par Mourad Benachenhou
Le nom de Mohammed Seddik Benyahia est associé à nombre d’évènements majeurs de la lutte de libération nationale comme de la renaissance de l’Etat algérien indépendant.
UNE JEUNESSE STUDIEUSE
Né le 30 Janvier 1932 à Jijel, d’une famille de lettrés, Benyahia est scolarisé dans l’une des écoles de sa ville natale, avant d’être envoyé, d’abord à Bougie, puis à Sétif ; pour y poursuivre ses études secondaires. Le lycée de cette dernière ville était fréquenté par de jeunes Algériens provenant de diverses régions du Centre et de l’Est du pays, qui venaient y préparer leur baccalauréat. C’est là que Benyahia reçut sa formation politique de base. La lutte de libération nationale, dans la fin des années quarante du siècle dernier, était encore dans sa phase politique. Mais les massacres qui avaient suivi les manifestations du 8 mai 1945, et avaient secoué plusieurs villes du pays, venaient de démontrer que la voie pacifique vers l’indépendance était une chimère. On sait que la population algérienne des régions de Guelma et de Sétif avait compté le plus grand nombre de victimes de la répression coloniale féroce qui avait pris pour prétexte des manifestations essentiellement pacifiques d’une population désarmée et misérable. Le sujet essentiel des discussions de la génération de lycéens dont faisait partie Benyahia portait sur les voies d’arracher l’indépendance du pays à un occupant décidé à garder, par tous les moyens, sa main mise sans partage sur le pays. Cette génération d’intellectuels qui partageait les mêmes bancs de lycée devait jouer un rôle important dans le déclanchement et la direction de la guerre de libération.
LE REVEIL A LA VIE POLITIQUE
Benyahia était un élève brillant, avide de lecture qui trouvait, malgré la lourdeur des programmes scolaires, du temps pour lire les livres sur l’histoire de l’Algérie, comme sur les sujets politiques internationaux du moment, qui lui tombaient sous la main. Il s’intéressait particulièrement à la lutte pour l’indépendance des peuples de l’Inde, du Pakistan, de l’Indonésie et des pays arabes du Moyen Orient, dont certains n’avaient qu’une indépendance nominale, et d’autres, comme la Palestine, subissaient une entreprise de colonisation fondée sur une interprétation obsolète, raciste et fanatique des livres saints du Christianisme et du Judaïsme.
Dans ce lycée, Benyahia se fit des amis qu’il devait rencontrer plus tard dans le FLN et le GPRA. Malgré ses tendances intellectuelles, qui faisaient de lui un introverti, il n’était pas timide et montrait déjà certaines qualités de leader né, qui devaient se manifester plus tard avec éclat. C’était aussi un joueur acharné de football, bien qu’il fût de constitution physique plutôt frêle. Mais il montrait dans le jeu un acharnement et une résilience étonnants que sa fragilité d’apparence ne laissait pas deviner.
Il termina ses études secondaires en 1951. Muni de son baccalauréat, il s’inscrivit à la Faculté de droit de l’université d’Alger, alors foyer des idéologues les plus acharnés du colonialisme pur et dur.
L’ETUDIANT MILITANT
Il loge à la cité universitaire de la Robertsau, où étaient regroupés la plus grande partie des étudiants algériens inscrits dans cette université. A l’époque, les Algériens formaient une petite minorité dans la masse des étudiants français, dont la majorité était des enfants de gros propriétaires terriens, ou de fonctionnaires dans l’administration coloniale.
Comme les Algériens diplômés trouvaient difficilement un emploi correspondant à leur niveau dans l’administration ou les entreprises coloniales, la tendance était à la formation dans une profession libérale. Benyahia choisit de poursuivre une licence en droit, et d’embrasser la profession d’avocat.
Dans le début des années cinquante du siècle dernier, l’atmosphère, parmi les intellectuels algériens, était à l’organisation de la lutte armée, la voie politique vers l’émancipation de l’Algérie étant alors bouchée par l’intransigeance du pouvoir colonial et son refus d’appliquer ses promesses de plus grande participation des Algériens à la vie politique du pays.
L’agitation parmi les étudiants algériens de l’époque était grande, quoiqu’il n’existât pas de syndication estudiantine. Une section étudiante fut alors créée pour regrouper les Algériens inscrits à l’Université d’Alger. Benyahia en fit partie. Les membres de cette association étaient en contact organique avec le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratique, qui combattait pour l’indépendance du pays ; et d’où devaient sortir les organisateurs et les leaders de la guerre de libération nationale.
L’AVOCAT DES NATIONALISTES
Le Premier Novembre 1954 marqua le déclanchement de la lutte armée. Le FLN et son aile militaire, l’ALN, se manifestèrent, à travers tout le territoire national, par des tracts et des attaques armées contre les infrastructures civiles et militaires coloniales.
Benyahia venait d’obtenir sa licence en droit. Il trouva un emploi comme avocat dans un cabinet de la capitale. Il préserva, cependant, ses liens avec l’université, et continua à être actif dans la section estudiantine, dont les activités avaient pris une nouvelle forme et une nouvelle dynamique, sous l’animation du FLN à laquelle elle avait adhéré.
L’agitation politique s’intensifia à l’université d’Alger. Des échauffourées éclatèrent entre étudiants algériens et étudiants français. Les cours des professeurs qui exprimaient des opinions favorables à l’entreprise coloniales furent boycottés par les Algériens. La police intervint et arrêta, en février 1955, quatre étudiants algériens. Benyahia, déjà membre du barreau d’Alger, est chargé d’assurer leur défense. Leur arrestation déclencha une grève générale des étudiants et des lycéens algériens de la capitale. Les autorités coloniales finirent par céder sous la pression des jeunes Algériens, de crainte d’une agitation qui pouvait dépasser les limites des lycées et de l’Université. Les quatre étudiants furent libérés, et rejoignirent immédiatement l’ALN.
Dans la défense de ses camarades, Benyahia fit preuve d’un talent oratoire et d’un courage intellectuel qui rehaussèrent son prestige dans le milieu estudiantin. Le FLN le chargea, avec d’autres étudiants, d’organiser l’Union Générale des Etudiants Algériens (UGEMA) , organisation estudiantine qui vit le jour en juillet 1955. Cette association joua un rôle crucial dans la formation politique de toute une génération d’intellectuels, qu’elle mobilisa pour la lutte de libération nationale. Comme animateur de l’UGEMA ; Benyahia prit une importance primordiale dans l’organisation, l’orientation politique et le succès de cette association. Il fut l’un des maitres d’œuvre de la grève des étudiants de mai 1956, grève qui devait déboucher sur une mobilisation massive des intellectuels aux côtés de l’ALN et du FLN.
LES PREMIERS PAS DANS LA DIPLOMATIE
Ses activités politiques, tout comme sa renommée, n’étaient pas sans danger pour Benyahia, qui était sous la constante menace d’une arrestation, ou même de la liquidation physique par les forces coloniales.
Les responsables du FLN de l’époque estimèrent qu’ils ne pouvaient pas laisser l’ennemi neutraliser un homme aux qualités de leadership déjà avérées. Ils avaient besoin de ses talents d’organisateur et de son expérience politique pour l‘action diplomatique nécessaire en soutien et en prolongement de l’action militaire et politique à l’intérieur du pays.
Depuis la conférence de Bandoeng ; tenue en avril 1955, l’Indonésie jouait un rôle primordial dans le mouvement afro-asiatique ; qui constituait une tentative d’organiser un bloc de pays nouvellement indépendants face aux deux adversaires qui s’affrontaient dans la guerre froide. Benyahia est appelé par le FLN à ouvrir un bureau de représentation diplomatique à Djakarta, capitale d’un pays dont le leader, Soekarno, portait haut le flambeau de la lutte de libération nationale des peuples colonisés. C’est dire combien ce poste était important pour le FLN, qui avait saisi, dés sa création, l’importance de l’action diplomatique et de la mobilisation du soutien internationale pour le triomphe de la lutte armée. C’est dire également dans quelle estime Benyahia était déjà tenu ; malgré son jeune âge.
A Djakarta, il se distingue par son dynamisme, son énergie, sa capacité de persuasion et la clarté de son expression. Grâce à lui, la reconnaissance internationale du FLN ; déjà acquise à la Conférence de Bandoeng, est affirmée et étendue.
Le nom de Mohammed Seddik Benyahia est associé à nombre d’évènements majeurs de la lutte de libération nationale comme de la renaissance de l’Etat algérien indépendant.
UNE JEUNESSE STUDIEUSE
Né le 30 Janvier 1932 à Jijel, d’une famille de lettrés, Benyahia est scolarisé dans l’une des écoles de sa ville natale, avant d’être envoyé, d’abord à Bougie, puis à Sétif ; pour y poursuivre ses études secondaires. Le lycée de cette dernière ville était fréquenté par de jeunes Algériens provenant de diverses régions du Centre et de l’Est du pays, qui venaient y préparer leur baccalauréat. C’est là que Benyahia reçut sa formation politique de base. La lutte de libération nationale, dans la fin des années quarante du siècle dernier, était encore dans sa phase politique. Mais les massacres qui avaient suivi les manifestations du 8 mai 1945, et avaient secoué plusieurs villes du pays, venaient de démontrer que la voie pacifique vers l’indépendance était une chimère. On sait que la population algérienne des régions de Guelma et de Sétif avait compté le plus grand nombre de victimes de la répression coloniale féroce qui avait pris pour prétexte des manifestations essentiellement pacifiques d’une population désarmée et misérable. Le sujet essentiel des discussions de la génération de lycéens dont faisait partie Benyahia portait sur les voies d’arracher l’indépendance du pays à un occupant décidé à garder, par tous les moyens, sa main mise sans partage sur le pays. Cette génération d’intellectuels qui partageait les mêmes bancs de lycée devait jouer un rôle important dans le déclanchement et la direction de la guerre de libération.
LE REVEIL A LA VIE POLITIQUE
Benyahia était un élève brillant, avide de lecture qui trouvait, malgré la lourdeur des programmes scolaires, du temps pour lire les livres sur l’histoire de l’Algérie, comme sur les sujets politiques internationaux du moment, qui lui tombaient sous la main. Il s’intéressait particulièrement à la lutte pour l’indépendance des peuples de l’Inde, du Pakistan, de l’Indonésie et des pays arabes du Moyen Orient, dont certains n’avaient qu’une indépendance nominale, et d’autres, comme la Palestine, subissaient une entreprise de colonisation fondée sur une interprétation obsolète, raciste et fanatique des livres saints du Christianisme et du Judaïsme.
Dans ce lycée, Benyahia se fit des amis qu’il devait rencontrer plus tard dans le FLN et le GPRA. Malgré ses tendances intellectuelles, qui faisaient de lui un introverti, il n’était pas timide et montrait déjà certaines qualités de leader né, qui devaient se manifester plus tard avec éclat. C’était aussi un joueur acharné de football, bien qu’il fût de constitution physique plutôt frêle. Mais il montrait dans le jeu un acharnement et une résilience étonnants que sa fragilité d’apparence ne laissait pas deviner.
Il termina ses études secondaires en 1951. Muni de son baccalauréat, il s’inscrivit à la Faculté de droit de l’université d’Alger, alors foyer des idéologues les plus acharnés du colonialisme pur et dur.
L’ETUDIANT MILITANT
Il loge à la cité universitaire de la Robertsau, où étaient regroupés la plus grande partie des étudiants algériens inscrits dans cette université. A l’époque, les Algériens formaient une petite minorité dans la masse des étudiants français, dont la majorité était des enfants de gros propriétaires terriens, ou de fonctionnaires dans l’administration coloniale.
Comme les Algériens diplômés trouvaient difficilement un emploi correspondant à leur niveau dans l’administration ou les entreprises coloniales, la tendance était à la formation dans une profession libérale. Benyahia choisit de poursuivre une licence en droit, et d’embrasser la profession d’avocat.
Dans le début des années cinquante du siècle dernier, l’atmosphère, parmi les intellectuels algériens, était à l’organisation de la lutte armée, la voie politique vers l’émancipation de l’Algérie étant alors bouchée par l’intransigeance du pouvoir colonial et son refus d’appliquer ses promesses de plus grande participation des Algériens à la vie politique du pays.
L’agitation parmi les étudiants algériens de l’époque était grande, quoiqu’il n’existât pas de syndication estudiantine. Une section étudiante fut alors créée pour regrouper les Algériens inscrits à l’Université d’Alger. Benyahia en fit partie. Les membres de cette association étaient en contact organique avec le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratique, qui combattait pour l’indépendance du pays ; et d’où devaient sortir les organisateurs et les leaders de la guerre de libération nationale.
L’AVOCAT DES NATIONALISTES
Le Premier Novembre 1954 marqua le déclanchement de la lutte armée. Le FLN et son aile militaire, l’ALN, se manifestèrent, à travers tout le territoire national, par des tracts et des attaques armées contre les infrastructures civiles et militaires coloniales.
Benyahia venait d’obtenir sa licence en droit. Il trouva un emploi comme avocat dans un cabinet de la capitale. Il préserva, cependant, ses liens avec l’université, et continua à être actif dans la section estudiantine, dont les activités avaient pris une nouvelle forme et une nouvelle dynamique, sous l’animation du FLN à laquelle elle avait adhéré.
L’agitation politique s’intensifia à l’université d’Alger. Des échauffourées éclatèrent entre étudiants algériens et étudiants français. Les cours des professeurs qui exprimaient des opinions favorables à l’entreprise coloniales furent boycottés par les Algériens. La police intervint et arrêta, en février 1955, quatre étudiants algériens. Benyahia, déjà membre du barreau d’Alger, est chargé d’assurer leur défense. Leur arrestation déclencha une grève générale des étudiants et des lycéens algériens de la capitale. Les autorités coloniales finirent par céder sous la pression des jeunes Algériens, de crainte d’une agitation qui pouvait dépasser les limites des lycées et de l’Université. Les quatre étudiants furent libérés, et rejoignirent immédiatement l’ALN.
Dans la défense de ses camarades, Benyahia fit preuve d’un talent oratoire et d’un courage intellectuel qui rehaussèrent son prestige dans le milieu estudiantin. Le FLN le chargea, avec d’autres étudiants, d’organiser l’Union Générale des Etudiants Algériens (UGEMA) , organisation estudiantine qui vit le jour en juillet 1955. Cette association joua un rôle crucial dans la formation politique de toute une génération d’intellectuels, qu’elle mobilisa pour la lutte de libération nationale. Comme animateur de l’UGEMA ; Benyahia prit une importance primordiale dans l’organisation, l’orientation politique et le succès de cette association. Il fut l’un des maitres d’œuvre de la grève des étudiants de mai 1956, grève qui devait déboucher sur une mobilisation massive des intellectuels aux côtés de l’ALN et du FLN.
LES PREMIERS PAS DANS LA DIPLOMATIE
Ses activités politiques, tout comme sa renommée, n’étaient pas sans danger pour Benyahia, qui était sous la constante menace d’une arrestation, ou même de la liquidation physique par les forces coloniales.
Les responsables du FLN de l’époque estimèrent qu’ils ne pouvaient pas laisser l’ennemi neutraliser un homme aux qualités de leadership déjà avérées. Ils avaient besoin de ses talents d’organisateur et de son expérience politique pour l‘action diplomatique nécessaire en soutien et en prolongement de l’action militaire et politique à l’intérieur du pays.
Depuis la conférence de Bandoeng ; tenue en avril 1955, l’Indonésie jouait un rôle primordial dans le mouvement afro-asiatique ; qui constituait une tentative d’organiser un bloc de pays nouvellement indépendants face aux deux adversaires qui s’affrontaient dans la guerre froide. Benyahia est appelé par le FLN à ouvrir un bureau de représentation diplomatique à Djakarta, capitale d’un pays dont le leader, Soekarno, portait haut le flambeau de la lutte de libération nationale des peuples colonisés. C’est dire combien ce poste était important pour le FLN, qui avait saisi, dés sa création, l’importance de l’action diplomatique et de la mobilisation du soutien internationale pour le triomphe de la lutte armée. C’est dire également dans quelle estime Benyahia était déjà tenu ; malgré son jeune âge.
A Djakarta, il se distingue par son dynamisme, son énergie, sa capacité de persuasion et la clarté de son expression. Grâce à lui, la reconnaissance internationale du FLN ; déjà acquise à la Conférence de Bandoeng, est affirmée et étendue.
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