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Les trahisons d’Obama

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  • Les trahisons d’Obama

    Depuis le 11 septembre 2001, les États-Unis sont en état de guerre permanente, révèle un ouvrage coup-de-poing. Assassinats ciblés, détentions illégales : tout est permis, et même autorisé par la main du président. Extrait de Dirty Wars : Le nouvel art de la guerre, de Jeremy Scahill.


    «Le 21 janvier 2013, Barack Obama entreprend son second mandat à la présidence des États-Unis. Tout comme il l’avait fait six ans auparavant au début de sa première campagne électorale, il s’engage à tourner une page de l’histoire en donnant une nouvelle orientation à la politique étrangère américaine. « Une décennie de guerre arrive maintenant à sa fin », déclare-t-il lors de son discours d’investiture. « Nous, le peuple, persistons à croire que la sûreté et la paix durables ne nécessitent pas la guerre perpétuelle. »

    Ce jour-là, les médias concentrent l’essentiel de leur attention sur la nouvelle coiffure de la première dame, Michelle Obama, et sur les vedettes présentes dans l’assistance, dont le géant du hip-hop Jay Z et son épouse, Beyoncé, qui ont chanté l’hymne national. Cependant, au moment même où le président prête serment, un tir de drone frappe le Yémen pour la troisième fois en trois jours. Malgré la rhétorique dont il use sur les marches du Capitole, tout indique qu’Obama continuera à présider aux destinées d’un pays en état de guerre permanente.

    Au cours de l’année ayant précédé la cérémonie, les personnes tuées par des tirs de drones américains en divers endroits du monde ont été plus nombreuses que celles qu’on a emprisonnées à Guantánamo. Au moment où Obama entame son second mandat, son équipe antiterroriste achève la normalisation de la liste des cibles à éliminer, une tâche qui comprend la définition des règles à observer si des citoyens américains se retrouvent dans la mire de la Maison-Blanche. [...]

    L’équipe antiterroriste d’Obama a créé une base de données désignée sous le nom de « grille de mise en œuvre », qui regorge de renseignements sur de présumés terroristes ou militants et propose des méthodes pour les capturer ou les éliminer. Selon certains hauts fonctionnaires, le programme d’assassinats ciblés devrait durer « au moins une autre décennie ». Pendant son premier mandat, « Obama a institutionnalisé la pratique rigoureusement secrète de l’assassinat ciblé, transformant des méthodes répondant à des besoins ponctuels en une infrastructure antiterroriste lui permettant de mener une guerre qui semble permanente », concluait le Washington Post.

    Au début de l’année 2013 est révélée l’existence d’un « livre blanc » du département de la Justice des États-Unis qui établit « la légalité d’une opération létale contre un citoyen américain ». Dans cet opuscule de 16 pages, on affirme que le gouvernement n’est pas tenu de posséder des renseignements démontrant qu’un citoyen américain participe activement à un complot terroriste pour l’inclure sur sa liste des cibles à éliminer. Au contraire, y écrit-on, si « un haut responsable bien informé » juge qu’un citoyen américain représente « une menace imminente » pour les États-Unis, l’administration dispose alors d’un motif suffisant pour le tuer. Les juristes qui ont rédigé le document cherchent à élargir la notion d’« imminence » : « Pour qu’un dirigeant terroriste soit associé à une menace “imminente” d’attentat contre les États-Unis, on n’est pas tenu de fournir à l’administration des preuves irréfutables qu’un attentat particulier contre des Américains sera perpétré dans un avenir immédiat. » Aux yeux des auteurs, attendre « que les préparatifs de l’attentat soient achevés » avant d’éliminer un suspect « ferait en sorte que les États-Unis n’auraient pas le temps de se défendre ». Ils soutiennent qu’une telle opération létale constitue « un homicide légal commis en autodéfense », et « non un assassinat ».

    Pour Jameel Jaffer, [directeur juridique] de l’American Civil Liberties Union (ACLU), « ce document donne froid dans le dos ». « On y affirme que le gouvernement a le droit de procéder à l’exécution extrajudiciaire d’un citoyen américain. Ce pouvoir pourra être exercé par la prochaine administration et les suivantes, dans tous les conflits à venir, et non seulement contre al-Qaida. De plus, l’administration [Obama] considère qu’elle peut en faire usage dans le monde entier, et non sur les seuls champs de bataille officiels, limités dans l’espace. Il s’agit donc d’une recommandation très radicale », conclut Jaffer. [...]

    La guerre planétaire contre le terrorisme est entrée dans sa deuxième décennie, et l’illusion qu’il s’agit d’une guerre propre semble maintenant bien ancrée : nourrie par l’administration Obama, elle a trouvé son public. Tous les sondages indiquent que la population des États-Unis en a assez des grands déploiements militaires comme ceux d’Irak et d’Afghanistan, qui ont fait tant de victimes chez les soldats américains. Un sondage effectué en 2012 a montré que 83 % des Américains approuvent le programme de drones d’Obama, et que 77 % des électeurs qui se disent démocrates progressistes y souscrivent. [...]

    En créant une liste de cibles à éliminer et en multipliant les tirs de drones, « Obama a trahi sa promesse de mettre en œuvre des politiques antiterroristes respectant la Constitution des États-Unis », accuse Michael Boyle, politologue à l’Université LaSalle, à Philadelphie, qui a fait partie du groupe d’experts sur la lutte antiterroriste de la campagne d’Obama. Le président « a banalisé et systématisé les exécutions extrajudiciaires ordonnées dans le bureau ovale, profitant de la supériorité technologique temporaire de Washington dans le domaine des drones pour mener une série de guerres de l’ombre en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen et en Somalie. À l’insu des parlementaires, des tribunaux et du public, Obama autorise des meurtres sur une base hebdomadaire et évalue secrètement la culpabilité ou l’innocence des personnes susceptibles d’être inscrites sur la liste des cibles à éliminer ». [...]

    Aujourd’hui, au nom de la sécurité nationale des États-Unis, le président et ses conseillers déterminent secrètement qui doit vivre ou mourir, interprètent les lois derrière des portes closes et considèrent qu’aucune cible n’est illégitime, pas même un citoyen américain. Cependant, les incidences des décisions prises à Washington ne concernent pas seulement la séparation des pouvoirs propre à la démocratie américaine. En janvier 2013, Ben Emmerson, rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, annonce l’ouverture d’une enquête sur les opérations létales que mènent les États-Unis. Dans son communiqué de presse, il rappelle l’analyse de Washington, selon laquelle les « démocraties occidentales […] se livrent à une guerre sans fin contre un ennemi sans État sur un théâtre des opérations dépourvu de frontières ». Cette thèse, affirme-t-il, est « vigoureusement contestée par la plupart des États et par la majorité des spécialistes du droit international vivant à l’extérieur des États-Unis ». [...]

    Le tir de drone qui frappe le Yémen le jour même où le président prête serment montre une fois de plus que l’unilatéralisme et l’exceptionnalisme américains ne sont pas de simples axiomes partagés par les deux grands partis, mais une institution permanente des États-Unis. En renonçant progressivement aux campagnes militaires à grand déploiement, les États-Unis ont multiplié leur recours aux drones de combat, aux missiles de croisière et aux raids des forces spéciales dans un nombre sans précédent de pays. La guerre contre le terrorisme se nourrit désormais d’elle-même.

    Une question douloureuse demeure, pour tous les citoyens des États-Unis : comment une telle guerre peut-elle prendre fin ?

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