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Faut-il supprimer l'impôt?

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  • Faut-il supprimer l'impôt?

    Un Etat disposant du pouvoir de création monétaire pourrait en théorie se passer d'impôt. Celui-ci devrait être ajusté en fonction de deux objectifs: éviter l'inflation et assurer le plein emploi

    Un Etat souverain n'a nullement besoin de lever des impôts pour financer ses dépenses publiques. En effet, les Etats-Unis - depuis leur création et hormis sept épisodes relativement brefs - ont toujours tourné avec des budgets systématiquement déficitaires. Le gouvernement d'une nation indépendante peut donc dépenser sans avoir à s'inquiéter de ses recettes. En théorie en tout cas, car la réalité de fortes poussées inflationnistes à laquelle il s'expose si son économie opère à plein régime finit toujours par le rattraper.

    C'est là qu'il se doit de prendre toute une batterie de mesures afin de juguler la surchauffe: augmenter les impôts, réduire ses dépenses, voire exercer un contrôle sur les prix et les salaires... Autant de mesures destinées, non à équilibrer son budget, mais en premier lieu à maîtriser l'inflation, dans le cas où l'Etat dépense sans se préoccuper de ses revenus, c'est-à-dire dans le cas des Etats-Unis d'Amérique depuis leur création.

    L'impôt justifie l'existence de la monnaie
    Dans ces conditions, pourquoi ne pas supprimer toute notion d'impôt? Pour une raison fondamentale en fait, qui est que c'est précisément l'impôt qui définit la monnaie, tout comme c'est l'impôt qui justifie en définitive l'existence de l'argent. Comme les impôts et les taxes doivent effectivement être réglés en unités de monnaie, le fait de s'en acquitter devient dès lors fondateur du point de vue de la définition de la monnaie servant de référence à ce règlement.

    L'Etat, qui dispose du privilège exorbitant de battre en exclusivité sa propre monnaie, est en même temps tenu d'accepter cette même monnaie en remboursement des impôts et des taxes qu'il lève sur ses citoyens et résidents. Loi élémentaire du crédit, néanmoins cruciale tant sur le plan matériel qu'intellectuel, car elle implique que ce devoir pour les citoyens de s'acquitter de leurs impôts créé une demande mécanique - voire naturelle - en monnaie, utilisée précisément pour remplir cette obligation.

    La valorisation de la monnaie étroitement liée au paiement de l'impôt
    Comme c'est en monnaie que se paient les taxes, l'Etat est donc tenu de la fournir - d'une manière ou d'une autre - à ses citoyens, afin qu'ils soient en mesure de la lui restituer partiellement sous forme d'impôts. Voilà pourquoi l'Etat doit dépenser pour injecter cette même monnaie dans le système. Voilà aussi pourquoi la monnaie en question est acceptée comme moyen de paiement dans le cadre des transactions privées, car sa valorisation - et sa validité - sont en finalité étroitement dépendantes de cet acte consistant à payer l'impôt à l'Etat.

    L'Etat disposant de la création monétaire pourrait se passer de l'impôt
    Donc, si l'Etat n'a pas forcément besoin de lever l'impôt afin d'assumer ses dépenses, le paiement par les citoyens des taxes et des impôts a néanmoins une importance vitale en cela qu'il induit une demande en monnaie (de la part des contribuables) que l'Etat est forcé d'honorer (en la créant). Et c'est précisément parce que cet Etat dispose de la faculté de création monétaire qu'il pourrait se permettre - dans l'absolu - de dépenser en se passant des impôts et des taxes, tout simplement en imprimant suffisamment de monnaie pour régler ses dépenses.

    Un privilège abandonné par les pays de la zone euro
    Privilège dont ne bénéficient pas les nations ayant indexé leur monnaie nationale à l'or ou au dollar car, comme elles doivent être en mesure de convertir à tout moment leur monnaie contre l'or ou contre le dollar selon une parité fixe, elles ne peuvent donc émettre leur monnaie nationale qu'en quantités limitées. Privilège dont, soit dit en passant, ne bénéficient pas non plus les membres de l'Union européenne - pas même l'Allemagne - qui de ce point de vue ne sont pas des nations souveraines, puisqu'elles ont abandonné à la BCE leur pouvoir de création monétaire.

    Un Etat jouissant d'une monnaie flottante - et souveraine - n'est donc théoriquement pas forcé de taxer ses citoyens pour ses dépenses. En fait, c'est plutôt le raisonnement et l'action inverses qui devraient prévaloir dans le sens où c'est l'Etat qui devrait dépenser sa propre monnaie afin que les contribuables puissent à leur tour être en mesure de la restituer sous forme d'impôts et de taxes! La bonne séquence pour l'Etat étant donc de dépenser d'abord et de taxer ensuite, et non le contraire.

    Sans impôt, d'autres moyens de paiement s'imposeraient
    Pour autant, il est hors de question de supprimer l'impôt qui conditionne l'usage de la monnaie. Comme c'est l'impôt qui sous-tend et qui, d'une certaine manière, légitime la monnaie, sa suppression se traduirait par un abandon progressif de l'usage de cette monnaie par les citoyens qui trouveraient d'autres moyens de paiement. Par ailleurs, l'impôt permet de réguler la consommation et l'investissement et de lutter ainsi contre l'inflation. A contrario, des réductions massives d'impôts autorisent la relance de la demande agrégée, de l'investissement et s'avèrent un outil incontournable de lutte contre la déflation.

    La bonne gouvernance exigeant pour sa part d'adopter une politique contre cyclique consistant à augmenter les impôts en période de bonne croissance, et de les réduire considérablement dans le cadre de crises économiques. En réalité, une taxation optimale devrait avoir deux et deux seules priorités consistant à assurer d'une part la stabilité de la monnaie et d'autre part le plein emploi.


    latribune


    Michel Santi est directeur financier et directeur des marchés financiers chez Cristal Capital S.A. à Genève. Il a auparavant conseillé des banques centrales après avoir été trader sur les marchés financiers. Il est l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience" et "L'Europe, chronique d'un fiasco politique et économique"
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