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La misère des réfugiés nigériens en Algérie

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  • La misère des réfugiés nigériens en Algérie

    Mohamed, Ibrahim, Meryem, trois enfants, se retrouvent quotidiennement au même endroit dès les premières heures de la matinée, au centre-ville d’Oran. Pour être plus précis, ils se retrouvent à proximité d’un lycée. Par la force des choses, ils ont pu entretenir des relations amicales avec les lycéens.
    Ce sont des enfants mineurs, des migrants subsahariens que l’Algérie découvre ces dernières années. Ils ont fui l’instabilité qui règne dans la région du Sahel, la misère et la sécheresse. Ils appartiennent à l’ethnie Haoussa et sont présents dans plusieurs pays du Sahel, notamment au Niger. C’est le cas pour la majorité des femmes accompagnées même de bébés, qui, depuis 2012, sont arrivées à Oran en grand nombre et dont la mendicité est l’unique moyen de subsistance.
    D’ailleurs, les trois enfants se précipitent au feu rouge vers les véhicules et, avec un rudiment d’arabe, lancent : “Sadaqa, sadaqa !!!” Et ce, à longueur de journée, quel que soit le temps. C’est Mohamed le plus grand qui nous confie être âgé de 14 ans, Ibrahim 12 ans et Meryem 10 ans. Tous les trois sont du Niger. Ils finissent aussi par désigner au loin une femme assise à même le sol qui serait leur mère.

    Toujours dans un dialogue mêlant quelques mots d’arabe et des gestes. Mohamed dit habiter dans un bidonville à la périphérie Ouest d’Oran. Les deux garçons sortent de leurs poches une feuille de papier et un stylo, parfois assis sur le bord du trottoir tête contre tête, ils griffonnent des mots et des phrases. Et là encore, nous parvenons à comprendre qu’ils sont passés par une école coranique à Tamanrasset.

    Installé à un autre carrefour, Hassan, la quarantaine, un chapelet à la main, assis en tailleur. À ses côtés, deux petites filles, les cheveux en bataille, vont de véhicule en véhicule quémander quelques pièces qu’elles lui rapportent aussitôt. Dans un français rudimentaire, Hassan dit être Nigérien, de la région de Zinder : “Au Niger, il n’y a pas de travail, pas à manger, on a faim là-bas. Ici à Oran, c’est mieux qu’au Niger.”
    Très méfiant, il ne dira rien de l’endroit où il vit, ce qu’il parvient à amasser en mendiant ni des routes du Sud empruntées avec ses enfants pour se retrouver à Oran. Si, majoritairement, les passants donnent volontiers de l’argent, parfois de la nourriture et du linge, il y a aussi des remarques désobligeantes et xénophobes qui choquent.

    Collecteurs d’argent et exploitation des enfants


    La présence des migrants nigériens et surtout d’enfants très jeunes dans les rues semble, à la fois, inquiéter et embarrasser les autorités du Niger qui, par la voix de son chargé des affaires consulaires de l’ambassade à Alger, nous a affirmé : “Cette présence qui est constatée, pas seulement à Oran, nous inquiète. Depuis la mort de 92 migrants dans le désert en 2013, des enquêtes ont révélé que les femmes et les enfants viennent principalement de trois régions du centre et du sud du Niger : Zinder, Matamèye, d’autres sont venus depuis la Libye, il y a eu plusieurs arrestations de passeurs et de trafiquants”, explique notre interlocuteur. Il évoque, en même temps, la fermeture des frontières depuis janvier 2013, mais les passages se font toujours à partir des villes d’Agadez et Arlit, qui sont connues pour être des points de transit des migrants souhaitant se rendre en Algérie.
    Cette forme d’exode à partir de régions spécifiques est connue par les services de l’ambassade : “Nous avons attiré l’attention de nos autorités au Niger, car il n’y a aucune raison à un exode massif et à la pratique de la mendicité.” Plus grave encore, notre interlocuteur évoque une forme d’organisation de la mendicité avec des collecteurs de fonds et une exploitation des enfants mineurs.

    Ces collecteurs de fonds discrets et issus de la communauté achemineraient l’argent vers les familles restées au Niger, et dans certains cas, ces mêmes familles loueraient leurs enfants à des femmes, des proches, qui, ensuite, se retrouvent en Algérie à mendier.

    Pour autant, le chargé des affaires consulaires de l’ambassade n’a aucune garantie de la destination finale des sommes ainsi récoltées : “Cette situation n’est pas connue des Algériens qui sont généreux. Ce qui nous préoccupe, c’est l’exploitation des enfants mineurs en âge d’être scolarisés. Certains sont loués par leurs parents, et à Alger, nous avons été informés de cas de décès. Cinq enfants portés disparus ont pu être retrouvés au centre d’El-Biar. C’est vraiment notre grande préoccupation et nous souhaitons pouvoir rapatrier les enfants. Nous insistons sur ce point.” Pour ce diplomate, les autorités de son pays ont fourni des efforts financiers conséquents pour aider les populations locales et mettre en place des programmes de développement.
    Il explique cette situation par la motivation “du gain facile”, niant ainsi que cela implique des conditions de vie dangereuses et d’une extrême précarité.

    Des ONG pour la protection des enfants

    Des bénévoles d’ONG algériennes ou internationales s’efforcent régulièrement d’apporter une aide aux populations migrantes. La tâche n’est pas facile car, en plus de la méfiance, l’insécurité dans le bidonville est récurrente et les agressions sont légion, n’épargnant pas les femmes. Ces bénévoles tiennent à l’anonymat, une garantie nécessaire leur permettant d’être plus efficace dans le soutien et l’aide aux plus vulnérables.
    Ils nous confirment, à demi-mot, les cas d’enfants exploités : “Récemment, une Nigérienne est décédée dans les rues d’Oran, nous avons tenté de retrouver ses trois enfants. C’est ainsi que nous avons découvert qu’ils avaient été pris en charge par d’autres femmes qui se les ont partagés. Ils continuent à mendier et une partie de l’argent amassé est donné à leur père. Ils sont quelques-uns à être ici”, raconte Serge. Liamine, pour sa part, évoque les conditions de vie très difficile : “Les femmes et les enfants dorment entassés à 10 ou 15 dans une pièce, sans accès à l’eau potable, sans sanitaires. La location peut dépasser les 10 000 DA.” Les besoins en termes d’hygiène et de santé sont énormes, mais les ONG qui travaillent sur le terrain réagissent avec force à la question du rapatriement ou des reconduites massives aux frontières : “Les enfants mineurs doivent être protégés. Il ne faut pas oublier qu’ils sont des victimes et non des coupables”, nous explique-t-on.

    À Oran, en 2012, 169 femmes et enfants Haoussa avaient été reconduits dans des centres de transit au Sud algérien. Aujourd’hui, personne ne sait combien ils sont dans les rues.

    D. LOUKIL-Liberté
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