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Gaz de schiste : L’Utopie américaine

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  • Gaz de schiste : L’Utopie américaine

    Lors de sa dernière tournée européenne, le président américain, Barack Obama, n’a pas manqué de vanter les progrès de son pays dans le domaine de l’exploitation du gaz de schiste. Mais les écologistes du vieux continent mettent en garde contre la tentation de vouloir importer ce mode invasif d’extraction des hydrocarbures, qu’ils jugent très néfaste pour l’environnement et la santé des personnes.


    Le gouvernement français n’a pas attendu de connaître les résultats des nombreuses études en cours pour évaluer l’impact sur l’environnement de l’exploitation des hydrocarbures emprisonnés dans les roches de schiste, par un forage horizontal et la technique dite de «fracturation hydraulique». Avec la loi votée en 2011, il devient le premier Etat à interdire l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste par ce procédé sur le territoire français. Mais le réalisme des responsables français laisse les groupes énergétiques de l’Hexagone libres de participer à cette nouvelle chasse à l’or noir dans d’autres pays, dont l’Algérie qui a lancé un appel d’offres international pour la recherche et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, sans qu’aucun débat citoyen n’ait été initié.

    Pourtant, de par le monde, les experts qui ne sont pas liés aux lobbies proches des groupes pétroliers s’opposent à cette nouvelle exploration des hydrocarbures car responsable, selon eux, de la contamination des nappes phréatiques, du sol et de l’air environnants. Pour leur part, les autorités algériennes se sont empressées de mettre sur le marché mondial les sept bassins de gaz de schiste localisés dans le Sud, mais aussi au Nord-Est, soit 30 000 milliards de mètres cubes, (chiffre avancé par le ministre de l’Energie, Youcef Yousfi).

    La nouvelle loi sur les hydrocarbures ne prévoit aucune limitation à ces exploitations menées par des multinationales avides de gain facile mais évoque seulement la condition d’obtenir «l’approbation du Conseil des ministres». Comme si le gouvernement algérien était le propriétaire exclusif du sol, du sous-sol et de tout ce qu’il regorge, surtout les précieuses nappes phréatiques dans un pays où la sécheresse est une menace constante. Pire, ce mode d’extraction des hydrocarbures étant très coûteux, l’Algérie devra investir 300 milliards de dollars en équipements. Un capital faramineux qui pourrait être utilisé pour résoudre le problème du chômage, du logement et améliorer le secteur moribond de la santé.

    L’Europe sceptique malgré sa dépendance énergétique

    En Europe, la Bulgarie a suivi l’exemple français et a interdit la fracturation hydraulique, alors que la Grande-Bretagne, fortement influencée par les Américains, préfère suspendre régulièrement cette activité des gisements ouverts sur son sol, quand la pression des mouvements de protestation devient forte. En Italie, le débat sur ce sujet commence à peine à s’animer bien que les dirigeants du groupe Eni (Ente Nazionale Idrocarburi) ont commencé dès 2010 à faire miroiter cette panacée en s’engageant avec trois concessions d’exploitation en Pologne.
    Mais au début de cette année, ils ont renoncé à cette filière en se déclarant «insatisfaits des résultats».

    L’Eni tente encore sa chance au Pakistan, en Chine, en Tunisie et en Algérie car les Européens envient les américains qui ont réussi à couvrir, avec ce mode d’extraction des hydrocarbures, le quart de leur besoin en énergie et pourraient même s’affranchir totalement de l’importation, allant jusqu’à en exporter dans dix ans. Mais l’opinion publique aux USA est contraire cette éventualité par crainte que les prix du gaz et du pétrole ne montent. Les USA produisent 220 milliards de mètres cubes de gaz de schiste par an, ce qui équivaut à la production de gaz conventionnel du Nigeria.

    En Europe, cette propagande pour «vendre le rêve américain» a perdu un peu de son enthousiasme face aux réels risques encourus. «Un puits creusé pour extraire le gaz de schiste donne 50% de son potentiel la première année, et pour extraire plus de ressources il faut en creuser un autre et un autre. Le terrain devient comme un morceau de gruyère», explique le plus grand expert italien en la matière, Leonardo Maugeri, ancien dirigeant à l’Eni, aujourd’hui conférencier à l’université de Harvard. Les militants américains opposés à cette industrie extractive citent le phénomène d’apparition de secousses telluriques dans les régions touchées par ces forages. Selon Maugeri, il faut dire la vérité aux Italiens et cesser de leur faire miroiter la possibilité de s’affranchir de l’importation du gaz arabe et russe en creusant sous leurs pieds.

    De la fragmentation des sols

    «Ceux qui font la promotion de l’exploitation à grande échelle du gaz de schiste ne savent pas de quoi ils parlent», ajoute l’expert sans détour. Car les véritables spécialistes mettent en garde contre cette fragmentation des sols qui met en péril l’équilibre de l’environnement et la santé des personnes. Mais le problème le plus sérieux reste la pollution du sol et de l’air car cette technique d’extraction utilise l’eau sous pression mélangée à des substances chimiques hautement toxiques et dont plusieurs sont cancérigènes. Environ 2500 produits sont utilisés, dont 750 sont des substances chimiques.

    L’Administration Obama a demandé au Sénat de lancer un moratoire pour exiger des multinationales de lever le secret sur la composition de ce liquide qui sert à briser les roches imperméables de schiste pour en récupérer les hydrocarbures. Sans parler des minéraux radioactifs et dangereux qui sont portés à la surface à cause des forages profonds, comme le polonium et le radium-226 qui ne perd sa radioactivité qu’après 3000 ans.

    Les conséquences désastreuses de ce business se manifestent déjà dans les régions américaines où des sociétés pétrolières sont en pleine activité. Des vaches d’élevage qui s’écroulent terrassées par une mort soudaine, du méthane qui sort des robinets à la place de l’eau courante, des centaines de camions qui transforment la quiétude des campagnes en un infernal milieu pollué. Des courts métrages pour dénoncer cette réalité circulent sur internet.

    L’un d’eux, Gasland, boycotté par les groupes pétroliers, censuré par d’autres, a quand même fait le tour du web. Josh Fox, son auteur, raconte dans le programme Report : «Les groupes pétroliers ont dépensé des centaines de millions de dollars pour lancer une campagne médiatique de propagande contre mon film.» C’est dire que ce jeune réalisateur a touché des intérêts colossaux et des lobbies puissants. Mais aux USA, dans tous les Etats où des sociétés exploitent le gaz ou le pétrole de schiste, des mouvements associatifs s’opposant à la fracturation hydraulique se sont constitués et ont réussi dans certaines régions à bloquer les exploitations. Interpellé par des écologistes de son pays, le pape argentin François s’est fait photographié avec un tee-shirt portant l’écriture «No al fracking», (Non à la fracturation).

    Le gaz de schiste, extrait à large échelle aux USA, n’est pas une formule qui peut être généralisée à d’autres régions du monde. Et si des pays démocratiques, où la mobilisation citoyenne dissuade les décideurs de franchir le pas vers l’autorisation de ce type d’exploitation des hydrocarbures, dans les pays gouvernés par des pouvoirs répressifs et où le débat-citoyen est une utopie, la légalisation de ce genre d’industrie peut sonner le glas pour le futur de régions entières qui seront saccagées par des engins de multinationales rapaces qui dévasteraient le sous-sol et sèmeraient des poisons dans l’eau et l’air, compromettant l’équilibre de l’environnement et la santé des riverains pour des siècles. Et c’est l’ancien dirigeant de l’Eni qui l’affirme : «La prévention ou le ‘‘pétrole vert’’ a un coût, mais les groupes pétroliers ont investi des miettes dans ce domaine.»

    El watan
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