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Première économie africaine, le Nigéria reste confronté aux maux du sous développement

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  • Première économie africaine, le Nigéria reste confronté aux maux du sous développement

    Classé première économie africaine depuis peu, le Nigéria est en proie, malgré sa forte croissance, à de lourds problèmes structurels: corruption, climat des affaires désastreux, absence d'Etat, hausse de la pauvreté..


    En dénonçant en février l'absence de 20 milliards de revenus sur les comptes de la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), le directeur de la banque centrale du pays, M. Lanusi, déclenchait une véritable tempête politique au sein d'un gouvernement miné par la corruption. Au désespoir de nombreux observateurs, le président Goodluck Jonathan (au pouvoir depuis 2010), choisissait finalement d'enterrer l'affaire en suspendant M. Lanusi pour « mauvaise conduite financière », consolidant ainsi encore les inquiétudes des investisseurs sur la volonté réelle du pouvoir central à réformer le pays.

    Le jour même de cette décision, le naira s'effondrait, fragilisant les réserves de change déjà peu solides du pays. Pourtant quelques mois plus tard, suite à la redéfinition de son année de base dans le calcul de son PIB, le Nigéria se retrouvait brusquement du jour au lendemain la première économie africaine, sa production annuelle « grimpant » de 89%.

    De lourdes faiblesses structurelles
    En utilisant cette nouvelle méthode de calcul, il apparaît que l'économie nigériane a cru en moyenne de 7,4% par an depuis 2004. Décrit comme le véritable « miracle africain », possédant une forte industrie culturelle et une bonne connexion avec les flux de matières premières mondiales - notamment grâce à son secteur pétrolier qui représente toujours 14% du PIB -, cette nation de 170 millions d'habitants semble sur le papier s'apprêter à dominer le continent sous son poids économique et politique dans une émergence « incontestable ». Hélas, le World Economic Forum qui s'est tenu entre le 7 et le 9 mai à Abuja a surtout été l'occasion pour les intervenants de rappeler les faiblesses structurelles du pays entre deux opérations spectaculaires de Boko Haram, l'insurrection islamiste qui ravage le nord du pays.

    Le nombre de pauvres augmente...
    En effet, loin du glamour des grands projets d'infrastructures le long du front de mer de Lagos, le Nigéria reste structuré par une économie fragile, qui peine considérablement à relayer les bienfaits d'une croissance forte. Comme le note Adrienne Klasa pour Foreign Policy, alors même que la croissance a frôlé les 8% annuellement, le nombre de citoyens vivant avec moins de 1 dollar par jour a augmenté de 54,7% à 60,9% sur la même période.. En parallèle, les services publics continuent de se dégrader sous le poids d'un système fiscal qui ne parvient pas à faire rentrer des recettes proportionnelles à la croissance.

    A l'heure actuelle, les taxes représentent en effet 5% des revenus gouvernementaux, le pétrole 70%. Les donneurs internationaux, au premier rang desquels la France, sont donc encore mis à contribution pour réaliser des projets aussi basiques que la refonte du système de transport de Lagos, ou l'amélioration des réseaux de transport d'énergie. Ce dernier point étant particulièrement problématique, le pays perdant environ 5% de sa production de pétrole journalière (soit plus ou moins 100.000 barils) dans des vols divers selon un rapport de la Chatham House, à nouveau cité en exemple par Mme Klasa.

    Une situation quasiment intenable pour le gouvernement
    Le gouvernement nigérian est donc à l'heure actuelle dans une situation quasiment intenable, les réformes profondes qu'il a à accomplir ne pouvant être financées du fait de rentrées fiscales anémiques et d'un secteur pétrolier contributeur bien en dessous de ses capacités du fait d'une corruption endémique à tous les étages de responsabilité. Bien avant le licenciement de M. Lanusi en février, M. Ribadu, le directeur d'une « task force » sur les revenus pétroliers avait annoncé mi-2012 que plusieurs milliards de revenus avaient disparus depuis 2010. Malgré la résonance considérable de l'affaire dans les médias nationaux et trois rapports d'enquête ordonnés par le président, aucune poursuite n'avait été engagée. Ces trois rapports n'ont jamais été publiés, « si tant est même qu'ils existent » concluait sobrement The Economist.

    Les symptômes de la maladie hollandaise
    Ce pays présente donc une situation atypique. En période de croissance, avec une population nombreuse mais qui s'appauvrit malgré une considérable rente pétrolière, le Nigéria présente de nombreux symptômes de la « maladie hollandaise », à savoir un Etat paresseux dans ses réformes car restant à même de financer un minimum de service social grâce à ses exportations de matières premières. Ceci étant, difficile de nier le dynamisme des grands groupes du pays, bénéficiant d'un marché intérieur et régional captif car très peu concurrentiel. De même, le Nigéria dispose d'une forte industrie culturelle très médiatisée à l'étranger, son « Nollywood » commençant lentement à devenir l'équivalent africain du Bollywood indien en Asie du sud.

    Un climat des affaires parmi les plus mauvais
    Mais il reste que clair que l'ensemble de ces activités ne parvient pas à prendre pleinement avantage du dividende démographique du pays, paralysé par un système entrepreneurial décourageant les entrants et un climat des affaires parmi les plus mauvais du monde (147ème sur 189, et spécifiquement 170ème en matière de taxation des entreprises). En effet, la culture du « 419 », du nom de l'article du code pénal national désignant les arnaques et les fraudes reste un problème permanent dont l'Etat n'a pour l'instant pas les ressources nécessaires à la gestion.

    Les start up veulent se faire entendre
    Les start-up commencent toutefois à se faire entendre dans les couloirs du ministère fédéral des finances, et des nouvelles routes promettent de relier l'arrière-pays au littoral, permettant de décongestionner Lagos en déplaçant des usines vers l'intérieur des terres - sous réserve que l'approvisionnement en électricité suive le mouvement -. Le Nigéria reste ainsi sous les projecteurs des investisseurs cherchant une porte d'entrée sur un continent africain qui montre des signes de plus en plus prometteurs de redressement après des décennies de politiques publiques désespérantes. Mais en attendant l'élection d'un gouvernement volontariste, le Nigéria semble rester condamné à être un spectateur de sa montée en puissance, plutôt que le véritable pilote de son émergence.

    la tribune
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