du silence » commence à s’inquiéter.

    «Il y en a qui cherchent à semer les graines de la sédition et de la discorde entre nous. Nous devons être attentifs, redoubler de vigilance pour resserrer nos rangs », a averti jeudi le prince Moqren ben Abdel Aziz, désigné fin mars 2e prochain héritier du trône.

    En même temps, cheikh Saleh Al-Fawzan, membre du Conseil supérieur des Oulémas, qui représente avec le Haut Conseil de la Justice, respectivement la plus haute instance religieuse et la plus haute autorité judiciaire du royaume, avertissait contre toute désobéissance au Wali al Amr, le tuteur légal.

    Première mesure qui pointe à l’horizon: la censure de YouTube. Le patron de l’organisme saoudien de l’audiovisuel, Riyadh Najm, l’avait signifié en décembre dernier et l’a rappelé dans la foulée de la «révolution youtubienne».

    Car selon lui, «aucun pays au monde ne tolère l’absence de surveillance sur le contenu des vidéos mises en ligne sur Internet, dont YouTube»


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