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  • « La chance est-elle avec vous ?

    Tu es un vrai veinard, toi ! Moi, je suis poursuivi par la malchance ! » Nombre de personnes ont le sentiment que la vie est injuste et le destin capricieux. D'après les lois de la probabilité, chacun devrait, au fil des années, rencontrer en moyenne un nombre similaire d'événements fortuits positifs et négatifs. Que ce soit gagner à la tombola de la fête foraine ou avoir la malchance d'être dans la file de voitures qui avance le moins vite dans un bouchon.

    Pourtant, nous connaissons tous quelqu'un qui semble presque toujours avoir de la chance – tandis qu'un autre est poursuivi par la guigne. Qu'en penser ? Dans l'Antiquité, les hommes acceptaient facilement l'idée que des forces surnaturelles tiraient les ficelles de la vie. Les Romains, par exemple, attribuaient à la déesse du destin, Fortuna, le pouvoir de distribuer à chacun, sans qu'il puisse le prévoir, sa dose de bonheur et de malheur.

    Aujourd'hui encore, à une époque malgré tout plus éclairée, le thème de la « chance » reste étroitement lié à des superstitions et à l'ésotérisme : nombre de personnes portent une amulette ou autre porte-bonheur, les athlètes ont leur mascotte, les voyants et cartomanciens font recette.

    Simultanément, un nombre grandissant de chercheurs essaie de découvrir les « lois » de la chance et de la malchance par des méthodes scientifiques. Ainsi, le physicien et journaliste scientifique anglais Richard Matthews a, au milieu des années 1990, examiné la loi de Murphy selon laquelle : « Si quelque chose peut mal tourner, alors cela tournera mal. » R. Matthews a voulu savoir si cette vision pessimiste du monde était justifiable par des arguments objectifs, ou si elle était pure fantaisie.

    File d'attente : toujours la mauvaise
    Prenant des exemples de la vie quotidienne, il s'est d'abord attaqué à la question de savoir si la tartine qui tombe par terre atterrit vraiment toujours sur le côté beurré, comme l'exige la loi de Murphy. Une étude organisée spécifiquement pour répondre à cette question, et sponsorisée par un producteur de beurre, a révélé que cette hypothèse est vraie dans la plupart des cas ! S'agit-il vraiment d'une conspiration du sort ? Pas du tout : des expériences supplémentaires ont prouvé que ce résultat était simplement la conséquence des lois de la gravitation, des forces de frottement et de la hauteur habituelle des tables.

    De même, on peut expliquer d'autres désagréments fréquents sans invoquer Fortuna. Vous avez pris votre parapluie, mais bien sûr, il n'a pas plu ! C'est simplement parce que la probabilité qu'il pleuve au moment précis où vous êtes dehors est assez faible, même lorsque la météo est à la pluie. Vous faites la queue au supermarché et évidemment vous êtes dans la file d'attente qui avance le plus lentement ! La raison en est pourtant simple : plus il y a de caissières qui travaillent à l'heure de pointe, plus la probabilité que l'une d'elles soit plus rapide que celle de votre file est élevée.

    Il faut également tenir compte d'un effet psychologique : vous trouvez certains événements étranges, par exemple que le bus arrive juste au moment où vous venez d'allumer une cigarette. Or étant donné votre consommation quotidienne de cigarettes et la fréquence des bus, un rapide calcul montrerait qu'une telle coïncidence n'a rien d'extraordinaire. Pourtant, le fait que ce sont simplement les lois de la statistique qui sont à l'œuvre ne nous vient pas spontanément à l'esprit.

    Selon Lorenzo Montali, psychologue à l'Université de Milan, la différence entre événements ordinaires et extraordinaires est subjective. Ainsi, il est tout à fait normal d'arriver parfois en retard à tel ou tel rendez-vous, mais nous ne nous en souviendrons que si cela nous sauve d'une catastrophe. Est-ce un effet de la Providence ? Pas du tout, mais nous ne retiendrons que cet événement-là, et oublierons toutes les autres fois où nous aurons manqué de ponctualité.

    Qu'est-ce que la chance ?
    Beaucoup considèrent un événement comme extraordinaire simplement parce qu'ils ne l'attendaient pas, ce qui est totalement indépendant de la probabilité que l'événement se produise. Les joueurs acharnés croient généralement qu'ils gagnent au jeu parce qu'ils sont fondamentalement plus chanceux que les autres ; ils se sentent au-dessus des lois de la statistique. Cependant, ils oublient que ceux qui jouent beaucoup gagnent aussi plus souvent que ceux qui n'approchent jamais les machines à sous ou n'entrent jamais dans un casino.

    Cependant, les psychologues qui s'intéressent à ces questions n'examinent souvent qu'un type de comportement, et non pas notre relation envers la chance en tant que telle. Le psychologue britannique Richard Wiseman, de l'Université de Hertfordshire, l'explique par le fait que la notion de chance est difficile à définir. De plus, les chercheurs n'aiment pas s'attaquer à des thèmes qui se rapprochent de la superstition ou de la magie.

    Ce n'est pas le cas de R. Wiseman (peut-être n'est-ce pas étonnant, puisqu'il a commencé sa carrière comme magicien). En 1994, pour étudier la notion difficile « d'avoir de la chance », il a fait passer une annonce dans le journal, cherchant des vrais veinards et des personnes poursuivies par la guigne. Il a ensuite analysé le comportement et les attitudes des personnes qui se sont présentées. Il a évalué à 12 pour cent le nombre des chanceux et à 9 pour cent ceux qui sont apparemment poursuivis par la malchance.

    Arrêtez de compter !
    Ensuite, R. Wiseman a commencé à examiner les caractéristiques de la personnalité de ces deux groupes extrêmes, et a trouvé que, du fait de leur façon de penser et de leur comportement, les personnes chanceuses se créent plus que d'autres des situations favorables, les reconnaissent et savent les exploiter.

    Dans une de ses expériences, il a demandé à des sujets de feuilleter un magazine, et de compter le nombre de photographies. Il a promis une récompense à qui donnerait la bonne réponse. Il s'était bien gardé de leur révéler que sur l'une des pages il était écrit en gros : « Arrêtez de compter, il y a 43 photos dans ce journal ! » Celui qui laissait errer son regard trouvait donc la réponse sans avoir à compter et sans risquer de se tromper. R. Wiseman a constaté avec étonnement que ceux qui se déclaraient malchanceux ne virent pas cette précieuse information, tant ils étaient concentrés sur le décompte des photographies, perdant ainsi une occasion facile de gagner.

    Les personnes chanceuses observent donc les choses de façon plus détachée, ont une vue d'ensemble des situations, ce qui leur donne davantage d'occasions de repérer les conditions favorables. De plus, elles établissent et entretiennent volontiers des contacts sociaux, augmentant ainsi la probabilité d'avoir des connaissances auxquelles elles pourront faire appel en cas de besoin. Les personnes chanceuses suivent leur intuition, regardent le futur avec optimisme, ne capitulent pas facilement et essayent de voir le meilleur côté de ce qui leur arrive, même en cas d'échec.

    De plus, même quand ils ne tirent pas le billet gagnant, les chanceux envisagent positivement la situation. « Un grand nombre de mes sujets se considéraient comme chanceux, alors qu'ils étaient, par exemple, gravement malades ou avaient perdu un proche », observait R. Wiseman. Ces personnes considèrent avoir eu de la chance de survivre à un accident, même si elles sont grièvement blessées. Dans la même situation, un malchanceux verrait renforcée sa conviction d'être maltraité par le sort.

    Cela souligne encore une fois la tendance inconsciente de l'homme à invoquer des explications surnaturelles. Apparemment, la recherche du sens des événements influe sur notre conception du monde. Selon la psychologue Paola Bressan, de l'Université de Padoue, nous cherchons à nous rassurer en trouvant des liens entre les événements et en leur attribuant un sens. Ainsi, nous associons automatiquement le grondement du tonnerre et un orage qui s'annonce, ou une nausée et un excès de nourriture. Les personnes qui ont besoin de ce type de raisonnements attribuent souvent les événements aléatoires au destin ou à des forces surnaturelles. Elles sont alors le jouet d'une illusion cognitive, mais cette dernière leur permet probablement de vivre de façon plus insouciante.

    Les psychologues ont découvert une autre explication à ce type de comportements : le besoin de contrôler les événements – en particulier ceux qui nous inquiètent. L'anthropologue Bronislaw Malinowski l'avait déjà observé dans les années 1920 chez les pêcheurs mélanésiens. Ces derniers avaient recours à des rituels de sorcellerie apaisants chaque fois qu'ils étaient obligés de s'aventurer dans des eaux inconnues et se sentaient donc dépendants du soutien de Fortuna. Au contraire, près des côtes, ils se fiaient entièrement à leur habileté et renonçaient à faire appel aux forces surnaturelles. La superstition nous donne le sentiment que nous pouvons contrôler les choses, ce qui dissipe nos angoisses. Sans doute est-ce la raison pour laquelle nous adoptons ce type de comportement quand nous nous sentons vulnérables.

    Mais cette attitude peut avoir des conséquences négatives, la pensée magique se transformant en une prophétie auto-accomplissante. Par exemple, la peur d'un accident nous inquiète parfois tellement que l'anxiété perturbe les réactions du conducteur, augmentant le risque qu'un accident survienne. Quand les gens font appel à des magiciens ou à des voyants, ils se nuisent souvent à eux-mêmes. Bien qu'ils espèrent augmenter leurs chances de gagner dans le grand jeu de la vie, ils remettent de fait la responsabilité de leur vie entre les mains des autres. Selon R. Wiseman, de tels « conseillers » inventent souvent des problèmes quelconques à venir, pour pouvoir ensuite offrir leur aide. Quand rien de grave n'arrive, ils prétendent que c'est grâce à leur intervention et, sinon, ils proposent leur soutien.

    Le poids du porte-bonheur
    Beaucoup de personnes font confiance à leur « porte-bonheur », souvent un objet qu'elles portaient à un moment positif ou décisif de leur vie. Un talisman nous donne le sentiment de contrôler les événements. Un grand nombre des chanceux examinés par R. Wiseman avait un tel porte-bonheur.

    Le fait d'attribuer la faute au destin en cas de malheur évite que l'on ait à se juger trop sévèrement, à s'attribuer la faute. Le psychologue austro-américain Fritz Heider, de l'Université du Texas, avait formulé sa théorie de l'attribution, dès 1958. Selon cette théorie, nous pouvons rechercher les causes d'un événement soit en nous-mêmes, soit dans les circonstances extérieures. Un examen raté, par exemple, peut êtreattribué aussi bien à l'insuffisance de sa propre préparation qu'à la mauvaise humeur de l'examinateur ou... à la capricieuse Fortuna.





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