Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Comprendre la crise au Soudan du Sud qui inquiète la communauté internationale

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Comprendre la crise au Soudan du Sud qui inquiète la communauté internationale

    Appels à la haine, tueries, représailles, catastrophe, désastre. Quelques semaines après les commémorations du 20ème anniversaire du génocide de 1994 au Rwanda, les mots empruntés par la communauté internationale pour qualifier la crise au Soudan du Sud résonnent singulièrement.

    Indépendant depuis juillet 2011, le plus jeune pays du monde est déchiré depuis cinq mois par un conflit entre les forces loyales au président Salva Kiir et les partisans de l'ancien vice-président Riek Machar. Une guerre civile marquée par des massacres à caractère ethnique.

    On vous explique tout.

    En 2005, à l'issue d'une précédente guerre civile qui dura 22 ans et fit entre un et deux millions de morts, les habitants du sud du Soudan obtiennent le droit de se prononcer lors d'un référendum d'autodétermination. Un référendum largement remporté en janvier 2011 par les sécessionnistes. Le 14 juillet de la même année, les Nations unies reconnaissent la République du Soudan du Sud comme 193ème État membre.
    Au passage, la République du Soudan (qui a obtenu son indépendance du Royaume-Uni en 1956) perd un quart de sa population et de son territoire (le Soudan du Sud est 1,16 fois plus grand que la France métropolitaine). Khartoum perd par-dessus tout 75% de ses réserves pétrolières.

    Suivront deux ans d'une paix relative marquée par le déversement de milliards de dollars d'aide au développement, l'adoption d'une nouvelle monnaie et le développement d'infrastructures exsangues. Deux ans durant lesquels le président Salva Kiir, toujours coiffé d'un chapeau de comboy, opère un rapprochement avec l'ennemi d'antan, le président Omar el-Béchir, au pouvoir au Soudan depuis un quart de siècle.

    Bien qu'indépendantes, les deux jeunes nations restent étroitement liées par des intérêts communs: le Sud a le pétrole mais est tributaire des infrastructures du Nord pour l'exporter. Quant au pouvoir de Khartoum, il compense le manque à gagner par les frais de passage payés par Juba


    Mais l'indépendance du Soudan du Sud n'a pas permis de faire table rase de 50 ans d'un conflit meurtrier. Des questions laissées en suspens (la démarcation des frontières, le statut de la région contestée d'Abyei, le montant des frais de passage, le statut des ressortissants, etc...) vont même mener les deux nations au bord de la guerre en mars-avril 2012. Sous la pression de la communauté internationale, Omar el-Béchir et Salva Kiir sauvent toutefois la paix cinq mois plus tard en signant un accord de coopération globale. Une tentative de normalisation qui ne parvient cependant pas à résoudre tous les contentieux.

    À ces tensions diplomatiques viendront s'ajouter courant 2013 des divisions de plus en plus grandes au sein du parti dirigé par le président sud-soudanais. Branche politique de l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS) qui mena la lutte pour l'indépendance (et a depuis été convertie en armée conventionnelle), le Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS) de Salva Kiir détient 70% des sièges au Parlement.

    Un bras de fer politique qui tourne au conflit armé

    Une hégémonie qui attise l'ambition du vice-président sud-soudanais Riek Machar, un intellectuel charismatique mais versatile : il rejoint l'APLS en 1984; puis rallie Khartoum en 1991 après avoir échoué à prendre la tête de la rébellion; et revient à la lutte pour l'indépendance au début des années 2000 dans un ultime volte-face.

    Dénonçant les "tendances dictatoriales" du président Salva Kiir, Riek Machar annonce au printemps 2013 son intention de lui disputer la présidence du MPLS dans la perspective des élections présidentielles de 2015. Lié à son vice-président par d'anciennes et profondes inimitiés, Salva Kiir saute alors sur l'occasion et limoge en juillet Riek Machar et l'ensemble du gouvernement.

    S'engage alors un bras de fer politique qui tourne vite au conflit armé. Le 15 décembre 2013, d'intenses combats entre factions rivales de l'armée éclatent à Juba, la capitale sud-soudanaise, avant de se propager rapidement dans plusieurs régions du pays. D'un côté, des soldats fidèles au président Salva Kiir. De l'autre, ceux loyaux à son ancien vice-président.

    Dès le lendemain, Salva Kiir dénonce une tentative de coup d’État et accuse Riek Machar, le qualifiant de "prophète de malheur". Celui-ci nie et accuse le président d'user d'un prétexte pour se débarrasser de ses rivaux. Quelques jours plus tard, Riek Machar appelle toutefois au renversement de Salva Kiir, l'accusant de vouloir "allumer une guerre ethnique".

    Les "Dinka" du président contre les "Nuer" de l'ancien vice-président

    Car si l'indépendance du Soudan du Sud a mis fin aux affrontements entre le nord à majorité musulmane et le sud à majorité chrétienne, la lutte entre Salva Kiir et Riek Machar a réveillé les antagonismes entre peuples "Dinka" et "Nuer", les deux principaux groupes ethniques du Soudan du Sud, dont sont respectivement issus les deux hommes. Ces inimitiés ont en partie pour origine le départ de Riek Machar de l'APLS dans les années 90 et son alliance avec Khartoum. Ses troupes avaient alors massacré quelque 2000 "Dinka" à Bor, au centre de l'actuelle Soudan du Sud.

    Depuis décembre 2013, aux soldats des deux camps -ceux de l'armée régulière de Kiir et les mutins de Machar- s'ajoutent ainsi des milices ethniques "Dinka" et "Nuer", comprenant souvent des enfants-soldats (ils seraient 9000 dans les deux camps).

    Soutenue par les "Dinka", l'armée gouvernementale est également assistée contre l'avis des États-Unis par l'armée ougandaise. Le camp Machar accuse par ailleurs des rebelles soudanais qui combattent Khartoum depuis 2003 au Darfour (à l’ouest du Soudan) de prêter main-forte aux forces pro-Kiir.

    Dans le camp Machar, les militaires sont épaulés par la "White Army", une milice de jeunes Nuer. Fin 2011 et début 2012, l'"Armée blanche" a mené des raids meurtriers de représailles contre la tribu Murle, forces pro-Kiir. Ces dernières affirment par ailleurs que des miliciens djandjawid, supplétifs de Khartoum au Darfour, soutiennent les forces pro-Machar. Des mercenaires venus du Soudan garniraient aussi les rangs des rebelles.

    Les deux camps nient l'implication de forces soudanaises à leur côté mais Salva Kiir a demandé à son homologue soudanais d’envisager le déploiement d'une force commune pour assurer la sécurité des puits de pétrole du nord du pays.

    Plus d'un million de déplacés et des massacres ethniques

    Sur le terrain, Riek Machar cherche principalement à s'emparer des champs pétroliers au nord du Soudan du Sud. Les experts estiment que, cantonné dans la brousse et limité en munitions et carburant, il n'est cependant pas en mesure de prendre Juba, comme il assure vouloir le faire. Les quelques villes et localités d'importance, à l'exception de la capitale, ont été rasées par les combats.

    Mi-avril, Bentiu est ainsi la première ville d'importance à être reprise par les rebelles après une offensive menée en janvier par les forces gouvernementales. L'ONU indique peu après que les troupes de l'ancien vice-président ont massacré à Bentiu des "centaines" de civils sur des bases ethniques. La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) dénonce aussi les appels à la haine lancés sur Radio Bentiu par certains leaders de la rébellion. Comme la Radio Mille Collines avait incité les Hutus à l'élimination des Tutsis au Rwanda en 1994.


    Le bilan exact du conflit qui dure depuis le 15 décembre est inconnu, mais il a fait selon les organisations humanitaires au moins 10.000 morts et chassé de chez eux plus d'un million de Sud-Soudanais, dont plus de 200.000 ont trouvé refuge à l'étranger (Ouganda, Ethiopie, Soudan, etc...). Évoquant déjà des crimes contre l'humanité de la part des deux camps (massacres, attaques contre des écoles et des centres de soins, enlèvements et viols en masse de femmes et de filles, etc...), les Nations unies disent craindre que le Soudan du Sud ne s'enfonce dans le génocide. L'ONU a récemment averti que la famine menace plus d'un million de personnes.

    Dimanche 11 mai, le gouvernement et les rebelles du Soudan du Sud se sont accusés mutuellement de violer le cessez-le-feu signé deux jours plus tôt à l'issue d'une rencontre en Ethiopie entre le président Kiir et Riek Machar. L'accord signé après d'intenses pressions diplomatiques et des menaces américaines et de l'ONU de sanctions ciblées, prévoyait la fin des combats et la formation d'un gouvernement de transition. Le 23 janvier 2014, gouvernement et rebelles avaient déjà signé un accord de cessez-le-feu. Il n'avait pas empêché la poursuite des combats..





    HUTTPOST
Chargement...
X