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La diplomatie économique algérienne en berne

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  • La diplomatie économique algérienne en berne

    A la tête de ces institutions, la plupart sont pourtant des «diplomates de carrière», souligne-t-on dans le milieu diplomatique, auxquels le président Bouteflika à son arrivée «n’a pu reprocher leur manque de professionnalisme, même s’il avait des griefs contre eux.»

    Absence d’une culture du lobbying, manque de réactivité ou d’accès à l’information utile peuvent expliquer une partie de cette défaillance. Mais ce n’est pas tout.«Les ambassades ne feront rien pour un tourisme qui n’existe pas et pour un commerce extérieur qui n’existe pas», assène un ancien diplomate

    Il se souvient avoir ressenti «la honte de sa vie diplomatique», lorsqu’en participant au milieu des années 1990 en tant qu’ambassadeur à la foire du Tourisme dans une capitale européenne, il s’est retrouvé à accueillir les hauts officiels de ce pays dans un stand Algérie qui avait pour seul attribut «quelques affiches, deux ou trois filles en costumes traditionnels et 5 à 6 bureaucrates».

    Le tourisme est un produit, et même si l’Algérie est un très beau pays, «l’offre touristique est inexistante, les hôtels sont les plus chers de la Méditerranée, et s’il n’y pas de tourisme interne, il ne peut pas y avoir de tourisme étranger.»
    Ce qui vaut pour le tourisme, peut valoir pour le reste. Toutes les ambassades d’Algérie à l’étranger n’ont pas forcément des sections économiques. Cela dépend de l’importance du pays et de la nature des échanges économiques qui existent avec l’Algérie. Certains acteurs économiques posent la question du rôle attribué à ces missions.

    Sur le site de l’ambassade d’Algérie en France, il est indiqué que le service économique et commercial de l’ambassade participe notamment «à la préparation des expositions et foires à caractère économique et commercial», ainsi qu’aux forums et séminaires consacrés à l’économie algérienne et à accompagner «les investisseurs français désireux de s’installer en Algérie». Dans la pratique cependant, ce rôle est loin d’être rempli. «Lors des salons à l’étranger, vous remarquerez l’absence totale de nos représentants diplomatiques», remarque Smaïl Lalmas, président de l’association de promotion des exportations hors hydrocarbures, «alors qu’ils devraient jouer un rôle stratégique dans la préparation et la gestion des événements économiques.»

    Que la critique vienne de l’Algérie ou de l’étranger, son contenu tend à reconnaître un manquement de nos représentations diplomatiques, notamment sur le plan de l’information. Ouahab Hamidi, jeune Algérien spécialiste de l’ingénierie financière vit en France, mais voulait rentrer en Algérie pour créer son entreprise. «Le premier reflexe d’un investisseur est de chercher sur internet des partenaires locaux, mais l’outil informatique et le web ne sont que très peu utilisés par les entreprises algériennes dans leur communication», raconte-t-il. Il se tourne vers l’ambassade pour essayer de trouver l’information, mais «ce qu’on trouve c’est un bureaucrate très loin des faits et de la réalité économique, tandis qu’un investisseur a besoin d’informations sur les réalités du marché, du climat des affaires, des difficultés, des opportunités.»

    Marketing

    Une section économique est utile pour suivre les échanges bilatéraux et accompagner les opérateurs économiques et les investisseurs des deux côtés, s’informer et informer au besoin. Nos représentations diplomatiques ont à leur charge leur peu de réactivité face aux attentes des communautés d’affaires, et un rôle de relais qu’elles sont loin de remplir. Pourtant, si les opérateurs n’ont pas l’information juste qu’ils souhaitent, ce n’est pas forcément la faute de l’ambassade, explique notre ancien diplomate. «L’ambassade ne produit pas l’information. Ce n’est qu’un relais qui la transmet et si la source de l’information ne la donne pas (par exemple un ministère en Algérie), l’ambassade n’y peut rien.» Son rôle est aussi de faire du «marketing de ce qui se fait au pays», mais là aussi il y a des préalables.

    Ouahab Hamidi pense que l’une des raisons de la défaillance de la diplomatie économique algérienne est l’absence d’une «culture du lobbying et du réseautage». Selon lui, en France par exemple, «les clubs d’affaires sont inexistants». Autant que les associations et autres groupements censés promouvoir l’image de l’Algérie ou mettre en relation les hommes d’affaires des deux rives. «Beaucoup d’opérateurs que j’ai rencontrés personnellement veulent investir en Algérie», dit-il. La règle de 49/51 ne gêne pas, «ce qui bloque le plus, c’est d’instaurer un climat de confiance avec les échanges et les rencontres pour trouver des partenaires algériens avec qui traiter et monter des projets.»

    Cet avis n’est pourtant pas partagé par tout le monde. Christian Zabat, directeur d’EDR (Entre-Deux-Rivages), organise des événements économiques en Algérie, dont le premier Salon de l’investissement et de l’entrepreneuriat France-Algérie devant avoir lieu en mars 2015. Pour lui, il y a beaucoup de cercles, associations et groupements un peu partout en France, mais le problème est ailleurs. «Pour travailler en Algérie, il faut être patient et souvent les gens ne le sont pas.» Le recours aux instances diplomatiques pour lui n’intervient qu’en dernier recours. «Nous avons commencé par chercher l’adhésion des acteurs eux-mêmes (chefs d’entreprises, entrepreneurs, etc.) pour ensuite remonter vers les institutions.»

    Intérêts

    Si un travail de lobbying diplomatique est nécessaire, il ne vaut que là où le pays «pèse réellement», pense l’ancien diplomate ; exemple en Italie, en Espagne ou en France où l’Algérie est un fournisseur de gaz important et un sérieux client. Pourtant, c’est loin d’être le cas.
    Or, en France qui est notre principal fournisseur de céréales, «nous n’avons pas un seul relais pour nous défendre», déplore l’ancien diplomate.

    C’est pour lui «le gros scandale du lobbying». Son origine : «Pendant 50 ans, les hommes politiques ont fait du lobbying pour eux et pas pour l’Algérie.» A ce titre, le cas de cet ambassadeur à Washington dans les années 1990 ayant bénéficié de fonds pour faire du lobbying auprès des cercles d’influence américains les a «utilisés pour établir une carte de résidence à son fils», n’est sans doute pas l’unique du genre.
    Quels que soient les scandales passés ou à venir, rien n’empêche l’Etat de remédier aux carences.

    Pour Ouahab Hamidi, deux options s’offrent à lui pour jouer le rôle de facilitateur d’affaires : l’une, directe à travers les bureaux économiques installés au niveau des ambassades et les consulats, et l’autre indirecte par l’encouragement de la création d’associations ou des clubs d’affaires en leur offrant un cadre, en leur octroyant des aides pour se développer ou bien par l’organisation de journées régulières pour rapprocher les opérateurs d’une manière régulière et continue.

    Promotion du made in Algeria : Un relais raté

    Les exportateurs nationaux reprochent souvent aux représentations diplomatiques algériennes de ne pas les soutenir dans leur recherche des marchés. S’il y a au ministère des Affaires étrangères une direction en charge du soutien aux échanges économiques qui est «réactive et par laquelle on passe», note Ali Bey Nasri, président de l’ANEXAL (Association nationale des exportateurs algériens), au niveau de ses démembrements la tendance n’est pas la même. Certes, quand elles sont sollicitées, elles sont «disponibles, mais insuffisamment outillées pour l’information économique. Il n’y a pas un attaché commercial au sens moderne du terme», constate-t-il.

    Abondant dans le même sens, Smaïl Lalmas, conseiller au développement des entreprises à l’exportation, raconte que les opérateurs avec lesquels il est conseillé de prendre attache avec les missions diplomatiques à l’étranger pour des informations utiles «surtout quand il s’agit d’une première opération, sont déçus dans 99% des cas en raison d’une mauvaise ou aucune prise en charge de leurs doléances.»

    Mais la faute incombe-t-elle vraiment à ces représentations diplomatiques quand il s’agit de promotion des exportations sachant que l’Algérie exporte 98% de pétrole et de gaz. M. Nasri le reconnaît : «Il est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de pression de la part des opérateurs parce que nous n’exportons pas beaucoup.» «Quand vous n’avez rien à exporter, vous allez passer votre temps à délivrer des visas pour les exportateurs étrangers», témoigne un ancien ambassadeur. Et du coup, les représentations diplomatiques algériennes revêtissent le même rôle que celui des banques étrangères en Algérie, à savoir «participer à promouvoir le commerce extérieur des étrangers dans le pays».

    N’avoir rien à exporter n’est pas l’avis de tout le monde. Smaïl Lalmas estime que tout ce qui est «bon pour nous est bon pour les autres». A ce titre, l’Algérie peut «tout exporter, allant du domaine agricole, à la petite industrie, à l’artisanat, aux services.» Pour cela, il faudrait, selon Ali Bey Nasri, que la diplomatie se tourne vers l’économique «historiquement tournée vers le politique» et qu’elle se mette en action dans les pays «cibles» où nous avons des possibilités de placer des produits. (S. B.)

    Safia Berkouk-El Watan
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