des gorges de Kherrata aux berges de la Seine ‘’Un trou de mémoire de plus dans la tête à claques de l’Histoire’’
(‘’Nuit d’Ambre’’, Sylvie Germain, Gallimard, 1986)
par Zahia el Mokrani-.Gonon [email protected] Paris, le 10 octobre 2006
-----------------------------------------------
Alors que les Historiens font preuve de divergences pour dater le commencement de la ‘’guerre d’Algérie’’ : le 1er-novembre-1954 pour les uns, le 8-mai-1945 pour les autres, le 17-octobre-1961 a le mérite de la clarté. C’est, incontestablement, le premier ‘’acte’’ sanglant, de masse, se déroulant sous les yeux des ‘’métropolitains’’, mais aussi, le dernier ‘’acte’’ en clôture de 130 ans d’hostilités, autrement dit, un ‘’adieu aux armes’’ sur Seine, un ‘’solde de tous comptes’’ afin que toute la France, au bord de la guerre civile sur le sujet, n’ignore plus la rançon exigée des Algériens, pour prix de la libération de leur patrie.
Cinq mois plus tard, ‘’Un cessez-le-feu est conclu. Il sera mis fin aux opérations militaires et à la lutte armée sur l’ensemble du territoire algérien le 18 mars 1962, à douze heures.’’
Mais, près d’un demi-siècle plus tard, une ‘’occultation’’ persiste : Que faisaient, ce jour là, les locataires des deux Palais qui gouvernent ?
I. Le 17-octobre, premier ‘’acte’’ de la sanglante ‘’pacification’’ vécu (‘’en live’’ dirait-on aujourd’hui) sur le sol français.
En tête de cette commémoration, nous tenons à exprimer notre immense reconnaissance à celles et ceux qui avaient, au risque de leur vie, bravé tous les interdits et pris sur le vif les images et des témoignages qui ont permis d’éclairer l’opinion publique, face à la défaillance, voire l’approbation, des organes de ‘’la grande presse’’ et lèguent ces pièces à conviction afin de poursuivre les investigations, aujourd’hui.
Nombreux parmi ces ‘’justes’’ ne sont plus des nôtres. Nous unissons leur mémoire et celles des victimes dans le même hommage. Plusieurs de leurs compagnons d’alors continuent le combat contre l’oubli, en particulier sur un site, toujours accessible, répertoriant la presque totalité des activités jusqu’à une date récente.
Leur dernière communication est une analyse magistrale sur les raisons conscientes ou inconscientes qui ont frappé de silence, pendant longtemps, ce ‘’17-octobre’’ au profit de ‘’Charonne’’. Nous n’y reviendrons pas sans risque de les paraphraser.
Le sujet réserve bien des révélations, au gré des vagues cycliques des publications (1985/86, 1991, 1996, 2001/02, 2005/06). Il nous semble équitable d’exhumer de l’oubli quelques oeuvres, alors que leurs tirages sont épuisés.
Sylvie Germain, alors jeune romancière, de sensibilité chrétienne selon sa biographie, met en scène un personnage qui se rend au pont Notre Dame de Paris, pour le premier anniversaire du 17-octobre et constate qu’il est seul.
La somme des témoignages des participants Algériens et Français recueillis par Michel Lévine et publiés en 1985 constitue un véritable noyau dur.
On y relève la présence de René Dazy qui n’est pas un débutant dans les luttes anti-fascistes. L’Histoire lui doit les documents photographiques de correspondant de guerre sur le front de l’Est. Nous lui devons aussi, une analyse sans concession sur le PCF face à la ‘’guerre d’Algérie’’ et bien sûr, sur le 8-mai-1945.
Après quelques jours de flottement où les organes de la grande presse se sont contentés de reproduire les communiqués officiels, quelques journalistes réagissent.
Dès novembre, dans un papier, intitulé ‘’Un miroir pour les Français’’, Jean Cau qui n’a jamais dissimulé ses convictions droitières, publie les confidences, sans haine et sans crainte, d’un syndicaliste Algérien : « Nous avons évalué la solidarité des travailleurs et du peuple Français. Nous savons qu’elle n’existe pas en dehors des communiqués, des pétitions et des appels. Nous en prenons acte. Aux syndicats, aux partis, à la gauche politique française d’être mis le nez sur leur pourrissement. Voici leurs troupes : ces chauffeurs d’autobus qui ne descendent pas de leur cabine lorsqu’on transforme leur cabine en car de police ; les mêmes qui signalent aux policiers à Neuilly, par des appels phare-code, la présence d’Algériens dans leur autobus ; et des ouvriers de chez Renault qui voient retirer dans l’île Seguin un cadavre d’Algérien de la Seine, et qui regardent, et qui s’éloignent indifférents ».
Et, de conclure : « Non, cher Cau, tu es en train de te tasser sur ta chaise. Tu n’es pas très flambant ! Tu es Français et ces hommes te parlent de toi ». Cette fois, il s’abstient de ressortir son image de prédilection : ces ‘’loqueteux’’.
C’est en octobre 1991, en commémoration du trentenaire, qu’un appel à manifester est lancé par quelques organisations associatives et étudiantes, avec des mots d’ordre réactualisés contre la droite extrême.
Il n’est pas inutile de rappeler que Mitterrand, l’homme des ‘’Pouvoirs spéciaux’’ pour l’Algérie venait d’aligner un dispositif supplétif de l’armée US contre la République d’Iraq : autrement dit, ‘’la logique de guerre’’ après ‘’la négociation, c’est la guerre’’.
La Bourse du Travail, Place de la République, était réquisitionnée ce qui ne laissait aucun doute sur le caractère officiel de la récupération… pardon, de l’initiative.
Mais le dérangement n’était pas inutile : il était impossible d’entendre le témoignage, à la tribune, d’un policier sous les salves ininterrompues des applaudissements. Les objectifs serraient de prés les visages ravinés des travailleurs Algériens, assis au premier rang des travées.
(‘’Nuit d’Ambre’’, Sylvie Germain, Gallimard, 1986)
par Zahia el Mokrani-.Gonon [email protected] Paris, le 10 octobre 2006
-----------------------------------------------
Alors que les Historiens font preuve de divergences pour dater le commencement de la ‘’guerre d’Algérie’’ : le 1er-novembre-1954 pour les uns, le 8-mai-1945 pour les autres, le 17-octobre-1961 a le mérite de la clarté. C’est, incontestablement, le premier ‘’acte’’ sanglant, de masse, se déroulant sous les yeux des ‘’métropolitains’’, mais aussi, le dernier ‘’acte’’ en clôture de 130 ans d’hostilités, autrement dit, un ‘’adieu aux armes’’ sur Seine, un ‘’solde de tous comptes’’ afin que toute la France, au bord de la guerre civile sur le sujet, n’ignore plus la rançon exigée des Algériens, pour prix de la libération de leur patrie.
Cinq mois plus tard, ‘’Un cessez-le-feu est conclu. Il sera mis fin aux opérations militaires et à la lutte armée sur l’ensemble du territoire algérien le 18 mars 1962, à douze heures.’’
Mais, près d’un demi-siècle plus tard, une ‘’occultation’’ persiste : Que faisaient, ce jour là, les locataires des deux Palais qui gouvernent ?
I. Le 17-octobre, premier ‘’acte’’ de la sanglante ‘’pacification’’ vécu (‘’en live’’ dirait-on aujourd’hui) sur le sol français.
En tête de cette commémoration, nous tenons à exprimer notre immense reconnaissance à celles et ceux qui avaient, au risque de leur vie, bravé tous les interdits et pris sur le vif les images et des témoignages qui ont permis d’éclairer l’opinion publique, face à la défaillance, voire l’approbation, des organes de ‘’la grande presse’’ et lèguent ces pièces à conviction afin de poursuivre les investigations, aujourd’hui.
Nombreux parmi ces ‘’justes’’ ne sont plus des nôtres. Nous unissons leur mémoire et celles des victimes dans le même hommage. Plusieurs de leurs compagnons d’alors continuent le combat contre l’oubli, en particulier sur un site, toujours accessible, répertoriant la presque totalité des activités jusqu’à une date récente.
Leur dernière communication est une analyse magistrale sur les raisons conscientes ou inconscientes qui ont frappé de silence, pendant longtemps, ce ‘’17-octobre’’ au profit de ‘’Charonne’’. Nous n’y reviendrons pas sans risque de les paraphraser.
Le sujet réserve bien des révélations, au gré des vagues cycliques des publications (1985/86, 1991, 1996, 2001/02, 2005/06). Il nous semble équitable d’exhumer de l’oubli quelques oeuvres, alors que leurs tirages sont épuisés.
Sylvie Germain, alors jeune romancière, de sensibilité chrétienne selon sa biographie, met en scène un personnage qui se rend au pont Notre Dame de Paris, pour le premier anniversaire du 17-octobre et constate qu’il est seul.
La somme des témoignages des participants Algériens et Français recueillis par Michel Lévine et publiés en 1985 constitue un véritable noyau dur.
On y relève la présence de René Dazy qui n’est pas un débutant dans les luttes anti-fascistes. L’Histoire lui doit les documents photographiques de correspondant de guerre sur le front de l’Est. Nous lui devons aussi, une analyse sans concession sur le PCF face à la ‘’guerre d’Algérie’’ et bien sûr, sur le 8-mai-1945.
Après quelques jours de flottement où les organes de la grande presse se sont contentés de reproduire les communiqués officiels, quelques journalistes réagissent.
Dès novembre, dans un papier, intitulé ‘’Un miroir pour les Français’’, Jean Cau qui n’a jamais dissimulé ses convictions droitières, publie les confidences, sans haine et sans crainte, d’un syndicaliste Algérien : « Nous avons évalué la solidarité des travailleurs et du peuple Français. Nous savons qu’elle n’existe pas en dehors des communiqués, des pétitions et des appels. Nous en prenons acte. Aux syndicats, aux partis, à la gauche politique française d’être mis le nez sur leur pourrissement. Voici leurs troupes : ces chauffeurs d’autobus qui ne descendent pas de leur cabine lorsqu’on transforme leur cabine en car de police ; les mêmes qui signalent aux policiers à Neuilly, par des appels phare-code, la présence d’Algériens dans leur autobus ; et des ouvriers de chez Renault qui voient retirer dans l’île Seguin un cadavre d’Algérien de la Seine, et qui regardent, et qui s’éloignent indifférents ».
Et, de conclure : « Non, cher Cau, tu es en train de te tasser sur ta chaise. Tu n’es pas très flambant ! Tu es Français et ces hommes te parlent de toi ». Cette fois, il s’abstient de ressortir son image de prédilection : ces ‘’loqueteux’’.
C’est en octobre 1991, en commémoration du trentenaire, qu’un appel à manifester est lancé par quelques organisations associatives et étudiantes, avec des mots d’ordre réactualisés contre la droite extrême.
Il n’est pas inutile de rappeler que Mitterrand, l’homme des ‘’Pouvoirs spéciaux’’ pour l’Algérie venait d’aligner un dispositif supplétif de l’armée US contre la République d’Iraq : autrement dit, ‘’la logique de guerre’’ après ‘’la négociation, c’est la guerre’’.
La Bourse du Travail, Place de la République, était réquisitionnée ce qui ne laissait aucun doute sur le caractère officiel de la récupération… pardon, de l’initiative.
Mais le dérangement n’était pas inutile : il était impossible d’entendre le témoignage, à la tribune, d’un policier sous les salves ininterrompues des applaudissements. Les objectifs serraient de prés les visages ravinés des travailleurs Algériens, assis au premier rang des travées.
Commentaire