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Les témoignages inédits de la Moudjahida Evelyne Safir

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  • Les témoignages inédits de la Moudjahida Evelyne Safir

    Quelques semaines avant la célébration de son 85ème anniversaire, grâce à un coup de pouce de la Moudjahida Zoubida Amirat, nous avons pu retrouver et rencontrer cette algérienne d’origine européenne, Evelyne Safir Lavalette dans sa maison à Médéa.


    Cette grande dame qui a vécu dans la simplicité totale avait fait partie de la délégation algérienne qui avait participé aux travaux à l’Unesco en 1963. A l’instar des authentiques combattants pour l’Indépendance d’une Algérie de Justice, fidèles au serment du 1er Novembre 1954, en l’occurrence Pierre Chaulet (décédé, ndlr), Annie Fiorio Steiner et bien d’autres, la native de Rouiba, Evelyne Lavalette nous a légué son précieux témoignage sur sa participation et son engagement pour son pays. Ses parents ignoraient totalement tout ce qu’elle faisait. Ils avaient découvert son adhésion à la Révolution une fois arrêtée par la police coloniale.

    Sa rencontre avec Drareni avait allumé sa flamme d’amour pour son pays jusqu’à ce qu’elle décède à son domicile à Médéa le vendredi dernier.

    Au début des années 50, ses contacts se multipliaient avec Salah Louanchi, Mahfoud Keddache, Pierre Chaulet et bien entendu Draréni, dans le cadre des rencontres organisées par l’AJAAS (Association des Jeunes Algériens pour l’Action Sociale) qui se tenaient dans les auberges de jeunesse de Sidi Fredj, de Ain-Taya et de Birkhadem. L’AJAAS était constituée en grande majorité par les jeunes des scouts musulmans algériens et quelques jeunes algériens d’origine européenne. Benkhedda Benyoucef qu’elle appelait affectueusement Joseph lui confie les missions d’agent de liaison, entre Alger, Oran, Constantine.

    La jeune et belle Evelyne Lavalette, allure européenne, issue d’un milieu social aisé, célibataire, intellectuelle, insoupçonnable, passait inaperçue auprès des forces de sécurité coloniales. Elle était consciente des risques encourus. Elle avait offert sa « tanière » aux lions de la Révolution. Son appartement avait abrité plusieurs réunions clandestines. Benkheda Benyoucef lui faisait confiance. « Joseph » détenait le double de clés de son appartement à Alger. Elle avait reçu les responsables de la Révolution selon ses témoignages, elle nous cite le Colonel Ouamrane, Colonel Si Sadek Dehiles, et bien d’autres.

    « J’exécutais tout ce que me demandait Joseph » Comment elle trouvait l’un des héros de la Révolution Abane Ramdane lui demande-t-on, « c’est un homme franc, droit, sympathique, simple, nous répond-t-elle, d’ailleurs en rentrant chez moi, il m’avait dit, savez-vous ce que vous êtes en train de faire, je lui ai répondu que oui, et il s’installe avant l’arrivée de Benkheda, car je ne restais jamais à coté d’eux », nous précise-t-elle. L’autre héros de la Révolution, Larbi Ben M’Hidi, avait logé plusieurs fois chez elle. « Je me rappelle nous dit-elle, Larbi Ben M’Hidi qui pensait être hébergé chez une famille à Alger, avait été surpris de se voire accueillir par une jeune française qui vit seule ».

    Après un court instant de silence, Evelyne Lavalette enchaine, « est-ce-que tu es majeure me demande Larbi Ben’Hidi, », « oui » je lui répondais. En nous relatant ses souvenirs, ses yeux pétillaient de bonheur. « Parce que si tu n’es pas majeure, je m’en vais tout de suite explique Ben M’Hidi. Je ne veux pas être impliqué avec une fille mineure dit-il, tu sais si on m’attrape chez toi, tu seras condamnée lourdement »indique-t-il. Une longue discussion s’installe avec l’un des héros de la Révolution entre elle et l’un des géants de la guerre de libération nationale nous confie Evelyne Lavalette, en attendant l’arrivée éventuelle de ses compagnons.

    « Il y avait beaucoup de respects et de solidarité entre nous tous durant cette période », précise Evelyne Lavalette. Madame, décrivez-nous brièvement Larbi Ben M’Hidi lui demande-t-on. « Je vous dirai qu’il est d’une grande droiture, d’une grande simplicité, une volonté incroyable, un homme de grande valeur d’une pureté révolutionnaire, d’ailleurs c’est grâce à mes rencontres avec toutes ces personnes que je suis devenue ce que je suis aujourd’hui », ajoute-t-elle.

    La moudjahida ne pouvait plus continuer à héberger les révolutionnaires algériens dans ce quartier habité par les européens, « il y avait en face de mon bâtiment, une femme française qui regardait de temps à autres le mouvement des personnes, surtout le Colonel Ouamrane qui venait avec ses vêtements des montagnes avec un couffin dans lequel était cachée son arme, nous précise-t-elle, alors je suis partie louer une maison au 35 rue Khelifa Boukhelfa, afin de pouvoir les accueillir, grâce à l’intervention d’un ami médecin qui s’appelait Pierre Roche », nous explique-t-elle.

    Arrestations, tortures dans les prisons d’Oran, El-Harrach, Chlef, rencontres avec les moudjahidates dans les prisons, menaces des éléments de l’OAS rythmeront ses difficiles quotidiens jusqu’à l’Indépendance du pays. Un parcours dense et riche qui sera pérennisé sans aucun doute un jour, par l’écriture de la vraie Histoire de la Guerre d’Algérie. En dépit des tortures, Evelyne Lavalette n’a jamais dénoncé ses frères et les caches.

    « Vous avez pu résister aux interrogatoires musclés et inhumains des policiers français », lui demande-t-on. « Vous savez que Benkheda m’avait appris un plan composé de beaucoup de mensonges nous dit-elle, en minimisant les choses et il insistait pour me dire de ne jamais se souvenir de ses faits », conclut-elle. Evelyne Lavalette la moudjahida devait assister à la célébration de la journée internationale de la liberté de la presse organisée à Tipasa par l’Association des Journalistes de la wilaya. Elle appelle dans la matinée de ce 2 mai 2012 pour s’excuser, car son genou lui faisait mal.

    Notre dernière rencontre avait eu lieu à la librairie de l’Hôtel Aurassi à Alger. « Ah, vous êtes le journaliste d’El-Watan, vous êtes venu chez moi à Médéa, n’est-ce-pas ? » nous interroge-t-elle. « Effectivement lui répond-t-on, mais je voudrai immortaliser ma rencontre avec vous encore Madame aujourd’hui », lui demande-t-on, « avec un grand plaisir et je vais d’ailleurs vous dédicacer mon livre », conclut-elle. Moins de 2 années plus tard, elle vient de nous quitter.

    M'hamed Houaoura- El Watan
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