Processus de la fabrication de la poterie traditionnelle
Modelage : La fabrication de la poterie berbère traditionnelle est un long processus délicat qui nécessite de la patience, beaucoup d'efforts et un bon savoir-faire. Tout a besoin d'être fait convenablement et à temps, et la moindre erreur pourrait gâcher un travail de plusieurs mois.
La première tâche dans la fabrication de la poterie consiste à extraire l'argile. Puisque les gisements d'argile étaient gardés par des esprits associés à la fécondité, seules les femmes pouvaient s'y rendre pour l'extraire, et elles ne devaient pas révéler aux hommes l'emplacement du gisement. Les femmes se rendent au gisement du village, munies de houes et de paniers dans lesquels elles transporteront l'argile. Parfois, elles doivent creuser profondément afin d'atteindre les filons de bonne argile. Les gisements qui en contiennent de la bonne, n'existent pas dans toutes les régions, et les villages qui ont la chance d'en avoir un sont réputés pour leur bonne poterie qui est vendue ou échangée dans tous les villages environnants.
Une fois extraite, l'argile est ensuite traitée afin d'être préparée au modelage. Pour qu'elle ne soit pas trop collante aux doigts, l'argile est dégraissée en y mélangeant du sable ou une poudre faite d'anciennes poteries concassées. Ce traitement en garantit la solidité. Ensuite, l'argile est longuement pétrie et nettoyée de ses impuretés.
L'argile doit être pure et débarrassée du moindre petit caillou ou tout autre corps étranger, car leur présence dans un objet d'argile pourrait le détruire lors de la cuisson. De plus, le pétrissage augmente l'élasticité de l'argile et ainsi, lors de la cuisson, les objets peuvent se dilater sans risquer de se fissurer. L'argile est pétrie plusieurs fois, et à chaque fois, la femme la mouille et la laisse reposer dans un bain d'eau pendant plusieurs heures. Pendant cette période de repos, il faut éviter de remuer l'eau car même la présence de bulles d'air dans l'argile pourrait nuire à l'objet de poterie pendant la cuisson. L'opération est ainsi répétée pendant plusieurs jours.
Lorsque l'argile est enfin prête pour le modelage, la femme la pose sur un support plat, souvent une pierre, un fond d'une poterie usagée ou bien un morceau de bois, et elle commence à élaborer son objet. Les femmes berbères n'utilisent pas le tour du potier, et la technique qui leur permet de fabriquer de la poterie est appelée le "modelage par colombins" .Le fond du récipient est façonné par l'écrasement d'une boule de pâte.
Ensuite, la femme élève peu à peu les parois de l'objet en superposant des petits boudins d'argile appelés "colombins". Au fur et à mesure que la femme modèle son objet, elle l'égalise avec un outil en bois ou une raclette, et peu à peu, elle obtient un objet aux courbes parfaites. Ce n'est que lorsque l'objet est complètement façonné que la femme lui pose les anses et le bec. Elle laisse ensuite l'objet sécher pour une courte période. Fabriquer un objet "dur" avec un matériau aussi mou que de l'argile n'est pas une chose facile, et afin d'éviter que les parois de l'objet ne s'affaissent, il faut constamment laisser aux colombins le temps de devenir plus consistants avant de pouvoir continuer, surtout lorsqu'il s'agit d'un grand ouvrage.
Le modelage terminé, la potière met ses objets à l'abri, dans endroit où ils sécheront pendant plusieurs semaines. Il est préférable que les objets sèchent à l'ombre, car s'ils étaient exposés directement au soleil pendant qu'ils fussent encore humides, l'évaporation rapide risquerait de laisser des fractures sur leur surface.
Dans la fabrication traditionnelle de la poterie, les objets façonnés sont décorés avant la cuisson. Étant donné que la poterie berbère est fabriquée d'abord à usage domestique, sa décoration reste d'un ordre secondaire, voire qu'elle n'est même pas décorée dans certaines régions. D'ailleurs et en général, tous les objets servant à la cuisson ne sont pas décorés. Certains objets comme le plat à pain, ne sont jamais décorés, et les points en relief disposés en cercle sur sa surface n'ont qu'un rôle fonctionnel. Afin de décorer les objets, la femme utilise un pinceau généralement fait en poil de chèvre. La femme fait preuve d'une grande adresse pour décorer la poterie, et les motifs, constitués généralement de formes géométriques et triangulaires sont d'une finesse et d'une précision extraordinaire.
Décors: Les symboles de décoration de la poterie ressemblent fort à ceux que l'on retrouve dans le tapis ou les tatouages des femmes berbères. Ces symboles sont en effet très anciens. On les retrouve dans certaines peintures et gravures préhistoriques, et ils sont également présents sur les poteries anciennes de toute l'Afrique du Nord. Certains archéologues pensent que ces symboles sont une stylisation des éléments naturels et ils pourraient même avoir été à l'origine de l'alphabet berbère, les tifinagh, encore en usage aujourd'hui. En tous cas, ces symboles possèdent une signification chez les potières ainsi que chez les tisseuses qui les dessinent, et de nombreuses études ont été faites afin d'essayer de les interpréter.
Cuisson: Une fois la décoration terminée, on passe à l'étape la plus fastidieuse, celle de la cuisson. Autrefois, les femmes berbères ne disposaient pas de four, et afin de cuire la poterie, elles recouraient à un procédé traditionnel très efficace, mais délicat à utiliser : c'est le bûcher de cuisson. La femme qui fait la cuisson dispose les objets de poterie avec des branchages et des Brindilles, dans un espace ouvert, en plein air, éloigné des habitations. Les branchages et les Brindilles constituent un combustible qui permet à la chaleur de pénétrer efficacement tous les n Objets disposés. De plus, on dispose, entre les objets à cuire des plaques de bouse de vache et de paille (appelées "ticcicin"/tichichine en Kabylie ), qui produisent une braise excellente en se Consumant. Bien qu'il soit rudimentaire, ce genre de bûcher permet une cuisson de longue durée et à très haute température.
Les objets à cuire sont soigneusement disposés selon leur taille. C'est ainsi que les petits objets sont disposés sur les bords du bûcher. Leur cuisson ne dure pas très longtemps et ainsi, ils seront faciles à retirer, alors que les plus grands objets sont disposés au milieu, car ils doivent rester plus longtemps au feu. Néanmoins, dans certaines régions, on évite de cuire les petits objets dans le même bûcher qui sert à cuire les grands, car la haute température, déforme, parfois, les petits récipients.
C'est pour cela qu'on aménage, parfois, un bûcher spécial pour les petits récipients.
La cuisson au bûcher est sans doute la tâche la plus difficile dans la fabrication de la poterie berbère, tellement elle est délicate et éprouvante, et souvent, c'est toute la famille qui s'y met pour
aider la femme potière. Une fois le feu allumé, il fait une chaleur insoutenable tout autour de la zone du bûcher, et il faut constamment se tenir près du feu et l'alimenter afin qu'il garde une température très élevée et constante. En Kabylie, lorsque les objets sont cuits, on les retire prudemment du bûcher, un à un, avec une perche crochue appelée amextaf (amekhtaf).
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