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Le singe magot, un cousin en grande difficulté

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  • Le singe magot, un cousin en grande difficulté

    Le singe magot, que l’on trouve de la Chiffa au massif du Bougaroun, subit des attaques d’animaux et aussi de l’homme. Les scientifiques alertent, il ne faut plus lui donner de sucre.

    C’est le seul macaque d’Afrique, nous disent les scientifiques qui l’ont étudié, alors que les macaques, un genre des primates, qui compte aujourd’hui 19 espèces vivant exclusivement en Asie du Sud, sont tous originaires d’Afrique. C’est dire l’importance de ces derniers groupes qui vivent reclus dans des poches isolées de Gibraltar (Grande-Bretagne) à Collo (Skikda) où on vient de signaler sa présence après une longue disparition qui aura duré au moins 150 ans puisque les dernières mentions datent de 1842. La population totale du singe magot a été estimée dans les années 80, il y a donc 30 ans, à 22 000 individus dont 16 000 au Maroc, soit près de 75%.

    Selon les auteurs de l’époque, les 5 500 restants se trouvaient en Algérie. Les chercheurs algériens pensent aujourd’hui qu’il y en avait certainement beaucoup plus car un dénombrement méthodique et précis effectué en 2013 dans le seul Parc national du Djurdjura a donné le nombre de 4800 individus. Et, précisent-ils, il ne s’agit pas d’une augmentation de la population car son habitat ne s’est pas étendu, au contraire, et les menaces se sont accentuées. Le singe magot, le magot, Macaca sylvanus pour les scientifiques, ou encore macaque de Berbérie, est aussi connu comme celui qui n’a pas de queue et, avec le macaque du Japon, c’est une espèce qui résiste aux hivers neigeux. Il n’existe plus qu’en trois endroits au Maroc.

    Dans le Rif et le Haut-Atlas avec des effectifs extrêmement réduits et dans le Moyen-Atlas où se trouverait la plus grande colonie. Il n’y a malheureusement pas de dénombrement précis et les chiffres s’entrechoquent dans la littérature scientifique. En Algérie, le singe magot se laisse voir sans difficulté puisqu’il vient se nourrir des mains de l’homme dans les gorges de la Chiffa, dans le Djurdjura, dans l’Akfadou, le Gouraya et ses célèbres baies des Aiguades, les gorges de Kherrata, le Djebel Babor, la forêt de Guerrouche (Jijel) et depuis peu mais plus discrètement dans le massif du Bougaroun à l’est de Collo. Il y a 2 millions d’années, ce cousin primate peuplait une région qui s’étendait de l’Egypte à la Grande-Bretagne en passant par le Maghreb, l’Espagne et la France.


    Un vaste empire dont il ne reste que des refuges séparés par d’immenses régions infranchissables pour lui. Le magot n’est pas un animal comme les autres. Décrit comme facétieux ou plein de sagesse, il hante d’innombrables légendes et contes populaires qui font de lui un proche de l’homme autant qu’il l’est par la génétique avec lequel il partage plus 93% de son patrimoine. Ce qui n’empêche pas non plus d’être systématiquement massacré lorsqu’il détruit les cultures attiré par la nourriture qu’il ne trouve plus sur son territoire continuellement grignoté par l’homme.

    L’homme et ses troupeaux de bêtes qui le concurrencent sur la nourriture mais encore les chiens, les chacals qui s’attaquent à ses petits, la raréfaction des points d’eau, les dérangements de toute nature atteignent aujourd’hui ses derniers retranchements. Enhardit par la sécurité retrouvée et l’explosion du parc automobile, les hommes empiètent chaque jour davantage les lambeaux de sa survie. Mais un autre mal, plus insidieux, lui est transmis par l’homme. Il a été observé un changement alimentaire des magots et une hausse inquiétante des cas de diabète Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme : «Ne donnez plus de sucreries à manger aux magots qui quémandent de la nourriture au bord des routes», supplient-ils.

    Slim Sadki- El Watan

  • #2
    Aïssa Moali. Professeur d’écologie à l’université de Béjaïa L’avenir de cette espèce est sombre

    Quelle est la place du singe magot dans le patrimoine naturel de l’Algérie ?

    Aïssa Moali. Professeur d’écologie à l’université de Béjaïa : Il occupe une grande place et une valeur patrimoniale inestimable à l’heure où la biodiversité est devenue une carte de visite pour les Etats. C’est la seule espèce de primate non humain. Le magot représente les stades écologiques les plus évolués des milieux boisés, il est le symbole du bon fonctionnement et d’un état de conservation acceptable. La persistance de cette espèce en Algérie est aussi une démonstration des efforts des autorités et de la société civile pour la conservation de la nature.

    -L’espèce est classée en danger par l’UICN, quel est son avenir avec toutes les menaces qui la guette ?

    L’avenir de cette espèce est sombre mais il faut tenir compte de ses capacités d’adaptation exceptionnelles, c’est un animal qui peut facilement cohabiter avec l’homme. Les menaces qui la guettent sont directes et indirectes. Directes car elles visent l’animal lui-même pour les dégâts qu’il occasionne à certaines cultures, notamment l’arboriculture fruitière. Cela lui vaut le cachet d’espèce indésirable. Directes par le nourrissage avec des produits sucrés qui ont fait apparaître de plus en plus de cas de diabète. Sa nourriture naturelle est végétarienne à plus de 90%. Equilibrée, riche en vitamines, glucides et protéines, elle le protège de plusieurs maux. Enfin des menaces indirectes avec les perturbations et la destruction de ses habitats dans leur diversité par les incendies et le surpâturage en forêt et en zone rocheuse, la pollution des ressources hydriques, l’urbanisation et la fréquentation humaine.

    -Que fait-on de concret pour protéger les seuls macaques d’Afrique ?

    Mis à part que l’espèce soit classée comme espèce protégée en Algérie (décret 12-235 du 25 mai 2012) et par son statut d’espèce en danger dans la liste rouge de l’UICN, sa chance de durabilité réside dans le classement de ses principales zones de distribution. Il reste donc à concrétiser le classement de l’Akfadou, des gorges de Kherrata et celui des Babors. Partant de là, une stratégie de conservation des populations pourra être mise en œuvre. Signalons encore que des groupes vivent hors des parcs nationaux et qu’ils sont plus exposés aux pressions. A l’opposé, ceux à l’intérieur des aires protégées ne sont forcément pas à l’abri étant accusés de tous les maux par les riverains. Un projet de 2013 initié par l’UICN doit établir un état des lieux de l’espèce en Algérie et au Maroc. Il sera certainement suivi par un plan d’action qui tiendra compte des côtés névralgiques de la conservation mais aussi de tous les conflits nés avec les populations riveraines des territoires du singe. La question est délicate mais non insolvable.

    Repère :


    Aïssa Moali est professeur d’écologie à l’université de Béjaïa et naturaliste passionné par le patrimoine naturel du pays et la photographie. Il est auteur et coauteur de plusieurs ouvrages, publications et études. Il est expert et consultant pour la conservation de la biodiversité et dans le classement des aires protégées.

    Slim Sadki-El Watan

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