Le chien et le Lion
Celui que son âme pousse à un plaisir défendu ne pense pas, en le convoitant, à examiner ses conséquences et le châtiment qu’il entraînera. Il entend la voix de la raison lui crier : « Prends garde malheureux ! Tu vas t’arrêter de monter et commencer à descendre. Et puis l’on te dira : reste donc avec ce que tu as choisi ! »
Mais sa passion l’occupe, il ne prête aucune attention à ce qu’on lui dit et continue à descendre. Il en est de cet homme dans le choix funeste qu’il fait comme de ce chien de la fable qui alla trouver le lion pour lui dire :
- O Roi des animaux, donne-moi un autre nom. Le mien est laid !
- Tu es un traître, lui répondit le lion, il n’y a que ce nom qui puisse te convenir.
- Mets- moi à l’épreuve !
Alors le lion lui donna un morceau de viande en lui disant :
- Eh bien, garde moi cela jusqu’à demain et je te donnerai un autre nom
Le chien avait faim. Il commença à regarder la viande avec convoitise, mais se retint. Lorsque la passion mauvaise de son âme l’eut vaincu, il s’écria :
- Qu’à t-il donc mon nom ? Chien est beau !
Et il se jeta sur la viande.
C’est ainsi qu’agit celui qui a de médiocres aspirations, qui se contente des plus basses situations et préfère la passion fugitive aux mérites éternels. Méfie-toi, méfie-toi de l’incendie de la passion quand il se déchaîne et vois comment l’éteindre !
Que de faux pas précipitent dans le puit de l’enfer ! Que de traces ineffaçables ! A la vérité, l’occasion passée ne se rattrape jamais !
Ibn al Jawzi - Sayd al Khâtir - Editions Sindbad