Selon le "New-York Times", Washington a refusé plusieurs aides militaires récentes à l'Irak pour lutter contre les islamistes qui avancent vers Bagdad. Les Américains redoutent désormais le chaos politique qui règne dans le pays entre tribus, groupes et milices et dont ils sont en partie responsables.
Intervenue en 2003 au nom de la guerre contre le terrorisme islamiste, l’armée américaine sera-t-elle contrainte face au constat de l’avancée des djihadistes dans l’Irak dite « libérée » de reprendre le chemin de Bagdad ? Dix ans après le début de cette intervention grossièrement justifiée par une hypothétique participation de Saddam Hussein aux attentats du 11 septembre, le bilan du scénario de la guerre contre l'« Axe du mal » est désastreux. Car à peine plus de deux ans après le départ des troupes américaines, la mouvance islamiste de l’EIIL (Etat Islamique en Irak et au Levant) aidée des tribus sunnites locales multiplie les prises de villes irakiennes majeures (Fallouja, Mossoul, Tikrit), sans exclure de marcher rapidement sur Bagdad.
C'est une partie de l'histoire récente qui se rejoue un peu chaque jour. La conquête de Mossoul s’est largement faite avec des membres de l’EIIL, mais aussi des tribus sunnites et d'anciens cadres des services de Saddam Hussein qui ont affiché des portraits de l’ex-dirigeant dès leur entrée dans la ville.
Face à cette progression rapide depuis le début de l’année, le New York Times révèle que le Premier ministre irakien aurait secrètement demandé à plusieurs reprises à l’administration Obama de procéder à des frappes aériennes contre des zones de rassemblements d’islamistes le mois dernier. « Au plus haut niveau, les responsables irakiens ont dit qu’ils avaient demandé des frappes américaines de drones contre les camps de l’EIIL dans le désert de Jazira » confie au journal un ancien analyste de la CIA, conseiller de Bush et Clinton, aujourd’hui chercheur à la Brookings institution.
Le quotidien précise même que, le 16 mai dernier, dans un entretien téléphonique avec le vice-président américain Biden, le Premier ministre irakien a de nouveau demandé une intervention de la force américaine. Des demandes repoussées par les Américains pas encore décidés à remettre un « pied » sur le territoire irakien et dont le soutien se « limite » à de la formation — coûteuse — des troupes irakiennes, des livraisons d’armes et l’installation de sociétés de sécurité privées chargées de faire — souvent mal — le sale boulot.
La « libanisation » de l'Irak
La passivité des Américains tiendrait largement à la situation politique chaotique du pays plus qu’à des considérations purement militaires. Washington conditionne notamment son aide à l'intégration des arabes sunnites dans le jeu politique mais une progression des islamistes vers Bagdad pourrait néanmoins contraindre la Maison Blanche à revoir très rapidement son approche dans cette région de plus en plus instable.
Une analyse que partage, en partie, le chercheur français Pierre Jean Luizard qui relativise la seule montée en puissance de l’EIIL : « Il y a une sorte de fascination dans les médias pour ce groupe, l’EIIL qui est, lorsqu’on est sur le terrain, beaucoup plus un label, une franchise pour des forces qui effectivement comptent sur le terrain et en Irak. Ces forces, ce sont très massivement les tribus irakiennes qui retournent à leurs premières amours qui étaient al-Qaïda dans les années 2004 et 2005, suivant l’intervention américaine. On imagine qu’un seul groupe ne peut pas avoir une telle puissance de feu, il s’agit bien d’un soulèvement populaire local qui correspond à l’échec de l’intégration des Arabes sunnites dans le jeu politique, comme l’ont illustré les dernières élections législatives du 30 avril 2014 ».
Un soulèvement populaire et la prise de villes irakiennes que le chercheur attribue à deux échecs politiques : celui du Premier ministre irakien, incapable de s’imposer et de confier un rôle politique aux sunnites, mais aussi celui du système politique mis en place par les Américains : « Ce sont bien les tribus qui aujourd’hui font la différence et qui ont mis en déroute l’armée irakienne à Mossoul et dans toutes les provinces du Nord. Au-delà de l’échec de Nouri al-Maliki à apparaître comme l’homme fort de l’Irak, c’est bien l’échec du système politique que les Américains ont légué à l’Irak après leur départ, un système qui montre son échec sanglant jour après jour parce qu’il est basé sur une représentation communautaire, ethnique et confessionnelle ».
La « libanisation » de l’Etat, imaginée par les Américains sous l’ère George W. Bush qui prévoyait une répartition des pouvoirs en fonction du poids des communautés, est en train de virer à la guerre ouverte à l'échelle du pays tout entier qui risque la fragmentation géographique entre chiites, tribus sunnites et kurdes. Le tout radicalisé par des enjeux politiques, locaux et économiques, liés notamment à l'accès au pétrole, aux dépens d'une population qui fuit en masse les régions conquises par l'EIIL.
C’est ainsi un scénario de division durable de l’Irak qui se dessine dont le mouvement islamiste profite pour agrandir sa zone d'influence, véritable menace pour la stabilité régionale.
Marianne
Intervenue en 2003 au nom de la guerre contre le terrorisme islamiste, l’armée américaine sera-t-elle contrainte face au constat de l’avancée des djihadistes dans l’Irak dite « libérée » de reprendre le chemin de Bagdad ? Dix ans après le début de cette intervention grossièrement justifiée par une hypothétique participation de Saddam Hussein aux attentats du 11 septembre, le bilan du scénario de la guerre contre l'« Axe du mal » est désastreux. Car à peine plus de deux ans après le départ des troupes américaines, la mouvance islamiste de l’EIIL (Etat Islamique en Irak et au Levant) aidée des tribus sunnites locales multiplie les prises de villes irakiennes majeures (Fallouja, Mossoul, Tikrit), sans exclure de marcher rapidement sur Bagdad.
C'est une partie de l'histoire récente qui se rejoue un peu chaque jour. La conquête de Mossoul s’est largement faite avec des membres de l’EIIL, mais aussi des tribus sunnites et d'anciens cadres des services de Saddam Hussein qui ont affiché des portraits de l’ex-dirigeant dès leur entrée dans la ville.
Face à cette progression rapide depuis le début de l’année, le New York Times révèle que le Premier ministre irakien aurait secrètement demandé à plusieurs reprises à l’administration Obama de procéder à des frappes aériennes contre des zones de rassemblements d’islamistes le mois dernier. « Au plus haut niveau, les responsables irakiens ont dit qu’ils avaient demandé des frappes américaines de drones contre les camps de l’EIIL dans le désert de Jazira » confie au journal un ancien analyste de la CIA, conseiller de Bush et Clinton, aujourd’hui chercheur à la Brookings institution.
Le quotidien précise même que, le 16 mai dernier, dans un entretien téléphonique avec le vice-président américain Biden, le Premier ministre irakien a de nouveau demandé une intervention de la force américaine. Des demandes repoussées par les Américains pas encore décidés à remettre un « pied » sur le territoire irakien et dont le soutien se « limite » à de la formation — coûteuse — des troupes irakiennes, des livraisons d’armes et l’installation de sociétés de sécurité privées chargées de faire — souvent mal — le sale boulot.
La « libanisation » de l'Irak
La passivité des Américains tiendrait largement à la situation politique chaotique du pays plus qu’à des considérations purement militaires. Washington conditionne notamment son aide à l'intégration des arabes sunnites dans le jeu politique mais une progression des islamistes vers Bagdad pourrait néanmoins contraindre la Maison Blanche à revoir très rapidement son approche dans cette région de plus en plus instable.
Une analyse que partage, en partie, le chercheur français Pierre Jean Luizard qui relativise la seule montée en puissance de l’EIIL : « Il y a une sorte de fascination dans les médias pour ce groupe, l’EIIL qui est, lorsqu’on est sur le terrain, beaucoup plus un label, une franchise pour des forces qui effectivement comptent sur le terrain et en Irak. Ces forces, ce sont très massivement les tribus irakiennes qui retournent à leurs premières amours qui étaient al-Qaïda dans les années 2004 et 2005, suivant l’intervention américaine. On imagine qu’un seul groupe ne peut pas avoir une telle puissance de feu, il s’agit bien d’un soulèvement populaire local qui correspond à l’échec de l’intégration des Arabes sunnites dans le jeu politique, comme l’ont illustré les dernières élections législatives du 30 avril 2014 ».
Un soulèvement populaire et la prise de villes irakiennes que le chercheur attribue à deux échecs politiques : celui du Premier ministre irakien, incapable de s’imposer et de confier un rôle politique aux sunnites, mais aussi celui du système politique mis en place par les Américains : « Ce sont bien les tribus qui aujourd’hui font la différence et qui ont mis en déroute l’armée irakienne à Mossoul et dans toutes les provinces du Nord. Au-delà de l’échec de Nouri al-Maliki à apparaître comme l’homme fort de l’Irak, c’est bien l’échec du système politique que les Américains ont légué à l’Irak après leur départ, un système qui montre son échec sanglant jour après jour parce qu’il est basé sur une représentation communautaire, ethnique et confessionnelle ».
La « libanisation » de l’Etat, imaginée par les Américains sous l’ère George W. Bush qui prévoyait une répartition des pouvoirs en fonction du poids des communautés, est en train de virer à la guerre ouverte à l'échelle du pays tout entier qui risque la fragmentation géographique entre chiites, tribus sunnites et kurdes. Le tout radicalisé par des enjeux politiques, locaux et économiques, liés notamment à l'accès au pétrole, aux dépens d'une population qui fuit en masse les régions conquises par l'EIIL.
C’est ainsi un scénario de division durable de l’Irak qui se dessine dont le mouvement islamiste profite pour agrandir sa zone d'influence, véritable menace pour la stabilité régionale.
Marianne
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