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Européennes 2014 : l'aventure populiste

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  • Européennes 2014 : l'aventure populiste

    La montée d'une extrême droite populiste n'est pas propre à la France. Une majorité de pays européens est touchée, et, de manière frappante, dans des proportions à peu près identiques: à quelques exceptions, comme en Allemagne, ces partis populistes, ou nationaux-populistes, obtiennent partout environ 20% des voix aux élections générales, à quelques pour cents près. A l'issue des élections européennes qui ont commencé ce jeudi au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, ils pourraient devenir la troisième force politique du continent. Que se passe-t-il? Pendant trois mois, pour un film documentaire diffusé en avril sur Arte, j'ai sillonné l'Europe, à la rencontre des chefs populistes et de leurs électeurs, d'Italie en Finlande, j'ai interviewé Beppe Grillo, Timo Soini, Geert Wilders, Viktor Orban, Marine Le Pen, le britannique Nigel Farage, des Autrichiens du FPÖ. Expérience passionnante et instructive.

    Les populistes témoignent, alors qu'ils vitupèrent sans cesse contre l'Europe, d'une unification du continent européen, d'une communauté de destin des sociétés européennes. Leurs discours, leurs méthodes, se ressemblent. Leurs cibles sont les mêmes : l'Union européenne, la finance, les élites politiques, les immigrés, les musulmans. Et d'abord les immigrés musulmans. Partout, le succès de ces partis tient à leurs chefs. Charismatiques. Télégéniques. Transgressifs. Habiles.

    Habiles d'abord pour se montrer radicaux, mais pas trop. En rupture, mais respectables tout de même, car leur électorat veut la rupture mais pas de violence, verbale ou réelle. Ils sont révolutionnaires et conservateurs, comme leur électeurs. Habile aussi à être populaires mais pas trop. Parlant au nom du peuple, ils parviennent à la fois à se montrer proches de lui, tout en revendiquant des qualités exceptionnelles. Membres de facto d'une élite politique tout en dénonçant les élites. Pour parvenir à résoudre cette tension, il faut des nerfs et du savoir faire. Tous sont des aventuriers de la politique autant que des techniciens rusés. A l'instar de Nigel Farage. Ce Britannique à l'allure très patricienne, meilleur orateur du Parlement européen sortant est en passe de réaliser un exploit électoral avec son parti, UKIP, à qui les sondages prédisent 30% des voix, au coude à coude avec les travaillistes. Longtemps marginal, il doit son succès au génie de la communication de son chef, passé maître dans l'utilisation des réseaux sociaux et dans l'art du "buzz"

    On pourrait croire ces populistes européens idéologues : ils ont peu d'idéologie, pas de lignes intangibles et là est leur force. Ils changent d'idées en fonction de l'air du temps, ils s'adaptent, ils fluctuent, ils épousent les mouvements d'opinion. Andreas Mölzer, l'idéologue du FPÖ autrichien, et représentant de son aile dure née des décombres du Troisième Reich, m'avouait ainsi que l'opinion publique étant devenue sensible à l'antisémitisme, son parti ne pouvait continuer de paraître antisémite et qu'il lui avait fallu, pour cela, organiser un voyage en Israël du chef du FPÖ. Aux Pays-Bas, Geert Wilders était libéral quand l'opinion l'était, il est devenu, au plan économique, quasiment d'extrême gauche depuis la crise. Le Hongrois Orban était pro-européen il y a quelques années, il est devenu anti-européen. Le Front national aussi a effectué sur les questions sociétale - le mariage gay - ou économiques des virages serrés. Beppe Grillo, après avoir mené une campagne aux accents de gauche, a refusé d'abroger, en plein drame de Lampedusa, une loi qui criminalisait les sans-papiers, avouant - cyniquement ? candidement ? - que ne pas le faire, le condamnerait un score dérisoire aux élections, tant le public italien serait hostiles aux immigrés. Ce sont tous des idéologues mous, portés par les courants dominants. Le populisme est avant tout, non une idéologie, mais une méthode : il s'agit de s'ériger en porte parole exclusif du peuple, qui aurait toujours - intrinsèquement, parce qu'il est le peuple - raison, contre les autres, ceux qui ne sont pas le peuple, contre ceux qui conspireraient contre lui, les élites, Bruxelles, les étrangers. Le populisme est une méthode, avant d'être une idée politique. Peu portés aux débats intellectuels, les chefs populistes sont des "être sans qualités". On m'a rapporté que le seul loisir connu de Wilders consisterait à aller faire des pointes de vitesse sur les autoroutes allemandes. Il ne lit jamais de livres, dit-on. Mais c'est sans doute l'un des plus brillants hommes politiques européens, comme Nigel Farage, comme Marine Le Pen, comme Beppe Grillo, tous excellents orateurs, excellents tacticiens, et, d'abord, excellents utilisateurs des médias de masse.


    Sans les médias, et en particulier la télévision, ils ne seraient rien. C'est l'histoire de la poule et de l'œuf : est-ce parce qu'ils sont télégéniques, eux et leurs idées simples et chocs, qu'ils y sont invités ? Ou l'inverse ? L'audimat les fait-il ou font-ils l'audimat ? Un exemple, aux Pays-Bas, où Geert Wilders s'est rendu récemment dans un quartier immigré de La Haye, pour y dénoncer l'existence d'un supposé "triangle de la charia", entouré de dizaines de caméras. Dans ce quartier, la charia ne régnait pas. Aucune nécessité journalistique ne justifiait de couvrir cette visite, rien, si ce n'est la présence de Wilders. Pourquoi y aller alors ? "La présence de dizaine de journalistes couvrant cette visite nécessitait de s'y rendre" - le serpent qui se mort la queue - , "cela, en soi, faisait l'événement, était une information", m'a affirmé un journaliste d'une chaine d'information. Il a fini par m'avouer aussi que c'était bon pour l'audience. Et lorsque dans un meeting de Wilders à La Haye, j'ai demandé à ses sympathisants qui m'affirmaient que dans un quartier de leur propre capitale régnait la sharia, comment ils le savaient, ils me répondirent tous, sans exception : "on l'a vu à la télévision". Pas un seul n'avait pensé se rendre sur place, à quelques pâtés de maisons de là. Les populistes nourrissent la machine télévisuelle avide de sensations fortes, et celle-ci démultiplie leur message. Wilders est en tête des sondages pour les Européennes. En Finlande, le patron d'une émission politique me confiait que lorsqu'il avait besoin de se faire valoir auprès sa hiérarchie, il invitait le chef des Vrais Finlandais, Timo Soini, et gagnait quelques points d'audimat. Reste que, si la responsabilité des journalistes de télévision est en jeu, les populistes font de l'audimat parce qu'ils intéressent le public, et qu'au de là de leur électorat, ils hystérisent le débat public. Pourquoi ?

  • #2
    suite

    Ces idéologues sans idéologie, ces as de la communication sont puissants car ils répondent à une demande. Parce qu'ils offrent des réponses qu'ils sont les seuls à offrir.

    Non pas des réponses à la crise économique, comme on pourrait le penser. La crise, certes, est un carburant à leur progression, elle renforce la logique du bouc émissaire qui leur fond de commerce, mais elle est accessoire, un événement conjoncturel sur lequel ils surfent. En Autriche, en Finlande, aux Pays-Bas ou en Norvège, les populistes ont émergé précisément lors de période de forte croissance. Et même dans des endroits touchés par une profonde crise sociale, comme l'Est de la France ou en Italie, j'ai été frappé à quel point la récession était perçue comme une fatalité, dont on rendait à peine les élites responsables, à laquelle on attendait sans y croire des solutions de la part des populistes.

    Qu'offrent-ils, alors, dans le fond, ces partis qui sont devenus les premiers dans l'électorat populaire d'Europe ? Deux choses. Une identité collective. Une aventure politique.

    L'identité collective. Au peuple qu'ils disent représenter de manière exclusive, les populistes offrent une identité collective, par défaut, par opposition : opposition aux immigrés, aux musulmans, opposition aux élites politiques, économiques, européennes, toutes supposément exogènes. Pour cela, le populisme prospère y compris dans des pays, ou dans des villes, où il n'y a très peu d'immigrés, comme en Finlande, où ils sont moins de 4%, dont beaucoup de ressortissants de pays limitrophes. Les Vrais Finlandais de Timo Soini ont obtenu 20% des voix et caracolent aujourd'hui dans les sondages. Ce parti offre ce que promet son nom : voter pour lui, c'est revendiquer son appartenance à une vraie Finlande. Dans des pays d'immigration forte, cette logique est plus puissante encore.

    Au fond, le populisme est un symptôme de fin de la nation, dans son sens classique : un peuple, enraciné dans un territoire et, du bas en haut de l'échelle social, uni par un récit commun. Le populisme est une réponse à un monde où le lien social, le sentiment d'appartenance à une nation ont perdu de leur force, où les divisions entre les classes populaires et les classes plus aisées, plus polyglottes, plus professionnellement adaptées s'accroissent. Ce que disent les populistes en somme, c'est que seul le peuple est enraciné, parce qu'il n'a d'autres choix que de l'être, tandis que les élites sont ailleurs, elles ne sont plus nationales. Le succès de leur discours ne repose pas tant sur un creusement des inégalités sociales que sur une profonde mutation du sentiment d'appartenance. Un bobo parisien travaillant dans une agence marketing aurait finalement plus en commun avec un autre bobo de Copenhague qu'avec un ouvrier français : c'est partiellement vrai, et c'est de cela dont jouent les populistes. Aux prolétaires de tous pays, les populistes offrent non pas l'union mais l'illusion de constituer une nation. Pour faire cela, ils présente à leurs électeurs une intelligence du monde : les populistes donnent sens - leur sens, avec leurs mots et leurs simplifications - à la mondialisation, à la construction européenne, à l'immigration, à la présence de l'Islam en Europe, etc. A un électorat populaire, ils donnent des clefs d'accès à un monde en mutation et qui les déroutent. Leurs vérités déformées, et si médiatiques, constituent les frontières de nations chimériques.

    Le populisme est, de plus en plus, le parti du peuple, qu'on le veuille ou non. Une réalité politique nouvelle. On ne peux s'abstenir de penser à ce mot allemand, inventé pour qualifier la mouvance ultranationaliste allemande qui apparut dans les années 1920, cette droite nouvelle, extrême, inclassable, à la fois réactionnaire et révolutionnaire, utopique et glaciale : on la décrivait sous le vocable "völkisch", agrégation intraduisible en français de "peuple", au sens de la communauté biologique, et de "populaire". Le populisme européen actuel est völkisch.

    On peut douter que la sortie de la crise suffise à résoudre le problème populiste en Europe. Car le populisme offre en outre autre chose, qu'il est le seul à offrir. Une aventure.

    C'est en Finlande, que j'ai eu l'intuition que le vote pour ces partis populistes avait peut-être une explication supplémentaire. Ce pays scandinave est un cas d'école : une croissance économique soutenue depuis des années, peu impactée par la crise, l'une des meilleures qualités de vie au monde selon les études, seulement 4% d'immigrés, un chômage plus bas qu'ailleurs, un système politique consensuel qui donne la parole à tous, l'un des meilleurs système éducatif au monde, une population polyglotte et ouverte sur le monde et, last but not least, la classe politique la moins corrompue de la planète, selon les experts. Bref, une sorte de paradis. Pourtant, un populiste, Timo Soini et son parti des Vrais Finlandais y sont devenus la deuxième force politique. Pourquoi alors les Finlandais votent-ils pour un populiste ? Bien sûr, le refus du changement, la mutation du système social-démocrate finlandais jouent un rôle. Mais il y a autre chose. Une jeune partisane de Soini m'en a donné la clef. "On s'ennuie", m'a-t-elle dit. Notre système marche trop bien." D'autres ensuite, m'ont tenu des propos similaires : "nos hommes politiques sont trop ternes", "il ne se passe jamais rien en Finlande". Dans un pays où les hommes politiques affichent volontiers leur maîtrise de plusieurs langues et n'élèvent pas la voix dans les débats, Timo Soini parle haut et fort, se fait photographier dans les stades de football et aux courses de chevaux, pintes de bière à la main.

    Pour ses électeurs, Soini et ses Vrais Finlandais ont le goût de l'interdit, de la transgression. Ils ont le goût de l'aventure politique. Ce qui vaut pour la Finlande vaut, je le pense, pour le reste de l'Europe : soutenir des populistes procure un frisson particulier, une exaltation, un ersatz d'aventure politique dans une Europe en paix depuis 1945, dans une Europe où les grandes idéologies du 20ème siècles ont disparues, où la démocratie, le marché, l'enrichissement personnel et le bonheur familial sont les horizons. Il suffit d'aller dans un meeting populiste n'importe où en Europe pour constater l'exaltation, la phraséologie militaire, l'utilisation des symboles patriotiques... Il y un romantisme populiste, qui se nourrit de grands discours, d'emphase. "Nous sommes les derniers chevaliers des Pays-Bas", me disait un député de Wilders. Et il y croyait. Le populisme est un ersatz d'aventure politique, mais une aventure politique sans risque, contrairement aux conflits d'antan. C'est comme si après soixante dix ans de morne paix et d'une démocratie dont la meilleure justification est peu enthousiasmante - le pire des système à l'exception de tous les autres- , le cerveau reptilien des peuples réclamait son compte du fracas des guerres, des trompettes et des tambours des siècles passés. Mais sans risques. D'ailleurs, les populistes européens sont - contrairement à leurs prédécesseurs - rarement hostiles à d'autres pays en particulier. Ils s'allient, se parlent. Ils réservent leur agressivité non plus à l'ennemi extérieur mais, désormais, à l'ennemi intérieur, l'immigré, le banquier, l'homme politique. A la rhétorique de la guerre, ils substituent un climat de guerre civile permanente. Leur aventurisme politique réside d'abord dans le culte de l'homme fort, du sauveur. Dans les partis populistes - qui pourtant disent vouloir rendre le pouvoir au peuple - le culte du chef et le dirigisme l'emportent sur la volonté démocratique. Beppe Grillo est un cas intéressant : alors que son succès paraissait forgé par une offre de démocratie directe, au sein du "mouvement cinq étoiles", par opposition aux mœurs du vieil establishment politique, il se révèle un dirigeant autoritaire et... n'a jamais été autant populaire. Et lorsqu'ils sont au pouvoir, comme Viktor Orban en Hongrie, ils rognent les libertés démocratiques et mettent en place un Etat autoritaire, bientôt une dictature peut-être, sous les applaudissements de leurs électeurs. Orban me disait, avec un cynisme assumé : "l'Europe se trouve dans une période de crise. Le leadership fourni par les institutions n'est pas suffisant, c'est de gouvernement personnel dont nous avons besoin."

    À l'issue de ces trois mois à côtoyer les populistes, j'ai le sentiment que leur succès repose sur un ennui démocratique européen, un morne ennui auquel les chefs populistes répondent par l'exaltation d'une identité par défaut et par la promesse d'une aventure illusoire, avec la complicité de médias sans scrupules et d'une classe politique souvent inapte à prendre la mesure de ce nouveau malaise dans la civilisation.

    HUFFPOST

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    • #3
      Les gens ne sont pas d'accord tout simplement.

      Ils veulent faire à l'échelle de l'Europe ce qu'ils n'ont pas réussit à faire à l'échelle d'un pays. Tu imagines la tchoutchouka. Un représentant de droite, gauche, d'extrême-droite européenne et en même temps, la même chose pour chaque pays. Et chacun se renvoie la balle. Sans compter toutes les autres voies qui sont en train de se multiplier de façon exponentiel. Ça va être le gros bordel.

      Manuel Valls est parti à Barcelone, il a fait un discours en français, catalan et espagnol. C'est carrément n'importe quoi.
      Dernière modification par Louny, 22 mai 2014, 15h25.

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      • #4
        c'est étonnant de voir cette Europe revenir aux populismes sachant qu'elle a chèrement payée ses dérives politiques qui ont conduits à sa destruction durant la seconde guerre mondiale à cause des partis " fascistes et nazi ", l'histoire se répétera -t- elle? est ce le début de la fin de l'Europe?

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        • #5
          Ah bon ? Moi, j'ai vu que l'Europe était avec Hitler (et la Russie aussi).

          Seule la G-B était contre. Et la Pologne car Hitler et l'URSS ont bouffé leur pays.

          Nuance.

          On revient à ce qui a toujours existé.

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