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Cures détox: comment expliquer la mode du "Juicing"?

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  • Cures détox: comment expliquer la mode du "Juicing"?

    De plus en plus prisées en France, les cures de jus venues des Etats-Unis suggèrent de ne s'alimenter que de fruits et légumes pressés, durant plusieurs jours. Quels sont les réels bienfaits de cette méthode, comment expliquer ce succès?

    La scène dont a été témoin l'auteure de ces lignes se déroule dans une boutique du très chic VIème arrondissement de Paris. Une femme, la quarantaine épanouie, flottant dans son slim, sirote une mixture vert fluo, qu'elle vante auprès de la vendeuse: "Vous devriez essayer, c'est délicieux! Certes, c'est 40 euros par jour, mais quand on pense à toutes les toxines qu'on élimine grâce à cette cure, ça les vaut, non?". Et la jeune vendeuse un peu gironde de noter fébrilement le nom de l'organisme spécialisé dans le "juicing"... Lequel lui livrera moyennant une somme rondelette sa dose quotidienne de jus de fruits et légumes durant les trois, quatre voire sept prochains jours. Avec à la clé cette promesse: "Faciliter le processus naturel de détoxification de l'organisme et permettre au corps de se sentir au mieux de sa forme".

    Le juicing, qui nous vient tout droit des Etats-Unis et ne cesse de séduire les Françaises en quête "de naturel et de purification" est-il un énième cas d'école d'un marketing réussi ou véritable allié bien-être? N'est-il pas dangereux de se nourrir exclusivement de liquides pendant plus d'une journée? Notre corps a-t-il vraiment besoin qu'on l'aide à se "détoxifier"?

    Le foie et les reins, des filtres qui n'ont pas besoin d'aide

    Pour Olivier Bernard, pharmacien québécois et auteur du blog "Le Pharmachien", le postulat de départ de tous les produits vendus pour "nettoyer le système digestif" est une "escroquerie". Dans un billet intitulé "cinq mensonges à propos des toxines", il explique à grand renfort d'humour et de pédagogie que le foie et les reins, les deux organes "filtrants" de notre corps n'ont pas besoin d'aide pour remplir leurs fonctions. "Soient ils fonctionnent et tout va bien, soit ils ne fonctionnent pas et l'on meurt", tranche-t-il. De même, les intestins ne peuvent pas physiologiquement stocker le moindre déchet, sous peine d'une occlusion intestinale. Là encore, penser que se nourrir de jus peut contribuer à un décapage de notre appareil digestif est donc totalement illusoire, il n'est pas question de plomberie mais d'anatomie et les deux ne fonctionnent pas tout à fait de la même façon.
    En bref, conclut le pharmacien, s'il est normal d'éprouver après une période d'agapes des ballonnements et un besoin de ralentir les excès, il suffit de retrouver un rythme alimentaire normal pour se sentir mieux.

    Un avis partagé par Ariane Grumbach, nutritionniste et blogueuse: "Ce mot detox ne veut pas dire grand chose et je mets quiconque au défi de le définir scientifiquement! Pour parler de detox, cela veut dire qu'il y a intox! Quand on a une alimentation "normale", saine et variée, qu'on est en bonne santé, notre organisme sait très bien s'occuper de garder ce qui est bon, dont il a besoin et évacuer le reste".

    Cela dit, poursuit Ariane Grumbach, "si l'on a une alimentation très copieuse, très riche et /ou avec beaucoup de boissons alcoolisées, on peut ressentir un inconfort et avoir envie d'y remédier en ralentissant un peu la cadence". A ce moment là, pourquoi en effet ne pas jeûner sur une courte durée, "ou boire des jus deux ou trois jours". "Il me paraît alors plus juste de parler de pause, de repos de l'organisme, plutôt que de detox". Et de préciser: "Cela peut se faire également en mangeant légèrement, pas forcément en passant au tout liquide".

    L'illusion du manger sain

    D'une manière générale, analyse encore cette spécialiste de la nutrition, ce qui peut inquiéter dans cette mode du "juicing", c'est ce qui la rapproche de l'orthorexie, ce trouble du comportement alimentaire "poussant à manger - ou d'ailleurs souvent à ne pas manger - en fonction de la peur de ne pas ingérer des aliments sains pour le corps". Il y a, poursuit-elle, cette illusion de croire que l'on peut "nettoyer son corps" comme on rangerait sa maison, "pour souvent repartir de plus belle ensuite dans une alimentation riche, transformée et industrielle qu'on ne veut pas changer en profondeur".
    Une tendance dans la mouvance du régime "Paléo" et de l'envie de "manger local"
    Une illusion que l'on peut lier à cette tendance à lorgner vers un "avant" forcément meilleur, moins corrompu par la modernité et ses dérives. Le succès du régime "Paléo" consistant à manger comme nos ancêtres les chasseurs-cueilleurs pourrait également s'inscrire dans cette mouvance. Dans une moindre mesure, le "manger local" également. "On a peur de s'empoisonner, de l'effet qu'auront nos choix de nourriture dans vingt ou trente ans sur notre organisme. Manger n'est plus acte réparateur, mais une source d'angoisse", observait le psychiatre Gérard Apfeldorfer, interviewé peu avant un colloque organisé par le GROS (Groupe de recherche sur l'obésité et le surpoids) portant sur les peurs alimentaires.

    Pourtant, selon lui, "une chose est certaine: il est moins dangereux de s'alimenter aujourd'hui qu'il y a un siècle, où l'on risquait une intoxication assez fréquemment, en raison d'additifs toxiques, de cuissons dangereuses, d'une mauvaise conservation des aliments ou de bactéries aujourd'hui quasiment disparues". Et d'ajouter: "Derrière ce précautionnisme actuel, je crois qu'il y a cette croyance de pouvoir lutter contre le vieillissement, voire la mort, en ne se nourrissant que d'aliments ultra sains. C'est une quête de jouvence un peu vaine, surtout lorsqu'elle vire à l'obsession..."

    A pratiquer avec modération, "pour se faire du bien", pas pour maigrir

    Si poussé à l'excès, le "juicing" est préoccupant, il peut néanmoins etre vu sous un angle plus positif, comme une simple volonté de se faire du bien. Eleonore, jeune cadre dynamique, pratique occasionnellement le juicing qu'elle a connu en "vivant à New-York". Lucide quant à l'efficacité réelle de la méthode, elle la conçoit comme "un bon moyen de faire une petite pause bien plus drôle qu'un régime, car au bureau, on ne dit pas 'je mange des brocolis parce que je veux perdre du poids' mais 'je fais un juicing pour me faire du bien.'"
    Attention, prévient-elle, "le premier jour peut être rude et provoque en général de gros maux de tête. Normalement il faut avoir préparé le terrain deux jours avant au moins en mangeant "green" (pas de viande, pas de sucre) pour alléger le choc. Mais ensuite, assure-t-elle, "c'est ludique et la plupart du temps très bon". En revanche, admet Eleonore, dans son cas, "les cures de jus ne font pas maigrir. En général, il y a même un léger problème de "lâchage" lorsque je reprends le solide." Mais, assure-t-elle, "c'est quand même une bonne idée pour dégonfler et c'est vraiment bien pour la peau".

    "Cinq ou six jours de cure sans repas, ce n'est pas raisonnable"

    "En n'absorbant que des jus pendant quelques jours, on baisse son apport calorique et on perd du poids... Qu'on reprendra aussi vite si on se remet à manger comme avant!", confirme Ariane Grumbach. "Ce type de cure ne devrait pas avoir un objectif de perte de poids mais c'est malheureusement un argument que plusieurs marques (pas toutes) mettent en avant car c'est encore plus vendeur que le "nettoyage interne"", ajoute-t-elle. En revanche, veut croire la nutritionniste, cela peut être "le début d'une prise de conscience, pour changer en profondeur sa façon de manger". Là, cela peut, indirectement, mener à une perte de poids effective et durable.

    Mais attention, prévient Ariane Grumbach: "Si on a déjà des problèmes avec l'alimentation, et notamment des compulsions alimentaires, il est probable que l'on craque assez vite, après un ou deux jours, car on ne supportera pas cette discipline. On risque alors de renforcer les compulsions". Si l'on n'a pas ce type de problèmes, conclut la nutritionniste, "on peut avoir suffisamment de volonté pour tenir, mais on risque de se sentir très faible (à réserver donc plutôt à une période de week-end, vacances, calme)". Et il est possible qu'on se jette un peu sur la nourriture en fin de cure. Quoi qu'il en soit, alerte-t-elle, "cinq ou six jours de jus sans repas, cela ne me parait pas raisonnable". "En revanche, boire des jus dans le cadre de son alimentation, parce qu'on aime cela, parce que c'est une façon complémentaire de consommer des fruits et des légumes, pourquoi pas." En somme, le juicing, oui, mais avec lucidité et modération.

    l'express fr
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