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En Algérie, le marché de la pièce détachée ébranlé par Taïwan

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  • En Algérie, le marché de la pièce détachée ébranlé par Taïwan

    Le marché de la pièce détachée en Algérie est en proie à l'arrivée massive de pièce détachées contrefaites en provenance de Taïwan et cela devient de plus en plus problématique car l'approvisionnement de la pièce détaché suivait déjà deux circuits parallèles entre le classique et l'informel , or comment tracer dans ces conditions l'origine exacte de la pièce? Et la contrefaçon est une véritable gangrène car la qualité est souvent absente et quand il s'agit de pièce détaché de véhicules, la sécurité n'est plus assuré et malgré cela elle séduit en raison de son faible coût.

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    Deuxième grand marché sur le continent après l’Afrique du Sud, le créneau de la pièce détachée en Algérie est en proie à une fulgurante contrefaçon aux conséquences dramatiques sur les usagers des voitures.

    Qui importe ? D’où importe-t-on ? Ces produits sont-ils conformes aux exigences de sécurité ? Les pratiques commerciales sont-elles transparentes ? Nous sommes à «Ezraa» (Les Castors), artère commerçante sur la périphérie sud d’Oran. Le fief incontestable de la pièce détachée. Ici tout se vend ou presque. Carrosseries, mécanismes d’embrayage, essuie-glaces, plaquettes de freins, alternateurs, démarreurs, filtres à huile, optiques de phare... «Mais attention, rien n’échappe à la contrefaçon», avertit un chauffeur de taxi en homme averti. »Taïwan ? Non, non, la pièce est d’origine», tente de rassurer un vendeur derrière son comptoir à l’adresse d’un des clients, visiblement méfiant. .

    L’emballage et la pièce portent effectivement l’estampille du nom d’une marque connue. «Mais comment être sûr que la griffe est bel et bien authentique ?», demande le client. Pour le commun des usagers, il est impossible, en effet, de savoir si la pièce est contrefaite ou non. L’appât du plus bas prix fait souvent basculer la décision des clients.

    A «Ezraa» comme partout ailleurs en Algérie, les produits contrefaits coûtent en général jusqu’à 30% moins cher. Dans un pays où le parc roulant est vieillissant et dont plus de 99% des pièces de rechange commercialisées sont importées, les fausses pièces détachées de voiture font des ravages sur les routes. Le «made in China» reste plus que jamais, le plus répandu. Des milliers de commerçants vivent de ce commerce. Grandes victimes de produits contrefaits venus des usines pirates d’Asie, qui produisent chaque année des centaines de milliers de tonnes de fausses pièces, flouant les consommateurs.

    Face à cette situation, la direction régionale du Commerce, chapeautant Oran, Mostaganem, Sidi Bel-Abbès, Aïn Témouchent et Tlemcen tente de réagir. Cette administration s’apprête, en effet, à mettre un peu d’ordre dans un marché longtemps resté aux frontières de l’informel.

    Ce qui est considéré comme une première, à lancer une enquête exhaustive pour connaître les tenants et aboutissants d’un marché qui brasse journellement des masses inestimables d’argent. Cette volonté officielle de baliser et de contrôler l’évolution du marché de la pièce détachée, en expertisant et en disséquant les différentes opérations, s’articule autour d’innombrables questions auxquelles la DCP a la charge désormais de chercher les réponses. La contrefaçon est promue au rang «d’une arme de destruction massive» sur les routes. Des entreprises parallèles asiatiques de tous bords forment le nouvel «axe du Mal». Les fausses pièces détachées de voitures sont de véritables copies bon marché. La disponibilité du «Taïwan» un peu partout dans les points de vente et la difficulté de différencier entre l’original et la contrefaçon a grandement favorisé l’émergence d’un commerce parallèle de la pièce détachée. Presque tous les produits commercialisés ont leur pendant contrefait, imité et injecté dans le circuit de la vente. Contrefaçon grossière ou admirablement travaillée, la qualité dépendant du prix de la contrefaçon, le «Taïwan» n’épargne aucune marque et les logos marquants de la pièce détachée sont allègrement copiés dans certaines parties du globe avant d’envahir le marché national.

    De l’Asie et plus particulièrement de la Chine, Taïwan ou la Corée et du bassin méditerranéen avec la Turquie et un degré moindre l’Italie, la pièce de rechange est commandée à l’étranger avant son introduction «frauduleuse» au pays. Ensuite, la chaîne classique du circuit de distribution se met en branle pour approvisionner le marché légal de la pièce automobile. Dans de sombres arrière-boutiques et à l’intérieur d’inoffensifs emballages, des pièces de rechange contrefaites peuvent à tout moment être à l’origine de drames sur les routes algériennes. Des pistons aux cylindrées en passant par les roulements, les pompes d’embrayage et de freins, le liquide de freins, les bougies d’allumage, et la liste est longue, toute pièce peut être sujette à l’imitation. Les marques allemandes SM, Goetze ou Fag, la française Perfect ou l’espagnole Wrakynson sont contrefaites et les pièces sont en vente libre. Les roulements SKF deviennent SKD à l’intérieur d’un emballage presque similaire, et tous ces produits, généralement de précision, peuvent causer des dégâts importants s’ils ne sont pas certifiés et reconnus.

    Le marché national de la pièce de rechange continue, jusqu’à aujourd’hui, à être alimenté par deux canaux différents: les distributeurs agréés et le marché informel. Ce dernier s’approvisionne de la contrefaçon et des pièces détachées provenant du désossement des véhicules volés. Certains détaillants, lors de la transaction, avertissent leurs clients de l’origine de la pièce détachée et des différences de prix affichés, et «c’est laissé à l’appréciation de chacun» dit un revendeur. «Il existe des clients qui préfèrent la pièce Taïwan parce que c’est moins cher et que, peut-être, ne cherchent-ils finalement qu’à dépanner pour revendre leur véhicule» ajoute-t-il.

    En plus des consommateurs floués, les distributeurs exclusifs de certaines marques pâtissent de cette concurrence déloyale.

    La commercialisation du faux est souvent fatale sur les routes. En 2005, au moins 15% des décédés sur les routes sont imputables aux fausses pièces de rechange, selon les statistiques de la sécurité routière. Le commerce de la pièce «Taïwan» produit les bilans de mortalité les plus élevés ces dernières années. Dernier exemple en date: fin août, au moins 9 personnes sont décédées dans un accident de la circulation à Oran. Les experts concluent à un défaut mécanique de freinage. Tout le système de freinage était en effet «Taïwan». »Les freins et les amortisseurs peuvent provoquer des accidents mortels. D’autres pièces comme les plaquettes de freins, les disques d’embrayage, les mâchoires de freins, peuvent être cancérigènes, car certaines sont fabriquées à partir d’amiante», explique un expert automobile. Les experts estiment à au moins 2.000 ou 3.000 le nombre de personnes qui meurent chaque année pour cause de la fausse pièce de rechange. «Les très officielles stations de contrôle des voitures ne devront-elles pas prendre le taureau par les cornes ?», se demande un usager.

    Selon la douane algérienne, l’importation de pièces détachées automobiles a atteint 32,84 millions de dollars à la fin du 1er trimestre 2006, ce qui représente une baisse de 28% par rapport à la même période de 2005 qui a enregistré 45,25 millions de dollars d’importation. Les pièces détachées présentes sur le marché représentent 42% des produits contrefaits, soit plus 300.000 pièces contrefaites sont saisies en moyenne, chaque année, par les services des douanes. Des tôles de calandre, des ailes, des capots fabriqués par deux sociétés italiennes et contrefaisant les marques Mercedes, Audi, Peugeot et Volkswagen ont été saisis. Des imitations de marques françaises Renault, Peugeot et Citroën ont été interceptées par les douanes.

    Il y a quatre ans, un cadre juridique fut promulgué pour réprimer la contrefaçon. Depuis, une centaine d’affaires liées à la contrefaçon sont entre les mains de la justice. L’interdiction d’importer des véhicules de moins de trois ans a été suivie par une seconde loi interdisant l’importation de toute pièce de rechange d’occasion. Le projet de loi de finances 2007 interdit formellement l’importation à l’état usagé de pièces détachées, parties et accessoires de véhicules et d’engins. Les pièces détachées confisquées seront de facto détruites par les services des douanes, alors que les véhicules seront saisis. Ainsi, toutes les portes ne seront plus laissées entrouvertes pour les trafics de pièces de rechange. Les concessionnaires installés en Algérie ont depuis quelque temps dénoncé ce fléau.

    Selon l’Institut national de la propriété industrielle (INAPI), les pièces de rechange automobiles viennent en première place des produits contrefaits commercialisés sur le marché. Des estimations indiquent qu’une pièce consommable sur deux est contrefaite. Une étude révèle que les fausses pièces détachées produites dans les pays de l’Asie du Sud sont expédiées via les ports de Shenzhen, Shanghaï ou Hongkong pour aller transiter généralement par Dubaï avant d’atterrir sur le marché algérien. Un tel périple fait que le risque pour le contrefacteur est quasiment inexistant car il n’y a pas de contrôle de sécurité, souligne encore le même rapport.

    Les douaniers souhaitent la création d’un observatoire ou d’un comité contre la contrefaçon. Les constructeurs, eux, comptent s’organiser pour faire du lobbying. Certains concessionnaires proposent des pièces de rechange d’origine et certifiées. Mais ce n’est pas le cas de tous. Les pouvoirs publics promettent d’établir un nouveau cahier des charges. Le texte obligera les concessionnaires à assurer la commercialisation de la pièce de rechange pour couper l’herbe sous les pieds des autres intervenants du marché parallèle. Outre l’adaptation des textes à la réalité, l’heure est aussi désormais pour les pouvoirs publics de mettre le cap sur la formation des agents chargés de la répression des fraudes.

    Par le quotidien d'Oran
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